Portugal: 5e colloque du Groupe européen de pastorale ouvrière
Europe de la finance ou Europe sociale à visage humain?»
Porto, 13 avril 1999 (APIC) Soixante délégués des pastorales ouvrières de quatorze pays d’Europe – Allemagne, Autriche, Belgique, Bosnie, Espagne, Italie, France, Hongrie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Suisse romande, Tchéquie – et des délégués des coordinations européennes des mouvements d’action catholique se sont réunis à Porto (Portugal) du 7 au 11 avril. Au menu, les effets du néolibéralisme, sur le thème «Une Europe de la finance ou une Europe sociale à visage humain?»
Un questionnaire préparatoire avait été envoyé aux pastorales ouvrières des différents pays présents. La synthèse des réponses et les échanges des participants du colloque ont mis en lumière des caractéristiques identiques de la réalité du monde du travail en Europe Occidentale, malgré des nuances des pays et des régions: le système néolibéral provoque partout les mêmes effets. Le chômage est de fait en croissance, même si diverses mesures font croire qu’il recule. La peur de perdre son emploi fait accepter des conditions de travail de plus en plus pénibles (précarité, flexibilité, temps partiel, sous-statuts, travail au noir, etc.). Les jeunes et les femmes sont plus particulièrement touchés. L’écart entre les revenus augmente, creusant la fracture sociale. La mise en place de l’euro provoque scepticisme et méfiance.
L’écart grandissant entre les pays du Nord et du Sud de la planète, les guerres, y compris en Europe, provoquent l’arrivée de réfugiés économiques ou politiques. Le refus des gouvernements de les accueillir les obligent à rejoindre la clandestinité: ils sont alors souvent exploités par des entrepreneurs peu scrupuleux. Dans certains pays, les «sans-papiers» réclament le droit de vivre dans la dignité en occupant des églises. Des comités de soutien se sont crées ; les chrétiens s’y sont montrés très actifs. Cependant, dans plusieurs pays, la xénophobie et le racisme se développent de manière inquiétante.
La riposte au néolibéralisme
Les grandes organisations se heurtent à de nombreuses difficultés. Les syndicats, souvent acculés à la défensive, ont du mal à mobiliser les travailleurs. Toutefois, dans certains pays, voire au niveau européen, des offensives syndicales sont menées avec succès, par exemple pour le maintien ou la création d’emplois, pour la réduction du temps de travail, etc. Les mouvements associatifs jouent un rôle de plus en plus déterminant dans le domaine de la santé, de l’environnement, de l’école.
Des expériences menées par des pastorales ouvrières ont été présentées en ateliers. Un après-midi a également été consacré à la découverte des initiatives concrètes prises par la pastorale ouvrière du Portugal au travers de visites et d’échanges.
Ignace Berten, dominicain, théologien, de l’association «Espaces», a permis aux participants d’élargir leur regard. Il a montré que, s’il est dominant, le système néolibéral n’est pas la seule explication de notre société brisée. D’autres forces d’oppression la traversent, comme les nationalismes, le racisme, le sexisme… Le système cependant n’est pas tout-puissant: ses incohérences, sa fragilité se laissent parfois entrevoir, démontrant que, contrairement à ce qu’on entend souvent, le néolibéralisme n’est ni tout puissant, ni invincible. Le mouvement social est aussi une des forces qui traversent la société. Ignace Berten a souligné l’importance d’une société civile qui suscite un mouvement social fort donnant voix aux précarisés et aux exclus, un mouvement qui soit force de pression sur les pouvoirs politiques et économiques afin de créer une Europe qui rencontre les aspirations du plus grand nombre et spécialement des plus démunis.
Quant à l’euro, qui sera bientôt mis en circulation, il peut certes, selon le dominicain, renforcer le pouvoir financier, mais aussi être un frein à la spéculation financière et être facteur de stabilité et d’identité culturelle européenne.
Plusieurs défis ont été relevés, tant pour les pastorales ouvrières des pays présents à Porto que pour le Groupe européen de pastorale ouvrière (GEPO): le travail et l’action en commun des chrétiens avec tous les acteurs de la société civile; la poursuite du travail d’échanges d’expériences, de confrontation, de débat pour témoigner chaque jour davantage de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, pour que l’Eglise soit la voix des «sans voix»; la nécessité, dans un monde en pleine mutation, de trouver des chemins nouveaux pour une pastorale ouvrière répondant aux besoins actuels.
Au terme de la session, les délégués ont adopté une déclaration intitulée «Pour une Europe de paix et de réconciliation». (apic/cip/pr)