Mort de Jean-Claude Guillebaud: la foi au cœur de ses méditations
Le journaliste et écrivain Jean-Claude Guillebaud est décédé à l’âge de 81 ans le 8 novembre 2025 en Charente, dans le Sud-Ouest de la France. L’essayiste, ancien lauréat du prix Albert Londres en 1972 et ancien président de Reporters Sans Frontières, est l’un des grands témoins de la fin du XXème siècle et du début du XXIème siècle. La question de la foi était revenue au cœur de ses méditations.
Depuis son retour à la foi chrétienne, au milieu des années 2000, Jean-Claude Guillebaud a écrit plusieurs livres, des chroniques, des éditoriaux et donné des conférences sur la foi. A un moment de l’histoire où la foi et les religions sont passablement malmenées par un monde en perpétuel mouvement, tournant le dos aux traditions, Jean-Claude Guillebaud, dans son ouvrage La foi qui reste (Ed. de l’Iconoclaste, 2017) a proposé un état des lieux de la foi aujourd’hui.
Dans son ouvrage Comment je suis redevenu chrétien, (Ed. Albin Michel, février 2007) celui qui fut grand reporter au sein du quotidien régional Sud Ouest, pour qui il a couvert les conflits au Biafra et au Vietnam, avant de travailler pour le quotidien Le Monde et tenu des chroniques notamment dans les hebdomadaires Le Nouvel Observateur et La Vie, partage son parcours de conversion. C’est à la faveur d’une grave maladie qu’il a redécouvert «la pertinence du message évangélique». Son retour au christianisme illustre un cheminement intellectuel et spirituel profond, guidé par la raison et une quête de sens.
Pertinence du christianisme dans le monde moderne
Il expliquait alors que sa démarche n’était pas motivée par une quête spirituelle traditionnelle, mais par une réflexion sur les grandes mutations du monde et une prise de conscience de l’importance du message chrétien dans la société contemporaine. Il a été influencé par ses années de journalisme, où il a été témoin de conflits et de souffrances, ce qui l’a amené à chercher un sens plus profond à la vie. Il souligne que le message chrétien conserve une valeur fondatrice, même pour ceux qui ne croient pas en Dieu. Pour lui, ce n’est pas une émotivité vague qui l’attire, mais une conscience de la pertinence du christianisme dans le monde moderne.
A propos de son ouvrage La foi qui reste, Jean-Claude Guillebaud relevait que «se dire chrétien dans le monde d’aujourd’hui, c’est s’exposer à bien des railleries, des moqueries et des sarcasmes, plus encore lorsqu’on est journaliste, essayiste et intellectuel comme lui. Il déplore d’ailleurs l’hystérie antireligieuse qui prévaut en France depuis quelques années, de même que les récentes dérives de la laïcité républicaine, qui cherche à interdire toute expression de la foi sur la place publique, alors que la laïcité républicaine bien comprise renvoie à la neutralité religieuse de l’État et non à un athéisme officiel et militant», écrit Frédéric Barriault dans la revue «Relations» éditée à Montréal, au Québec.
L’extrême-droite instrumentalise les racines chrétiennes de l’Europe
Ce spécialiste de l’histoire du catholicisme québécois contemporain souligne que si Jean-Claude Guillebaud demeure convaincu du rôle structurant des valeurs judéo-chrétiennes et de leur capacité de contribuer à fonder une Europe démocratique, solidaire et progressiste, il déplore toutefois l’instrumentalisation des racines chrétiennes de l’Europe par certains partis d’extrême droite.
«Guillebaud est d’autant plus prudent qu’il observe avec inquiétude la montée en force du catholicisme identitaire, c’est-à-dire de ce catholicisme fielleux, belliqueux, nostalgique d’une Europe chrétienne largement idéalisée. Il s’inquiète donc de l’influence croissante de ce catholicisme identitaire, emmuré dans une mentalité d’assiégés, et qui cherche à transformer l’identité chrétienne de la France en étendard patriotique, de même qu’en repoussoir dressé contre les minorités ethniques et religieuses en général, et contre l’immigration arabo-musulmane en particulier. Bref, il s’inquiète du glissement d’un certain catholicisme vers l’extrême droite, comme ce fut hélas le cas, pendant l’entre-deux-guerres, avec les milieux catholiques gravitant autour de Charles Maurras et de L’Action française».
«Nous devons rendre raison de l’espérance qui est en nous»
Jean-Claude Guillebaud, dans son ouvrage, constate l’irritation qui peut envahir les croyants face à une église jugée trop sclérosée où trop libérale en fonction que l’on soit plutôt à droite ou plutôt à gauche. Il déplore aussi la position frileuse de l’institution catholique quant à la place de la femme en son sein et dresse le constat d’une «médiocrité cléricale» qui est à la base du départ progressif de celles qui constituaient les gros bataillons des croyants au sein de l’Eglise romaine. Il relève encore que la France est un pays où il est devenu difficile de vivre sa foi. Les croyants de toute obédience deviennent pour certains les principaux adversaires de la République. Une croix chrétienne, une kipa juive, un voile porté dans la rue, seront perçus comme autant de menaces pour la République laïque. Mais Guillebaud cherche à retrouver un élan, une dynamique en reprenant la première lettre de l’apôtre Pierre: «Nous devons rendre raison de l’espérance qui est en nous». (cath.ch/be)
> Réécoutez Jean-Claude Guillebaud dans l’émission «Babel» du 14 janvier 2018 <





