Écoliers et écolières à Kaboul, septembre 2017. Une image comme on n'en voit plus en Afghanistan | © KEYSTONE / Agence VU / Andrew Quilty
International

Le Tribunal permanent des peuples, tribune pour les femmes afghanes

Le Tribunal permanent des peuples (TPP) a ouvert à Madrid, le 8 octobre 2025, une audience publique au sujet des violations des droits des femmes en Afghanistan. Celle-ci fait suite à un recours présenté par une coalition d’organisations de la société civile afghane.

avec l’agence Fides

Quatre organisations afghanes – Rawadari, Afghanistan Human Rights and Democracy Organization, Organization for Policy Research and Development Studies et Human Rights Defenders Plus – ont dénoncé, dans un recours commun déposé au TPP, les violations des droits et les discriminations perpétués par le gouvernement taliban à l’encontre des femmes afghanes. Les juges du Tribunal rendront une déclaration liminaire le 10 octobre, tandis que le verdict final sera rendu au cours de la première quinzaine de décembre 2025.

Ces trois jours d’audience sont une occasion importante pour les femmes afghanes de partager leurs témoignages à propos de l’apartheid sexuel qui les frappe. Depuis décembre 2024, la coalition d’ONG a mené des discussions et des consultations avec des victimes, des survivants, des érudits islamiques, des avocats internationaux spécialisés dans les droits humains, des organisations de la société civile et des experts internationaux en matière de justice pénale, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Afghanistan, afin de vérifier et de documenter les violations des droits des femmes.

Depuis le retour au pouvoir des talibans en août 2021, les femmes et les filles afghanes sont exclues de l’enseignement secondaire et universitaire et de presque toutes les professions et de la vie publique. Réduites au silence et marginalisées dans leur propre pays, elles risquent d’être oubliées par la communauté internationale. Cette audience au TTP est donc considérée comme une tribune providentielle pour se faire entendre à nouveau dans le monde.

Un pays entier privé d’internet

L’isolement international des 43 millions d’Afghans a franchi un palier supplémentaire le 29 septembre 2025. Durant plus de deux jours, les talibans ont entièrement coupé internet dans le pays, au nom de la lutte contre le «vice» et l’influence des «ennemis de l’islam».

Des pans entiers de l’économie, de l’administration, des systèmes de la santé et de l’éducation ont été ainsi brutalement arrêtés, et des centaines de milliers de familles séparées par l’exil interdites d’entrer en contact avec leurs proches. Quant aux femmes (pour les plus chanceuses), elles se sont retrouvées privées de toute possibilité d’apprentissage en ligne, dernier moyen d’accession à l’éducation et de contact avec le monde extérieur.

Les communications internet ont été rétablies le 1er octobre, mais cette interruption a montré jusqu’où les talibans sont prêts à aller pour prouver et imposer leur pouvoir. En 2001, lors de leur première prise de pouvoir, ils avaient déjà décidé d’interdire Internet pour «prévenir toute influence contraire à l’islam», mais sans mettre en application cette décision.(cath.ch/fides/lb)

Un Tribunal à valeur symbolique
Le Tribunal permanent des peuples est un tribunal international d’opinion qui traite les cas de violations graves des droits humains, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de génocide. Il est composé d’un réseau d’experts reconnus au niveau international. Le TPP a son siège à Rome et a tenu plus de 50 sessions à travers le monde. Il a déjà tenu deux sessions sur l’Afghanistan, en relation avec l’invasion soviétique de 1979, à Stockholm (1981) et à Paris (1982).
Le TTP a été créé à Bologne en 1979 dans le cadre de la Déclaration universelle des droits des peuples (1976), à l’initiative du juriste et homme politique italien Lelio Basso, transformant les expériences du Tribunal Russell sur le Vietnam (1966-67) et du Tribunal Russell sur les dictatures en Amérique latine (1973-76) en une institution à l’écoute permanente des peuples confrontés à l’absence de droit et à l’impunité. Les jugements ne sont pas contraignants et ont une valeur principalement symbolique, culturelle et politique. LB

Écoliers et écolières à Kaboul, septembre 2017. Une image comme on n'en voit plus en Afghanistan | © KEYSTONE / Agence VU / Andrew Quilty
8 octobre 2025 | 15:19
par Lucienne Bittar
Temps de lecture : env. 3  min.
Afghanistan (42), Droits Humains (64), femmes (179), Talibans (16)
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