Hong Kong: le verdict de culpabilité de Jimmy Lai confirme le virage sécuritaire
Le catholique Jimmy Lai, éditeur de journaux réputé pour son engagement en faveur de la démocratie, a été jugé coupable d’atteinte à la sécurité nationale par la Haute Cour de Hong Kong, le 15 décembre 2025. Il risque la prison à perpétuité.
Géant de la presse hongkongaise, Jimmy Lai avait fondé en 1995 le Apple Daily, l’un des derniers journaux pro-démocratie de la péninsule à avoir publiquement critiqué l’érosion des libertés civiles protégées par la loi fondamentale de Hong Kong.
Ce journal était devenu particulièrement critique à l’égard du gouvernement à la suite du projet de loi de 2019 visant à extrader des habitants de Hong Kong vers la Chine continentale pour qu’ils y soient jugés lors d’affaires politiques. Jimmy Lai avait alors été arrêté en août 2020, ainsi que plusieurs de ses rédacteurs. L’Apple Daily avait finalement été contraint de fermer en 2021, après que le gouvernement eut gelé les avoirs de Lai et de sa société de médias.
De nombreux soutiens internationaux
Âgé de 78 ans et souffrant d’une grave maladie cardiaque, Lai risque dorénavant la prison à vie. Les procureurs ont fait valoir qu’il avait utilisé sa société de médias pour nuire au gouvernement à l’échelle internationale et locale. Les juges ont conclu que ses écrits étaient «objectivement séditieux et rédigés dans le but de susciter la haine et le mépris à l’égard du gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong Kong (RASHK) et d’attiser la désaffection à son égard», rapporte le journal catholique américain The Pillar.
Depuis son arrestation, Jimmy Lai ne cesse de clamer son innocence concernant les accusations de sédition et de collusion avec des puissances étrangères. Il a reçu de nombreux prix et distinctions de la part d’institutions catholiques et laïques, notamment le Prix de la liberté de la presse 2020 de Reporters sans frontières.
Jimmy Lay et le cardinal Zen
Ce catholique fervent, pour qui la foi est une force motrice et un soutien face aux épreuves, comme il en a témoigné, a une relation soutenue avec le cardinal Joseph Zen, évêque émérite de Hong Kong et opposant de la première heure au régime de Pékin, lui-même arrêté en mai 2022. Le magnat de la presse aurait réalisé des dons à hauteur de 20 millions de dollars en faveur du cardinal, qui les a utilisés pour soutenir l’Église catholique dite «souterraine» (non-officielle) de Chine.
Au moment de la première arrestation de Lai en décembre 2020, le cardinal avait qualifié cette mesure d’«intimidation politique évidente». «Jimmy Lai est clairement celui qui dirige le seul journal encore totalement libre», avait-il ajouté.
Une voie efficace pour faire taire la dissidence
Depuis l’imposition à Hong Kong en 2019 de la loi sur la sécurité nationale, plusieurs défenseurs de la démocratie ont été arrêtés et poursuivis, comme comme Bobo Yip, ancienne présidente de la Commission Justice et Paix du diocèse de Hong Kong, en 2023, ou encore Agnes Chow, militante catholique pro-démocratie. Libérée de prison en 2021, celle-ci a choisi la voie de l’exil.
«L’affaire Lai est la dernière affaire en cours dans le territoire qui prouve l’efficacité de la loi sur la sécurité nationale et la volonté du gouvernement de la faire appliquer», commente The Pillar. Mais «l’attention internationale que suscite son affaire obligera sans doute le gouvernement de Hong Kong à trouver un équilibre entre le renforcement de son message d’intimidation et le risque de faire de Lai un martyr de la liberté d’expression et une icône de la résistance dans son pays et à l’étranger».
Investir à Hong Kong pourrait devenir risqué
De nombreux gouvernements occidentaux, en effet, ont demandé sa libération au cours de son procès. Des observateurs mettent aussi en avant que la réputation de Hong Kong comme centre d’affaires international sûr souffre de ces mesures répressives. «La première affaire intentée contre Lai concernait des allégations spécieuses relatives aux conditions du bail immobilier de la société», précise The Pillar.
Un motif d’espérance pour Jimmy Lai. Le gouvernement continental pourrait faire valoir des raisons de santé ou invoquer des priorités diplomatiques plus larges pour obtenir sa libération, tout en laissant intacte la réputation de tolérance zéro des autorités locales. (cath.ch/the pillar/ag/arch/lb)





