Syndrome post-avortement et maltraitance enfantine
Fribourg: IVe Congrès international de l’IIPLCARR à Grangeneuve
Fribourg, 28 mars 1999 (APIC) Quelque 65 spécialistes du domaine de la santé venus de 14 pays ont participé durant une semaine à Grangeneuve, près de Fribourg, au IVe Congrès international de l’IIPLCARR consacré au syndrome post-avortement. Médecins, psychiatres, sages-femmes, sociologues, assistants sociaux, se sont penchés sur les conséquences médico-sociales de l’avortement. Avec une conviction: une interruption volontaire de grossesse ne peut jamais être considérée comme un acte médical banal.
«Mes recherches démontrent un lien assez net entre avortement et maltraitance des enfants», relève Philip Ney, pédo-psychiatre canadien, fondateur d’IIPLCARR (Institut international de recherche sur les conséquences des abus, de la maltraitance dans l’enfance et des pertes de grossesse). Une telle idée va évidemment à l’encontre des thèses habituellement reçues selon lesquelles l’accès libre à l’avortement permettrait d’éviter les enfants non-désirés et donc de limiter sinon de supprimer les cas de maltraitance. «Or les faits résistent. Il n’y a pas moins de maltraitance «grâce» à l’avortement. Les pays qui ont les taux d’avortements les plus élevés ont aussi des taux de maltraitances élevés», insiste le docteur Ney, quitte à passer pour un excentrique aux yeux de la majorité de la communauté scientifique.
Parmi les 44 facteurs d’avortements étudiés, l’âge et la situation sociale ne figurent pas aux premiers rangs, explique Philip Ney. L’absence ou le manque de soutien du partenaire constituent toujours l’élément principal. Le risque d’avortement est alors six fois plus grand que la normale. Comment est-ce tolérable, dans un pays comme la Suisse, de pousser une femme à avorter plutôt que de lui donner les moyens de garder son enfant ?, s’interroge en écho Michel Hermanjat, vice-président d’AGAPA suisse romande et co-organisateur de la manifestation.
«Les médecins devraient prouver que l’avortement est utile»
«En médecine, un principe de base veut que le praticien soit capable de démontrer l’utilité de son intervention. Pour l’avortement, on peut dire que cela n’a jamais été fait de manière objective, souligne le docteur Ney. Au Canada les médecins utilisent souvent le terme de «dépression réactionnelle» pour justifier un avortement. Or ce diagnostic est le plus souvent faux et même s’il était vrai, ce serait une raison supplémentaire pour renoncer à l’avortement. Les études montrent parfaitement qu’un avortement aggrave la dépression.»
Un avis partagé par son collègue américain, Haywood Robinson. «En cas d’avortement spontané ou de fausse-couche, la communauté médicale admet que la femme, le couple et la famille soient déçus et déprimés. On convient alors qu’une thérapie est nécessaire. En cas d’interruption volontaire de grossesse, on fait comme s’il s’agissait d’un acte médical banal. Ne faut-il pas avoir l’honnêteté de reconnaître qu’une femme qui a avorté à subi au moins le même traumatisme qu’une victime d’une fausse couche, avec en plus la conscience d’avoir volontairement participer à cet acte ? La société sera-t-elle capable de reconnaître que des millions d’avortements provoquent aussi des dommages physiques et psychologiques ?»
Le docteur noir américain, médecin généraliste, qui avoue avoir pratiqué lui-même des avortements, pousse le raisonnement plus loin: «Une société peut être jugée sur la manière dont elle traite les plus faibles. Si une société accepte de tuer les enfants à naître, comment peut-on s’attendre à ce qu’elle respecte la vie dans d’autres circonstances ? Aux Etats-Unis on voit des enfants tuer leurs camarades ou leur parents, n’est-ce pas le résultat de cette dérive ?»
Une thérapie est nécessaire
Pour venir en aide aux victimes du syndrome post-avortement le docteur Ney et l’IIPLCARR ont développé des formes de thérapies visant à permettre à la mère mais aussi au père, voire au reste de la famille de faire le deuil de leur enfant. Combien de femmes ayant vécu une interruption volontaire de grossesse souffrent-elles du syndrome post-avortement et auraient-elles besoin de cette thérapie ? «C’est très difficile à dire, admet le docteur Ney. Entre 10% et 100%. Une chose est sûre cependant: partout où l’IIPLCARR propose des thérapies, nous sommes rapidement dépassés par la demande. S’il n’y a aucune offre thérapeutique, les femmes qui ne peuvent pas s’exprimer sur leur avortement vont chez le médecin pour toutes sortes d’autres raisons.»
Magda Winkler, médecin psychiatre en Pologne, s’est elle aussi trouvé confrontée à des patientes ayant vécu un avortement et ne sachant pas comment les aider. Depuis 1993, elle a adapté avec son mari les programmes thérapeutiques d’IIPLCARR avec de bons résultats. Après une législation très laxiste sous le régime communiste, la Pologne s’est donnée une loi restrictive dans le domaine de l’avortement. Magda Winkler y voit une évolution positive: «Le grand débat national sur l’avortement a été utile parce qu’il a permis de mieux faire comprendre ce qu’est vraiment l’avortement et a provoqué une prise de conscience. Une loi plus restrictive a permis de réduire le nombre d’avortements, même si aujourd’hui on tend aussi à interpréter de manière de plus en plus large la notion d’indication médicale autorisant de pratiquer l’avortement.»
En Roumanie, la situation est presque inverse, témoigne Agnès Konya. Sous Ceaucescu, l’avortement était interdit mais fleurissait de manière clandestine avec de graves risques pour la santé des femmes. Aujourd’hui, le gros problème est l’ignorance. Les jeunes femmes qui avortent sont elles-mêmes des «survivantes» de l’avortement. Elles se trouvent dans une sorte de cercle vicieux, dont nous voudrions les faire sortir, relève en conclusion A. Konya. (apic/mp)