Les évêques suisses à St-Gall le 11 septembre 2024 | © CES
Suisse

La CES aux agents pastoraux: attention à la crédibilité de l'Église  

La crédibilité de l’Église dépend largement du mode de vie de ses responsables, de ses collaboratrices et collaborateurs, explique la Conférence des évêques suisses (CES) dans un document de 7 pages rendu public le 17 novembre 2025.

La CES propose un état des lieux de la pratique dans les diocèses suisses en ce qui concerne le lien entre le mandat épiscopal et le mode de vie des prêtres, des diacres et des agents pastoraux laïcs et agentes pastorales laïques. Les évêques se prononcent ainsi contre un catalogue de règles rigides.

La crédibilité de la communauté ecclésiale repose sur la crédibilité de tous les baptisés et notamment de ses agents pastoraux, note la CES. En ce qui concerne ces derniers, il convient donc d’accorder une attention particulière à leur formation et à leur préparation, ainsi qu’à l’exercice compétent des responsabilités qui leur sont confiées.

Les agents pastoraux, des personnalités publiques exposées

Compte tenu de l’unicité de chaque situation de vie, il faut sans cesse faire preuve de discernement. La crédibilité qui importe dans la pratique ecclésiale ne peut se limiter chez eux aux domaines du ministère et à des champs d’activité délimités. Les agents pastoraux sont fortement exposés à la perception de l’extérieur et sont identifiés à leur mission dans tous les domaines de la vie: ce sont des personnalités publiques qui sont jugées, dans l’ensemble de leur conduite, à l’aune des valeurs de la foi chrétienne qu’ils prêchent. C’est pourquoi il n’est pas possible de séparer complètement leur comportement professionnel et leur vie privée.

Comme pour toutes les personnalités publiques, y compris en dehors de l’Église, les contradictions flagrantes entre ces deux domaines peuvent choquer. Leur intégrité personnelle et leur adhésion aux valeurs fondamentales de l’Église sont donc déterminantes, estime la CES.

La foi chrétienne n’est pas un aspect partiel de la vie

En même temps, constate-t-elle, il peut être éprouvant pour les agents pastoraux d’être constamment observés de l’extérieur (y compris dans leur vie relationnelle et familiale) et de supporter la tension entre exigence et réalité. Il convient ici de noter que les personnalités publiques ont elles aussi droit à une vie privée et que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale.

Chaque être humain a besoin d’espaces protégés pour son épanouissement personnel et privé. Néanmoins, la vie privée doit également pouvoir se dérouler à la lumière de la sphère publique et ne doit pas être condamnée à être vécue en cachette. Cela vaut d’autant plus lorsque les agents pastoraux vivent en couple et en famille et que d’autres personnes sont ainsi concernées par leur rapport de service.

Dans ce contexte, la communauté ecclésiale développe une culture dans laquelle la foi chrétienne n’est pas un aspect partiel de la vie humaine, mais façonne le mode de vie dans son ensemble. Les instances ecclésiastiques responsables sont tenues d’aménager les conditions de service de manière à ce qu’aussi bien les prescriptions de l’Eglise que la vie privée et l’intimité des agents pastoraux soient respectées. «On est en droit d’attendre des supérieurs ecclésiastiques qu’ils agissent de manière à ce qu’il n’y ait rien à cacher».

Conséquences pour la pratique des nominations et mandats épiscopaux

Il ressort des considérations qui précèdent la nécessité de différencier la pratique ecclésiastique en matière de nomination et du mandat épiscopal en ce qui concerne les questions liées au mode de vie. Jusqu’à présent, les évêques suisses ont pris des décisions au cas par cas pour les agents pastoraux. «Ces décisions tiennent certes compte des situations personnelles, mais peuvent donner l’impression d’un certain manque de transparence ou être parfois perçues comme arbitraires».

Une approche transparente de la prise en compte des circonstances personnelles et des difficultés qui y sont liées, ainsi qu’un dialogue honnête entre les parties concernées, permettent de lutter contre un climat de peur et, par conséquent, contre la dissimulation, poursuit la CES. «L’honnêteté et la volonté personnelle d’adapter progressivement sa propre situation à la lumière de l’Évangile ouvrent et consolident la voie afin que l’évêque compétent puisse trouver des solutions adéquates dans le cadre d’un dialogue ouvert avec l’agent pastoral et l’agente pastorale concernés».

Champ de tension entre les prescriptions ecclésiastiques et les réalités de la vie

Les critères ecclésiastiques peuvent se heurter à des situations de vie personnelles qui exigent une approche nuancée, empreinte de miséricorde. L’Église est appelée à ne pas exclure les personnes en situation de vie complexe, mais à les rencontrer dans un dialogue sincère et à les accompagner, dans l’esprit de la logique de la miséricorde soulignée à maintes reprises par le pape François.

Les critères énoncés dans l’exhortation apostolique du pape François Amoris laetitia (La joie de l’amour) portant sur l’amour dans la famille, souligne la CES, s’appliquent ici de manière analogue: «La route de l’Église est celle de ne condamner personne éternellement; de répandre la miséricorde de Dieu sur toutes les personnes qui la demandent d’un cœur sincère […Car] la charité véritable est toujours imméritée, inconditionnelle et gratuite ! Donc, il faut éviter […] des jugements qui ne tiendraient pas compte de la complexité des diverses situations; il est également nécessaire d’être attentif à la façon dont les personnes vivent et souffrent à cause de leur condition».   

«Personne ne peut être condamné pour toujours»

«Personne ne peut être condamné pour toujours, parce que ce n’est pas la logique de l’Évangile !» Le pape François ne se référait pas seulement aux divorcés engagés dans une nouvelle union, mais à tous, en quelque situation qu’ils se trouvent. «Mais bien entendu, si quelqu’un fait ostentation d’un péché objectif comme si ce péché faisait partie de l’idéal chrétien, ou veut imposer une chose différente de ce qu’enseigne l’Église, il ne peut prétendre donner des cours de catéchèse ou prêcher, et dans ce sens il y a quelque chose qui le sépare de la communauté (cf. Mt 18, 17). Il faut réécouter l’annonce de l’Évangile et l’invitation à la conversion», rappelle Amoris laetitia (296-297).

Grâce aux documents préparés par la Commission théologique et œcuménique, ainsi qu’à leurs propres réflexions approfondies et intensives lors de trois assemblées ordinaires de la CES, les évêques ont décidé de ne pas publier de catalogue de règles et de critères. Ils proposent plutôt un état des lieux prenant en compte les réalités actuelles de la vie et invitant au discernement spirituel. Les évêques réaffirment leur volonté d’un dialogue ouvert avec les agentes pastorales et agents pastoraux et les remercient pour leur engagement au service d’une Église crédible. (cath.ch/ces/be)

Les évêques suisses à St-Gall le 11 septembre 2024 | © CES
17 novembre 2025 | 13:33
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 5  min.
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