France: l’évêque d’Evreux interdit de paroles (170189)

Mgr Jacques Gaillot répond en exclusivité à l’agence APIC

Paris, 17janvier(APIC) Voilà quelques semaines, «Chrétiens-Médias», le

service d’information et de documentation de l’épiscopat français, avait

proposé à Mgr Jacques Gaillot, évêque d’Evreux, dont les positions ont plus

d’une fois suscité des réactions variées dans les milieux catholiques et

dans l’opinion publique française, de répondre personnellement et confidentiellement aux questions qui lui seraient posées sur le minitel de ce service, un minitel au nom d’archange: 36-15 Gabriel. A aucun moment, préciset-on à «Chrétiens-Médias», il ne s’est agit de transformer «Gabriel» en une

tribune. Les réponses auraient été écrites et personnelles. Interrogé par

l’agence APIC, Mgr Gaillot s’insurge contre la décision qui le frappe. Selon lui, il y a là une grave atteinte à la liberté d’expresion.

Tout au long de la semaine précédent l’opération – qui devait débuter le

15 janvier et se poursuivre jusqu’au 27 du même mois – des pressions ont

été exercées sur «Chrétiens-Médias» pour contraindre les responsables à renoncer à leur projet. La dernière en date est venue vendredi dernier 13

janvier: «Si vous commencez cette opération, nous considérons que

«Chrétiens-Médias» ne fait plus partie de l’Eglise catholique», a déclaré

Mgr Jacques Fihey, évêque aux armées françaises et nouveau président de la

Commission épiscopale de l’opinion publique.

Les médias français se sont saisis de l’affaire: «Mgr Gaillot a été censuré», «Mgr Gaillot exclu de l’Eglise catholique»… peut-on lire ici et

là. On fait cependant remarquer que l’épiscopat français ne peut rien faire

contre un de ses frères évêques. Tout au plus le Conseil permanent, qui

s’était réuni au mois de décembre 1988, avait-il manifesté un certain agacement devant les prises de position de l’évêque d’Evreux face à l’ordination d’hommes mariés, au sida ou au film de Martin Scorsese «La dernière

tentation du Christ».

Mgr Gaillot dérange

Qu’en dit Mgr Gaillot? «Il y a là atteinte à la liberté d’expression», a

déclaré à l’agence APIC l’évêque d’Evreux. «Je ne dis pas cela parce que

c’est moi: ce serait quelqu’un d’autre qu’il en serait de même. Je crois

très grave, en 1989, alors qu’on s’apprête à célébrer le bi-centenaire de

la Révolution. Empêcher des gens de parler est très grave dans une société

qui se dit démocratique, et surtout dans une Eglise. Il y a une deuxième

chose: si on demande à quelqu’un de se taire, il faut lui en donner les

raisons». Or aucune explication n’a été donnée à l’évêque d’Evreux pour expliquer cette interdiction: «J’ai simplement reçu un coup de téléphone de

Mgr Fihey pour m’avertir – ce que je savais déjà – que l’opération minitel

était annulée. C’était simplement un faire-part. Je peux imaginer les explications: Gaillot dérange… mais on ne m’a rien dit de plus».

«Votre peuple n’est pas seulement celui d’Evreux»

Mgr Gaillot a déposé une demande de visite à Rome, par l’intermédiaire

de la nonciature. «Je n’ai actuellement aucune réponse. Dès que la nonciature saura quelque chose, elle me le fera savoir». L’évêque d’Evreux ne

craint pas un refus à sa demande d’être reçu par le pape: «Un évêque qui

demande à voir le pape est reçu!»

Quant à ses relations avec les autres évêques de France, «Il y a de la

fraternité, de la gentillesse… Mais il y a deux niveaux: celui de l’amitié et celui de la solidarité. Souvent, la pratique est de considérer qu’un

évêque est libre et responsable et on fait peu agir les liens de solidarité, un peu par respect pour chacun. On intervient peu». En revanche,

beaucoup de courrier arrive de toute la France: «Que de gens me disent:

vous n’êtes pas seul! On est avec vous. Votre peuple n’est pas seulement

celui d’Evreux… Je reçois beaucoup de lettres d’encouragement, d’amitié… des lettres très touchantes, des lettres collectives…»

Et Mgr Jacques Gaillot conclut: «Ce qui me semble essentiel, c’est le

droit à la liberté d’expression». (apic/mjh/pr)

17 janvier 1989 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
Partagez!