Une ambiance pleine de chaleur dans la chapelle des Verrières | © Maurice Page
Suisse

Les Verrières (NE): une chapelle de bois qui a défié 83 hivers

«Je me suis mariée dans cette chapelle des Verrières, c’était en 1968,» raconte Marguerite à la sortie de la messe le 13 décembre 2025 devant le modeste édifice en bois, alors que la nuit tombe sur le village neuchâtelois. Elle prie pour que le projet de sa rénovation aboutisse rapidement.

«Nous venions à l’époque par le train aux Verrières et je chantais dans le choeur dirigé par instituteur Léon Vaglio qui fut la cheville ouvrière de la construction de la chapelle Saint-Nicolas de Flue en 1942», Je me suis aussi marié ici, renchérit David venu avec sa femme et leurs trois jeunes enfants.

83 ans après sa construction, cette chapelle chère aux catholiques du Val de Travers a besoin d’un sérieux coup de jeune. Le clocher est branlant, la ferblanterie abîmée, les portes et les fenêtres ont souffert des longs hivers à 950 mètres d’altitude.

La messe n’y est plus célébrée que quelque fois dans l’année mais les gens du cru y restent très attachés. Il faut dire que son intérieur entièrement en bois dégage une ambiance rustique et chaleureuse. Une grande statue de Frère Nicolas, le patron de la Suisse, rappelle les heures difficiles de la Deuxième guerre mondiale. A la veille de Noël, Marie et Joseph sagement agenouillés dans la crèche attendent la venue de l’enfant Jésus. Pour la messe de gaudete, l’abbé Christophe a revêtu un superbe chasuble rose.

A 1,5 km de la France

«Nous ne sommes qu’à 1,5 km de la frontière avec la France. Enfant, j’y venais assez régulièrement pour la messe», relève Matthieu Conrath , membre du comité de rénovation. «Il nous faut rassembler 200’000 francs pour faire les travaux nécessaires. La paroisse de Fleurier, dont dépend la chapelle, soutient la démarche mais n’a pas d’argent. A Neuchâtel, nous n’avons pas d’impôt ecclésiastique obligatoire.»

Un fort ancrage local

Cette chapelle ›périphérique’ a une forte histoire locale. A partir de la deuxième moitié du XIXe siècle et l’arrivée du train, de nombreux jeunes Suisses y sont venus y travailler au service des douanes, des chemins de fer ou de la poste. Un certain nombre étaient catholiques et ont rejoint la communauté locale. Plutôt que de descendre à Fleurier, à 8 kilomètres de là, les familles allaient jusqu’au village des Verrières de Joux en France voisine. Mais la Première Guerre mondiale ferma les frontières et les catholiques se trouvèrent privés de lieu de culte.

Dans les années 1920, un arrangement fut trouvé avec les Petits Frères de Marie qui avaient ouvert un pensionnat tout près de la frontière. Pendant quelques années, les fidèles purent célébrer dans la chapelle de cet institut. Mais plusieurs changements de propriétaires et surtout l’arrivée de la Deuxième Guerre mondiale rendirent la chose toujours plus difficile. Il fallait, entre autres, se cotiser pour payer une location pour la chapelle.

Une communauté minuscule et pauvre

«Nous avions tous dans nos cœurs le grand désir d’avoir une vraie chapelle, une chapelle à nous, qui serait au centre du village et d’un accès plus facile que le pensionnat. En décembre 1938, les hommes réunis après la messe fondèrent «l’Association des catholiques romains des Verrières et des Boyards», écrit l’instituteur du village Léon Vaglio qui fut à initiative du projet.

La première étape en 1940 est l’achat du terrain à un paysan du lieu pour la somme de 1492,5 francs. On se mit ensuite en quête d’argent, notamment dans la presse catholique. «La minuscule communauté et si pauvre mérite toute notre sympathie», écrira l’évêque dans la Semaine catholique. Le diocèse lui-même mettra 5’000 francs dans la cagnotte.

Fabriquée dans le canton de Fribourg

Le projet est commandé à deux architectes fribourgeois pour ériger une chapelle en bois d’une capacité de 112 places. Le devis de 33’445 francs est approuvé à l’assemblée du 10 mai 1942. Le 9 septembre, un premier camion amène la charpente préparée à Treyvaux dans le canton de Fribourg. Le 8 novembre, le curé Muriset célèbre la messe dans la nouvelle chapelle pour la première fois. La veille de Noël, une cloche est installée. Elle appellera les fidèles pour la messe de minuit. Finalement Mgr Marius Besson fait le déplacement en personne, le 14 mars 1943 pour la bénédiction solennelle.

Les Hollandais, les Belges et les Polonais

En 1943, d’autres paroissiens fréquentèrent aussi régulièrement la chapelle. Les Verrières abrite alors un camp d’internés civils hollandais et belges, pour la plupart juifs mais aussi une cinquantaine de catholiques. Ils furent remplacés par un camp de soldats polonais. Une deuxième messe devait être dite pour eux chaque dimanche. Une plaquette de bronze représentant la vierge de Czestochowa sur un fanion rouge et blanc fixée à gauche du chœur en témoigne encore aujourd’hui.

Dernière rénovation en 1965

A l’automne 1965, une première rénovation permet de refaire le revêtement des façades et de réviser la toiture. «Soixante ans ont passé depuis, il est donc nécessaire de reprendre le tout, explique Matthieu Conrath. La réfection du clocher est la plus urgente. Comme la chapelle se situe à proximité de la route, nous prévoyons d’aménager aussi quelques places de parc pour que les gens de passage puissent s’arrêter dans ce havre de paix.» A l’intérieur, l’aspect restera le même, mais nous allons probablement descendre Nicolas de Flue de l’autel pour le placer sur le côté et redonner ainsi plus de centralité au tabernacle. Selon nos moyens nous referons aussi l’éclairage.»

La communauté catholique du Val de Travers n’est certainement pas beaucoup plus grande qu’en 1942 mais elle tient toujours à sa petite chapelle en bois. (cath.ch/mp)

Une ambiance pleine de chaleur dans la chapelle des Verrières | © Maurice Page
18 décembre 2025 | 16:28
par Maurice Page
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