L’Eglise catholique américaine vers une impasse financière?
Au-delà des questions doctrinales et pastorales, l’élection d’un prélat conservateur à la tête de la conférence des évêques des Etats-Unis (USCCB) repose aussi sur un arrière-fond financier. Privée de ses subventions par le gouvernement Trump, l’USCCB doit revoir son fonctionnement.
Après la suppression par le gouvernement Trump des contributions fédérales destinées à l’accueil des migrants et des réfugiés, l’Eglise catholique américaine est confrontée à des choix stratégiques et financiers difficiles. Son chiffre d’affaires dépasse les 300 millions de dollars par an, rapporte le site The Pillar qui présente une analyse complète des rouages financiers de l’USCCB.
Des diocèses aux ressources très variées
La conférence des évêques des Etats-Unis réunit les responsables des 193 diocèses du pays aux tailles et aux ressources très variées. Elle est volontiers perçue comme un hybride entre un méga-diocèse et un mini-Vatican. En réalité, elle n’est ni l’un ni l’autre, car elle ne possède aucune autorité canonique. Elle a néanmoins trois types de tâches importantes.
Au plan pastoral, la conférence parraine des initiatives spirituelles telles que le Renouveau eucharistique national, prépare du matériel catéchétique, approuve les traductions liturgiques destinées aux États-Unis, et publie des documents et des directives sur la doctrine catholique. Elle a ainsi révisé récemment son code éthique pour les hôpitaux catholiques.
Dans son deuxième champ d’activité, la conférence agit en tant qu’organisation supra-diocésaine pour l’administration des œuvres caritatives catholiques. Elle organise en particulier les collectes nationales qui financent les organisations d’entraide.
Comment maintenir l’aide aux migrants et aux réfugiés?
Enfin, l’USCCB sert d’intermédiaire avec les organisations catholiques qui obtiennent des contrats et des financements du gouvernement fédéral américain pour fournir des services caritatifs aux migrants et aux réfugiés. Ces dernières années, ce domaine d’activité est devenu le plus important financièrement pour un montant de plus de 180 millions de dollars en 2024.
Mais au début de l’année 2025, le gouvernement Trump a annulé tous les contrats gouvernementaux réduisant à néant la plus grande partie du budget de la conférence. Privées de financements de l’Etat, l’USCCB et les organisations locales ont dû fermer de nombreux bureaux et licencier leur personnel.
La conférence est désormais confrontée à un choix délicat. Peut-elle continuer à assurer ces services en s’appuyant sur des fonds privés? Ou bien doit-elle redimensionner, voire supprimer complètement cet engagement? La question est évidemment financière, mais aussi politique.
L’USCCB faisait partie des dix agences, religieuses et laïques, associées au Département d’État pour aider les réfugiés autorisés à entrer aux États-Unis. Avec des prestations touchant l’accueil à l’aéroport, la fourniture d’un logement pour les premiers mois, l’alimentation ou les vêtements selon les besoins, le soutien administratif pour les démarches légales, l’inscription à l’école et l’accès aux soins de santé.
88% des fonds reçus pour fournir ces services ont été directement reversés aux organisations locales qui s’occupaient de l’installation des réfugiés, les 12% restants étant consacrés à l’administration du programme par l’USCCB.
La manne des quêtes nationales
La deuxième part du budget de l’USCCB est structurée de manière similaire. La conférence agit comme centrale qui gère l’ensemble de collectes nationales, et qui redistribue les dons des fidèles aux organisations catholiques locales qui mènent le travail sur le terrain.
L’USCCB a ainsi collecté 82,3 millions de dollars grâce aux quêtes nationales en 2024. Mais ce montant n’est pas extensible. Il est légèrement inférieur à celui des deux années précédentes.
La plus importante des collectes nationales est toujours celle organisée pour le National Religious Retirement Office, qui finance la prise en charge des prêtres âgés. Parmi les autres collectes importantes, on peut citer celles organisées pour le Catholic Relief Services (CRS) (aide internationale), le Home Missions Appeal (écoles catholiques) et celles destinées à l’Église en Amérique latine et en Europe de l’Est.
La Catholic Campaign for Human Development (CCHD) qui a suscité une certaine controverse ces dernières années, certains lui reprochant une approche trop politique, a cependant maintenu le cap et a même réussi à augmenter ses dons de 1,5 million de dollars en 2024. La nouvelle direction de l’USCCB pourrait jouer un rôle important dans l’orientation de la campagne.

Contribution des diocèses
La troisième catégorie de dépenses concernent les tâches plus proprement internes à l’Eglise. La majorité du personnel de l’USCCB travaille dans ces domaines.
Tout comme les diocèses financent leurs activités en imposant une contribution au aux paroisses, l’USCCB obtient la majorité de ses fonds de fonctionnement en imposant une ‘cotisation’ aux diocèses. En 2024, l’USCCB a ainsi collecté 12,4 millions de dollars. À titre de comparaison, l’archidiocèse de Los Angeles, le plus grand des États-Unis, a collecté 22,4 millions de dollars en cotisations auprès de ses paroisses en 2024, et l’archidiocèse de Chicago en a collecté 23,5 millions.
Même si les cotisations qui soutiennent l’USCCB sont relativement modestes, elles ont augmenté de 22% au cours des quinze dernières années. Avec la baisse du nombre de personnes se déclarant catholiques et la diminution du nombre de catholiques qui assistent régulièrement à la messe, de nombreux diocèses pourraient commencer à ressentir des difficultés financières, qu’ils pourraient à leur tour vouloir répercuter sur l’USCCB.
Enjeux délicats
Ainsi au delà des questions pastorales, la nouvelle direction de l’USCCB doit faire face à des enjeux financiers importants. La question la plus urgente est de savoir que faire face à la fin soudaine du financement public des œuvres caritatives en faveur des réfugiés. Trouver des financements privés pour pallier la défection de l’Etat ne semble guère possible. Dans quelle mesure l’Eglise pourra-t-elle assurer sa présence auprès des migrants? La question reste ouverte. L’évolution des autres activités de l’USCCB dépendra aussi de ses capacités financières. En fin de compte c’est bien l’importance de la présence catholique aux Etats-Unis qui est interrogée. (cth.ch/thepillar/mp)







