Le pape Léon XIV a visité, le 1er décembre 2025, le sanctuaire de Notre-Dame de Harissa, au Liban | © Vatican Media
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Léon XIV invite les catholiques du Liban à espérer malgré «le bruit des armes»

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Recommencer à «croire en l’avenir». C’est l’exhortation de Léon XIV lors de sa rencontre avec le clergé, les religieux et les forces vives de l’Église catholique du Liban, le 1er décembre 2025, au sanctuaire de Notre-Dame du Liban à Harissa. Plus tôt, le pape a imploré la paix devant la tombe de saint Charbel.

Au lendemain de son arrivée au pays du Cèdre, le pape s’est rendu à Harissa, dans le district de Kesrouan, pour visiter l’un des sanctuaires mariaux les plus importants du Moyen-Orient. Sis au sommet d’une colline qui domine la baie de Jounieh, Notre-Dame du Liban a été inauguré en 1908. Il offre à la vue une statue de Marie en bronze de 15 tonnes et 8,50 mètres de haut, fondue en France. Traditionnellement, les nombreux pèlerins – y compris musulmans – qui y viennent empruntent pieds nus l’escalier en colimaçon creusée dans la tour de 21 mètres qui soutient la statue de la Vierge couronnée.

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Visite à la Vierge

C’est dans une grande ferveur populaire que le pape était attendu à Harissa. Le long des routes, étaient dressés des panneaux publicitaires à l’effigie du pontife, et de nombreuses vitrines de commerçants s’étaient parées des couleurs du Vatican. Une foule de plus de 2000 personnes attendait sa papamobile dans le sanctuaire. Quelques groupes l’ont salué dehors malgré les intempéries qui persistent depuis l’atterrissage de l’avion papal à Beyrouth.

Le pape Léon XIV effectuant une bénédiction, le 1er décembre 2025, au sanctuaire marial libanais de Harissa | © Vatican Media

Le pape a présidé la rencontre dans la basilique construite en forme de proue de navire phénicien, au pied d’une copie de la statue de la Vierge de Lourdes, bénie par Jean Paul II au Vatican en 1992. Dans ce haut-lieu animé par la congrégation des Missionnaires Libanais, Léon XIV a vu un «signe d’unité pour tout le peuple libanais».

Léon salue la cohabitation pacifique entre Libanais et réfugiés syriens

Dans son discours prononcé en français, le pontife a réagi à divers témoignages qui avaient ouvert la rencontre. Il a notamment évoqué celui du Père Youhanna-Fouad Fahel, un prêtre marié exerçant dans une paroisse à la frontière nord libano-syrienne, dans le village de Debbabiyé. «Là-bas, malgré l’extrême pauvreté et sous la menace des bombardements, chrétiens et musulmans, Libanais et réfugiés venus de l’autre côté de la frontière, cohabitent pacifiquement et s’aident réciproquement», a salué Léon XIV.

«C’était terrible de voir les bombes au-dessus de nos têtes» – Sœur Geneviève

Le prêtre marié – comme autorisé par l’Église catholique orientale maronite – avait confié que «dès le début de la guerre en Syrie, ce village a beaucoup souffert, notamment des bombardements venus du côté syrien». Il s’était fait la voix d’un peuple qui souffre de la crise libanaise, et d’un autre, le peuple syrien, «encore plus dissimulé, qui endure la persécution et l’exil». Depuis la chute du régime de Bachar el-Assad en décembre 2024, de nombreux chrétiens ont fui leur pays. Les réfugiés syriens au Liban sont actuellement estimés à 1,1 million, soit un sixième de la population.

La peur des bombardements israéliens

Ce témoignage, qui n’abordait pas les frappes d’Israël ayant touché le sud du pays, pouvait toutefois résonner comme un écho discret à cette autre frontière éprouvée, que le pontife semblait avoir à l’esprit sans y faire référence explicite. Léon XIV a d’ailleurs glissé dans son texte un encouragement à «croire en un avenir différent», même «lorsque le bruit des armes gronde alentours». Dans l’assemblée, était en outre présent le patriarche latin de Jérusalem, le cardinal Pierbattista Pizzaballa, venu de Terre sainte. Ce dernier avait reçu, deux semaines plus tôt, un doctorat honoris causa à l’Université de Fribourg.

Sœur Geneviève, installée au Sud-Liban, a dû fuir les bombardements israéliens | © Hughes Lefèvre / I.MEDIA

Sur les bancs du sanctuaire, certains prêtres ou religieux subissaient la crainte des bombardements. C’était le cas de Sœur Geneviève, de la communauté des Sœurs du Rosaire, installée au Sud-Liban, près de Saïda. Le collège qu’elle gère avec une autre religieuse a dû fermer trois mois l’an passé, à cause des bombardements d’Israël sur le Hezbollah. Les 330 élèves, la moitié musulmane, l’autre chrétienne, ont dû suivre des cours depuis chez eux, via internet. «C’était terrible de voir les bombes au-dessus de nos têtes», s’est souvenu la religieuse qui s’est alors réfugiée à Beyrouth. Cette année, l’école a dû fermer deux jours à cause de la guerre.

Recommencer à espérer

Devant les responsables catholiques, Léon XIV a exhorté à ne pas rester «écrasé par les injustices et les abus, même lorsque […] on est trahi par des personnes et des organisations qui spéculent sans scrupules sur le désespoir de ceux qui n’ont pas d’alternative». Alors que la population libanaise subit une situation économique dramatique, le pape a martelé son appel à «recommencer à espérer en l’avenir, malgré la dureté d’un présent difficile à affronter».

Le chef de l’Église catholique a particulièrement souligné la «responsabilité» de la nation vis-à-vis des jeunes, recommandant de «promouvoir leur présence, y compris dans les structures ecclésiales» et de «leur offrir des perspectives concrètes et réalisables de renaissance et de croissance pour l’avenir».

«Que ceux qui frappent à la porte de nos communautés ne se sentent jamais rejetés»

En guise d’exemple, le pontife a salué le témoignage de Sœur Dima Hebib, directrice d’école à Baalbek. «Face à l’explosion de la violence, elle a choisi de ne pas abandonner le terrain, mais de garder l’école ouverte en faisant de celle-ci un lieu d’accueil pour les réfugiés», s’est-il réjoui en engageant à «aimer au milieu de la haine». Et de lancer, suscitant les applaudissements de l’assemblée: «Aimons sans craindre de perdre ce qui passe, et donnons sans mesure».

Que personne ne soit plus contraint de fuir son pays

Le 267e pape a aussi eu une pensée pour les migrants, revenant sur l’intervention d’une réfugiée des Philippines, venue comme travailleuse domestique au Liban. Le pontife a déploré «l’horreur de ce que la guerre produit dans la vie de tant de personnes innocentes». Il a souhaité «que personne ne soit plus contraint de fuir son pays en raison de conflits absurdes et impitoyables», et «que ceux qui frappent à la porte de nos communautés ne se sentent jamais rejetés». 

Enfin, le pape a tenu à appuyer l’œuvre des catholiques dans le domaine de l’éducation. D’après les statistiques du Vatican, l’Église catholique au Liban administre 750 établissements scolaires. De la maternelle à l’université, ses instituts sont fréquentés par 243’500 élèves. Il a demandé au monde éducatif de venir en aide «surtout à ceux qui sont dans le besoin et n’ont pas de moyens, à ceux qui se trouvent dans des situations extrêmes».

La visite du pape «un point de bascule positif»?

Après son discours, le pape a remis une rose d’or au pied d’une statue de la Vierge Marie près de l›autel. L’objet précieux, composé d’une base en marbre blanc, d’un vase en argent orné des armoiries papales, et d’une branche de roses en or, est un présent traditionnel des pontifes en visite dans des sanctuaires mariaux.

«Quel est l’héritage de saint Charbel, qui n’a rien écrit, qui a vécu caché et silencieux?»

«On entend que la situation va se dégrader après la visite du pape Léon XIV», a témoigné pour sa part à l’agence I.MEDIA le Père Maher, prêtre du Chemin Neuf, installé à Jounieh,. «Mais cette visite peut faire l’effet d’un point de bascule positif. Le pape vient nous donner le courage et l’espérance.» «On espère que cette visite laissera une empreinte positive pour un Liban meilleur, qu’elle sonne comme un réveil», a confié Mazen, 25 ans, professeur d’Histoire. «C’est un moment historique pour le Liban, et spécialement pour nous, les jeunes, touchés par la crise économique.»

«Il n’y pas de paix sans conversion des cœurs», martèle Léon XIV devant la tombe de saint Charbel

«Pour le monde, nous demandons la paix. Nous l’implorons tout particulièrement pour le Liban et pour tout le Levant», a exhorté le pape Léon XIV en se rendant dans la matinée sur la tombe de saint Charbel Makhlouf. Il est ainsi devenu le premier pape à se rendre en pèlerinage sur la tombe du saint au monastère de saint Maroun à Annaya, où vécut cet ermite du XIXe siècle.

Plusieurs milliers de fidèles brandissant des drapeaux du Vatican et du Liban étaient présents autour du sanctuaire très populaire dans le Pays du Cèdre. Ils ont pu voir le pape lors de son parcours au papamobile. Venu en voiture de la nonciature située dans l’agglomération de Beyrouth, à une quarantaine de kilomètres.

Saint Charbel (1828-1898), moine ermite de l’Ordre libanais maronite béatifié en 1965 et canonisé par Paul VI en 1977, est au centre de nombreux phénomènes extraordinaires et de miracles qui en font une figure centrale de la piété populaire au Liban et au-delà. Sa tombe est visitée chaque année par des milliers de fidèles venus du monde entier, particulièrement le 22 de chaque mois.

Après s’être recueilli devant la tombe de saint Charbel, le pape a pris la parole en français pour la première fois de son voyage. Il s’est exprimé devant les quelques personnalités présentes dans cette petite chapelle du sanctuaire, parmi lesquelles le président de la République Joseph Aoun et son épouse. Léon XIV a expliqué que ses prédécesseurs «auraient beaucoup souhaité» venir, notamment saint Paul VI, qui avait béatifié et canonisé ce moine dans le contexte douloureux de la guerre civile libanaise.

Un héritage à contre-courant

«Quel est l’héritage de cet homme qui n’a rien écrit, qui a vécu caché et silencieux, mais dont la renommée s’est répandue dans le monde entier?», s’est interrogé le pape, en rendant hommage à un saint ermite qui enseigne, à contre-courant des tendances du monde, «la prière à ceux qui vivent sans Dieu», «le silence à ceux qui vivent dans le bruit», «la modestie à ceux qui vivent dans le paraître», et «la pauvreté à ceux qui recherchent les richesses».

Léon XIV a prié devant la tombe de saint Charbel, le 1er décembre 2025, au Liban | © Vatican Media

«Sa cohérence, radicale et humble, est un message pour tous les chrétiens», et en particulier pour les évêques, prêtres et consacrés, a insisté le pape. «Déjà, pendant sa vie terrestre, beaucoup venaient vers lui pour recevoir du Seigneur réconfort, pardon, conseil. Après sa mort, tout cela s’est multiplié et est devenu comme un fleuve de miséricorde», a expliqué le pape.

Une lampe pour marcher dans la lumière du Christ

Léon XIV demandé à saint Charbel d’intercéder pour «la communion, l’unité» dans l’Église, et pour «la paix» pour le monde, et «tout particulièrement pour le Liban et pour tout le Levant». Le sud du Liban et même la capitale Beyrouth ont encore été récemment ciblés par des bombardements israéliens visant des responsables du Hezbollah, malgré le cessez-le-feu signé en novembre 2024 et censé mettre fin aux hostilités entre Israël et le mouvement chiite.

«Que saint Charbel nous aide donc à nous tourner vers Dieu et à demander le don de la conversion pour chacun de nous», a demandé Léon XIV en soulignant qu’il n’y a «pas de paix sans conversion des cœurs». Le pape a symboliquement offert au sanctuaire une lampe, confiant «à la protection de saint Charbel le Liban et son peuple, afin qu’ils marchent toujours dans la lumière du Christ».

Centenaire de la présentation de la cause au pape Pie XI

Dans son mot d’accueil prononcé également en français, le Père abbé Hady Mahfouz, supérieur général de l’Ordre libanais maronite, a chaleureusement remercié le pape pour sa visite «devant le tombeau de cet ermite humble et brûlant d’amour». Reprenant les termes du discours de Léon XIV devant les ermites d’Italie, le 11 octobre dernier, il a présenté saint Charbel comme un moine qui a su «chercher Dieu, l’écouter, le louer et l’invoquer, jour et nuit, dans le secret du cœur».

Il s’est réjoui du fait de cette visite du pontife, au terme de cette année 2025, corresponde au 100e anniversaire de la présentation, en 1925, de la cause de béatification et de canonisation de saint Charbel au pape Pie XI par le Père Ignace Daher, alors supérieur général de l’Ordre libanais maronite.

Après avoir prononcé la bénédiction, Léon XIV a visité le petit musée dédié au saint ermite. Le soleil étant revenu au terme de cette visite, le pape a pris le temps de saluer les fidèles rassemblés dans la cour du sanctuaire et de participer à une photo de groupe avec les moines de la communauté.

La journée du pontife se poursuit avec son déplacement au sanctuaire Notre-Dame du Liban à Harissa, situé à une quarantaine de kilomètres. Il doit y rencontrer les évêques, prêtres, consacrés et agents pastoraux des Églises du Liban. (cath.ch/imedia/hl/ak/rz)

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Le pape Léon XIV a visité, le 1er décembre 2025, le sanctuaire de Notre-Dame de Harissa, au Liban | © Vatican Media
1 décembre 2025 | 14:49
par I.MEDIA

Le pape Léon XIV s’est envolé le 27 novembre 2025 pour son premier voyage à l’étranger depuis son élection le 8 mai. En Turquie, il commémorera avec d’autres responsables chrétiens le Concile de Nicée qui a défini en l’an 325 les fondements de la foi chrétienne. Au Liban, il viendra soutenir un pays exsangue et porter un message de paix dans un contexte très tendu avec Israël. Suivez les grandes étapes de ce voyage sur cath.ch

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