Mikhail Gorbatchev tire à boulets rouges sur l’OTAN
Rome: Sommet des Prix Nobel de la Paix: les participants reçus par le pape
Rome, 22 avril 1999 (APIC) C’est une Europe en guerre, emmenée par les Anglais et poussée par les Américains, qui a servi de toile de fond au Sommet des Prix Nobel de la Paix, tenu à Rome. Une rencontre quelque peu irréelle, à l’heure de la guerre des Balkans. L’ancien président d’Afrique du sud, Frederik de Klerk, Rigoberta Menchu, Simon Peres, John Hume et David Trimble, Joseph Rotblat, et Mikhail Gorbatchev, tous Prix Nobel de la Paix et qui participent à ce Sommet, ont été reçus mercredi par le pape Jean Paul II. L’initiative de cette rencontre revient à la Fondation Gorbatchev. Ce dernier s’est montré particulièrement critique envers l’OTAN.
«Le moment est venu de mettre fin a l’escalade de la violence et de trouver un compromis à n’importe quel prix. Le monde a changé au cours de ces trois semaines. Il n’est déjà plus comme avant», a déclaré Mikhail Gorbatchev, au terme de l’audience chez le pape.
«Commençons par regarder en face les résultats de ces premières semaines de guerre. Les problèmes du Kosovo sont loin d’être résolus. Tant de morts, tant de réfugiés. Tant de vies brisées. Et la Serbie ? Complètement détruite. Un désastre économique et écologique au centre de l’Europe. Etait-ce vraiment ça, la meilleure solution? On était sorti de la guerre froide, on parlait de coopération, d’une nouvelle Europe et d’un nouvel ordre mondial. Mais il fallait établir de nouvelles règles de jeu qui ne répondent pas seulement aux intérêts des plus forts. Il fallait trouver un nouvel équilibre en réformant l’ONU et les organisations internationales. Mais dés que l’URSS a disparu, on a commencé à tout abandonner. A l’ONU on a trouvé quelqu’un qui ne dérangerait personne, Kofi Annan. A l’OTAN une marionnette en la personne de Solana. Et je n’ai pas honte de le dire. Il fallait des personnages accommodants qui servent les intérêts d’un seul patron».
«Tout cela est stupide et mensonger, a poursuivi Mikhail Gorbatchev. Nous savons qu’en Colombie 20’000 personnes meurent chaque année et qu’il y a déjà un million de réfugiés. Et pourtant les Américains continuent à fournir des armes au gouvernement du pays. Et ne parlons pas des Kurdes. Il est évident que Milosevic a servi d’excuse. La vérité est que l’on voulait montrer que l’ONU n’est plus capable de défendre personne et que l’OTAN est le seul bastion de la justice qui reste dans le monde. Ainsi, au lieu d’avoir aujourd’hui des centaines ou des milliers de désespérés, on en a des centaines de milliers, et les forces yougoslaves les plus extrémistes ont les mains libres. Vous appelez ca une solution ?»
L’Europe et la Russie humiliée
«Les Etats-Unis affirment qu’ils ont essayé toutes les possibilités. Et ils se sont fatigués, n’est-ce pas ? Il y a des dizaines de pays avec des problèmes de conflits ethniques. Le Tibet, l’Inde, la Tchétchénie, etc. Ils peuvent tous être détruits. Mais l’expérience tchéchène a montré que c’est la plus mauvaise solution. Non. Ceci a été une manière d’humilier l’Europe, y compris la Russie, de lui dire qu’économiquement elle était peut-être forte mais que politiquement elle n’était pas a la hauteur.
Mikhail Gorbatchev estime que le danger d’élargissement du conflit existe. «Oui. Il s’agit même d’un danger très réel. Dans cette guerre des nerfs, Milosevic a décidé de jouer le tout pour le tout, en refusant toutes les propositions. Comme l’a souligné Kissinger, qui est lui aussi opposé a l’intervention de l’OTAN, l’OTAN ne peut pas perdre. Sinon, elle se désintègre. Et pourtant le moment est venu de mettre fin à la guerre et de trouver un compromis».
La course aux armements est bien relancée
La Russie pourrait-elle trouver une solution ? «La Russie peut jouer un rôle important et elle est en train de le faire, mais elle ne peut que chercher des solutions dans un contingent d’interposition qui se meut sous l’égide de l’ONU…Cette fois-ci, la Russie n’acceptera pas de servir de facteur. Nous sommes allés à la rencontre des autres. C’est nous qui avons mis fin à la guerre froide. Et maintenant, ce sont les autres qui jouent les vainqueurs et qui nous traînent dans la boue. Il est temps d’en finir, même si cela est dur, car en trois semaines le monde a changé et la course aux armements va reprendre partout. L’esprit de revanche est réapparu, en Russie aussi, et le prochain président sera plus nationaliste que dans le passé». (apic/imed/pr)