A Kharkiv sous les bombes, l’Eglise aide les populations traumatisées
Dans une zone constamment bombardée, Kharkiv, la deuxième ville d’Ukraine située à plus de 400 km à l’est de Kiev compte des dizaines de milliers d’habitants touchés par la pénurie d’électricité, le manque d’eau et de chauffage. «Nous devons aider toujours davantage de personnes traumatisées», révèle Mgr Pavlo Honcharuk, évêque catholique latin de Kharkiv-Zaporijia.
«Très tôt, l’Église a pris conscience qu’elle devait s’engager et se consacrer à la guérison des traumatismes des soldats et des civils», affirme Mgr Honcharuk. «Il y a en permanence des drones et des roquettes, et nous les entendons survoler nos têtes, tous les jours. Les pires sont les drones à fibre optique. Ils ont une portée de 50 km et ils tirent sur tout ce qui bouge et qui vit. Nous vivons dans la plus grande tension», confie le jeune évêque de 47 ans.
La situation décrite par l’évêque de Kharkiv, qui vit à une trentaine de kilomètres de la frontière avec la Russie, est dramatique: «Les terrains de jeux où se trouvent les enfants, les entreprises, les fermes sont bombardés. Il y a une destruction totale de tout ce qui bouge, une destruction des constructions. Des villages et des villes entières ont été détruits».
Un constant bourdonnement de drones
Ses prêtres, eux-mêmes au chevet de ceux qui sont dans le besoin, «subissent personnellement des coups durs et n’ont pas toujours quelqu’un avec qui les évoquer. Ma mission consiste à soutenir mes prêtres…Les militaires viennent aussi nous voir avec des blessures spirituelles pour parler et obtenir du soutien».
Le bourdonnement des drones est tellement constant sur la ville que les habitants en sont arrivés à craindre le pire lorsqu’ils ne les entendent plus. «Le plus grand danger pour nous est effectivement le silence. Lorsqu’il y a un silence, nous ne savons pas ce qui va se passer», a expliqué l’évêque lors de sa récente visite au siège international de la fondation «Aide à l’Eglise en Détresse (ACN)» à Koenigstein, en Allemagne. ACN finance les cours de l’Eglise locale sur la façon d’apprendre à vivre avec un traumatisme et sur la manière d’essayer de guérir les blessures.
«C’est une partie très spéciale de mon ministère»
«C’est une partie très spéciale de mon ministère. Nous avons des aumôniers militaires qui travaillent avec les soldats et qui constatent que, lorsque ceux-ci reviennent auprès de leurs familles, ils sont complètement changés et cela affecte également le reste de la famille. Les personnes qui ont perdu leur maison ou leurs biens souffrent aussi d’une forme de traumatisme, différent du traumatisme et de la douleur des prisonniers de guerre qui reviennent. C’est très complexe. Il est très important d’écouter les gens et d’essayer d’aider chacun d’une manière spécifique», constate Mgr Pavlo Honcharuk.
Chaque jour pourrait être pour eux le dernier
«Nous savons que nous devons tout faire pour survivre. Vivre, et non mourir. Nous avons tant de douleur en nous, mais nous savons que nous devons continuer à vivre. Telle est notre vie : au jour le jour. Parfois, quand nous rencontrons quelqu’un, nous demandons: «Comment vas-tu ?». Et la réponse est simplement: «Je suis encore en vie». Et c’est déjà bien !», poursuit-il.
La guerre qui a suivi l’invasion à grande échelle de l’Ukraine en 2022 a eu un profond impact sur la vie de chacun dans le pays, mais les personnes qui vivent près de la ligne de front savent que chaque jour pourrait être pour eux le dernier.
«Les suicides sont également devenus un problème majeur»
«Même moi, en tant qu’évêque, ainsi que les autres prêtres et religieuses, nous recevons tous une formation psychologique permanente. C’est très important, car grâce à elle nous pouvons aider les gens à éviter les problèmes psychologiques, les tensions et les problèmes au sein des familles, la violence et même les suicides, qui sont également devenus un problème majeur».
ACN soutenait déjà l’Église catholique en Ukraine avant le début de la guerre et a augmenté son assistance après l’invasion de 2022. L’une des formes d’aide les plus vitales est la fourniture de générateurs, car les forces militaires russes ciblent souvent les réseaux électriques, en particulier en hiver. «Sans générateurs, nous n’avons pas de chauffage, nous ne pouvons pas vivre sans cette aide !» déclare l’évêque.
ACN fournit également une aide à la subsistance aux prêtres et aux religieuses qui continuent de servir, y compris dans les plus petites paroisses. L’œuvre d’entraide catholique a acheté des véhicules pour que les agents pastoraux puissent atteindre leurs communautés. «ACN est la main tendue de Dieu qui nous aide à surmonter notre vie quotidienne», lâche l’évêque. (cath.ch/acn/be)





