«Touristes snipers»: mise en garde contre une «mondialisation de l’indifférence»
Le Parquet de Milan a ouvert une enquête sur des «touristes snipers», qui auraient payé pour tirer sur des civils pendant la Guerre de Bosnie. Dans le média italien catholique AgenziaSIR, le président de Pax Christi Italie s’interroge sur la relativement faible couverture médiatique donnée à cette affaire.
Pour les «touristes snipers» à Sarajevo, le meurtre d’un enfant était tout en haut de la liste des tarifs. Suivaient les hommes adultes (l’équivalent d’environ 100’000 euros), puis les femmes, les personnes âgées pouvant être abattues gratuitement, rapporte Il Giornale.
Le média italien a été le premier, en juillet 2025, à annoncer le lancement d’une enquête par le parquet de Milan sur l’existence présumée d’une filière de «safari humain» pendant la Guerre de Bosnie, dans les années 1990.
«Des personnes puissantes au profil psychologique très spécifique»
La plainte a été déposée par l’écrivain et journaliste italien Ezio Gavazzeni qui enquête depuis des décennies sur cette affaire. La procédure vise à retrouver les personnes qui auraient payé l’équivalent de 100’000 euros pour tirer sur les habitants de la ville bosniaque depuis les hauteurs surplombant la ville, tenues par les milices serbes. Les médias font état d’un dossier bien documenté avec des témoignages de personnes crédibles.
Selon le document, des Italiens, mais aussi des Américains, des Canadiens et des Russes, «des personnes puissantes au profil psychologique très spécifique», arrivaient une fois par mois avec leurs propres moyens de transport, mais aussi en hélicoptère pour tirer, juste pour le plaisir, sur des militaires ou des civils. Des noms, notamment de personnalités en Italie, seraient déjà évoqués. Selon La Repubblica, les tireurs, souvent proches de l’extrême droite italienne, se retrouvaient à Trieste, à l’extrême est du pays, avant d’être conduits vers les positions serbes.
Plus de passion pour Miss Univers?
Suite à l’article du quotidien italien reprenant les donneés d’Il Giornale, le 11 novembre dernier, des médias du monde entier ont relayé ces informations. Mais l’histoire des «touristes snipers» a rarement fait les gros titres.
Un aspect remarqué par Renato Sacco, président de Pax Christi Italie. Dans un éditorial consacré aux «Sarajevo safaris» paru dans AgenziaSIR, le média de la Conférence épiscopale italienne, le laïc souligne qu’il «n’est pas possible de s’habituer à ce massacre, à un geste aussi méprisable et infâme». Il remarque que «pourtant, en regardant certains journaux télévisés, il semblait y avoir plus de passion et d’indignation pour le concours de Miss Univers que pour la nouvelle concernant les tireurs d’élite italiens à Sarajevo. » Renato Sacco déplore «une nouvelle qui, à mon avis, a été rapportée de manière aseptisée, comme s’il s’agissait du licenciement d’un entraîneur de football.»
Ne pas s’habituer à l’horreur
Et le président de Pax Christi de mettre en garde contre «la mondialisation de l’indifférence». «Si nous nous habituons à cela aussi, nous risquons de nous habituer à tout», prévient-il. «Nous nous habituerons de plus en plus aux salons qui exposent des armes et les présentent aux enfants. Nous nous habituerons à une série d’activités ‘éducatives’ et ‘culturelles’ qui enseignent la guerre. Et lorsqu’une porte s’ouvre, même légèrement, à la guerre, le risque est qu’elle s’ouvre en grand et que tout puisse arriver. Même devenir des tireurs d’élite pour le plaisir.» (cath.ch/ag/agenziasir/rz)





