A propos de la convocation d’un Synode africain (100189)
Bruxelles, 10janvier(APIC) L’annonce par Jean Paul II de la convocation
d’une assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des évêques soulève plusieurs questions, dont l’une porte sur le statut non seulement canonique,
mais aussi ecclésiastique de cette assemblée. La forme choisie pour cette
dernière ne manquera pas, en effet, de décevoir nombre de promoteurs d’un
concile africain: le synode des évêques a un statut d’assemblée consultative, tandis qu’un concile, en union avec le pape et sous son autorité, est
une assemblée délibérante.
Le nouveau Code de Droit canonique prévoit la convocation de conciles
provinciaux (au niveau d’une province ecclésiastique) et de conciles
pléniers (au niveau d’une conférence épiscopale nationale), mais n’évoque
pas l’éventualité d’un concile particulier international ou continental.
Toutefois, les canonistes estiment que le pape a le droit de convoquer un
tel concile.
Historique
Selon le cardinal Gantin (Bénin), préfet de la Congrégation pour les
évêques, l’idée de la convocation d’un concile africain aurait déjà été
émise au Concile Vatican II. Mais ce n’est qu’en 1977 qu’il fut pour la
première fois explicitement question d’un concile africain. C’était lors du
Colloque d’Abidjan sur «Civilisation noire et Eglise catholique». Alioune
Diop, l’apôtre de la négritude, décédé en 1979, ne fut pas étranger à cette
proposition. Les actes du colloque, organisé par la Société Africaine de
Culture, ont été publiés par «Présence Africaine» en 1978. Depuis, l’idée
d’un concile africain a principalement été portée par trois groupes:
1) L’épiscopat du Zaïre
Le 3 mai 1980, lors de la visite du pape à Kinshasa, Mgr Kaseba lui exprima le souhait, au nom de l’épiscopat du Zaïre, de la convocation d’un
concile «ou du moins, dans un premier temps, d’un synode particulier qui
mobiliserait l’ensemble du peuple de Dieu».
Le 12 avril 1983, c’était au tour du cardinal Malula, dans un discours
adressé au pape lors de la visite ad limina des évêques du Zaïre, d’évoquer
l’ampleur des questions posées par l’évangélisation de l’Afrique. Ce fait,
déclarait-il, «amène l’épiscopat du Zaïre à vous exprimer ici (…) le souhait de voir se célébrer un jour un concile africain». Le pape ne répondit
pas tout de suite mais, quelques jours plus tard, le 21 avril 1983, recevant un autre groupe d’évêques du Zaïre: il dit: «je pense, pour répondre à
un désir que vous avez exprimé concernant toute l’Eglise en Afrique, qu’une
concertation est aussi nécessaire à ce niveau, sous une forme ou une autre,
pour examiner les problèmes religieux qui se posent à l’ensemble du continent».
2) Le Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar
Le Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar
(SCEAM), s’est penché sur la question à plusieurs reprises, et notamment
lors de sa septième assemblée plénière à Kinshasa en 1984. Pour Mgr Monsengwo, qui était à l’époque président du comité théologique du SCEAM, le
concile africain aurait pour tâche «de faire le point sur la situation et
d’organiser la concertation de nos conférences épiscopales pour l’établissement de bases adéquates d’une évangélisation intégrale, en communion avec
l’Eglise universelle et le successeur de Pierre. La consultation sera organisée à partir de toute la communauté chrétienne (communautés ecclésiales
de base, paroisses, diocèses, etc)». Plus précisément, ajoutait-il, les
questions suivantes devraient être étudiées: l’avènement du Christ en Afrique et la responsabilité des Eglises locales; l’inculturation comme expérience de foi à laquelle la Parole appelle les hommes; l’Eglise comme diversité dans l’unité de la même foi.
3) L’Association Oecuménique des Théologiens Africains (AOTA)
L’AOTA a organisé deux consultation à ce sujet: en avril 1984 à Yaoundé
et en février 1986 à Kinshasa. Parmi les théologiens très favorables à
l’idée de la convocation d’un concile africain, il faut citer Mgr Tshibangu, évêque auxiliaire de Kinshasa. Ce dernier avait notamment proposé que
les questions à débattre soient ordonnées autour des axes suivants: situations africaine (mouvement religieux, idéologique…); réflexions doctrinales; liturgie; spiritualité; options pastorales d’ensemble; Eglise et société africaine contemporaine.
Il convient également de citer le Père Engelbert Mveng, jésuite camerounais, secrétaire général de l’AOTA. Dans un livre publié il y a trois
ans, il consacre un chapitre au concile africain. Très favorable à la convocation d’un tel concile, il étaie son souhait par des arguments historiques et théologiques, en faisant valoir que la «tradition conciliaire est
très importante dans l’Eglise: au 19e siècle, il se tint 23 conciles aux
Etats-Unis, dont deux conciles pléniers à Baltimore en 1852 et 1866; pour
le 20e siècle, le théologien camerounais cite trois conciles: le concile
plénier de Chine à Shangaï (1924), le concile national du Japon à Tokyo
(1924) et le concile plénier d’Indochine à Hanoï (1934).
Les objections de Rome
Jean Paul II est favorable à une concertation continentale. Mais, précisait-il en recevant en 1983 un groupe d’évêques zaïrois, «en liaison évidemment avec l’Eglise universelle et le Saint-Siège, et qui laisse entière
la responsabilité de chaque évêque dans son diocèse». On trouve ici la
principale objection romaine, qui touche au problème de l’autorité des conférences épiscopales aux plans régional, national ou continental. Celle-ci
a été évoquée lors du synode extraordinaire de 1985, à la suite duquel la
question du statut théologique et juridique des conférences épiscopales
vient de faire l’objet d’une consultation organisée par la Congrégation
pour les évêques auprès des Conférences épiscopales du monde entier, sur la
base d’un document de travail qui n’a pas fait l’unanimité auprès de ces
dernières. D’un autre côté, le voeu exprimé dans le 5e document du Groupe
des Dombes au sujet des assemblées continentales d’évêques rejoint celui
des théologiens de l’AOTA.
Selon les confidences d’un évêque africain, les craintes et objections
de certains milieux romains à l’égard d’un concile africain sont au nombre
de quatre: le coût élevé d’une telle entreprise; le risque de contestation
du lien obligatoire entre sacerdoce et célibat; le risque de rassemblement
oecuménique – nombre d’Africains ne se sentent pas vraiment concernés par
les divisions qui se sont produites dans l’Eglise au 16e siècle; le risque,
enfin, de fascination des Africains pour le christianisme dans sa forme
orientale – qui concilie une grande tradition d’autonomie locale avec un
sens aigu de la communion ecclésiale – de préférence au «modèle romain».
Ceci vaut notamment dans les domaines théologique et liturgique. Il faut
noter, par exemple, que si la Congrégation pour le Culte Divin a finalement
approuvé la «messe zaïroise» en 1988, c’est en évitant de parler de rite
zaïrois et en employant l’expression: «Missel romain des diocèses du
Zaïre». (apic/cip/pr)