L’Association des chrétiens du Nigeria porte plainte
Nigeria: Au moins 65 morts dans des affrontements entre musulmans et chrétiens
Lagos, 24 mai 2000 (APIC) Les affrontements interconfessionnels opposant musulmans et chrétiens ont fait une centaine de morts lundi et mardi à Kaduna, une ville d’un million d’habitants au nord du Nigeria. Des renforts de soldats et de policier ont été envoyés dans cette ville qui a déjà connu des émeutes sanglantes en février dernier, qui avaient coût la vie à un millier de personnes. Des mosquées et des églises ont été incendiées et les cadavres jonchent les rues, tandis que les autorités ont imposé un couvre-feu nocturne.
Le Nigeria est en proie à la violence depuis que plusieurs Etats de la Fédération veulent imposer la charia ou loi islamique dans un pays à la Constitution laïque. Dans la nuit de mardi à mercredi, des bandes de jeunes armés ont fouillé les maisons à la recherche de membres de l’autre confession. Des milliers de personnes ont cherché refuge dans les casernes de l’armée et les postes de police.
Appel au calme commun des leaders religieux chrétiens et musulmans
Les responsables religieux chrétiens et musulmans ont lancé un appel commun au calme et mis les affrontements sur le dos de «jeunes irresponsables». Depuis février dernier, Kaduna a vu se vider les quartiers mixtes où cohabitaient auparavant chrétiens et musulmans. Des milliers de chrétiens Ibos sont retournés dans leurs régions d’origine, au sud-est du Nigeria, malgré les appels répétés des autorités leur demandant de rester.
Selon la police, 43 personnes au moins ont été tuées, mais des journalistes locaux parlent de 150 morts, dont un député. Un employé de l’hôpital de Kaduna déclare avoir dénombré quarante cadavres dans la morgue. Pour leur part, des journalistes ont comptabilisé dix corps sans vie à l’extérieur du bâtiment. En outre, un membre d’une famille importante de la ville de Kaduna a déclaré avoir vu 15 morts dans des rues d’un quartier de la localité à majorité chrétienne.
Les affrontements entre musulmans et chrétiens auraient éclaté après la découverte du corps sans vie d’un homme supposé être chrétien. Ses compagnons ont alors décidé de venger sa mort en lançant des opérations contre des mosquées et domiciles de musulmans. Cette communauté a alors riposté en incendiant à leur tour des églises.
Selon une autre source, les heurts auraient commencé lundi après qu’un groupe de musulmans eût essayé de construire une mosquée dans un quartier majoritairement chrétien de la ville. La mosquée aurait été détruite, et en représailles une église ainsi que plusieurs bâtiments auraient été brûlés. En février de violents heurts sans précédents entre les deux communautés religieuses avaient fait plus de mille morts de part d’autre, ainsi qu’un nombre indéterminé de blessés et d’important dégâts matériels.
Charia dans plusieurs Etats du Nord
En février dernier, l’introduction de la charia avait provoqué de violents affrontement entre musulmans et chrétiens dans plusieurs Etats du Nord. La plus grande Association chrétienne du Nigeria a décidé de porter plainte contre le gouvernement fédéral pour violation de la Constitution de mai 1998.
La Christian’s Association of Nigeria (CAN) qui compte près de 50 millions d’adhérents, réclame des tribunaux fédéraux la dénonciation de la charia ou loi islamique introduite en janvier dernier dans l’Etat de Zamfara, au nord-ouest du pays. La CAN a indiqué qu’elle demande à la haute cour fédérale nigériane de déclarer illégale et non conforme à la constitution, l’instauration de la loi islamique par les dirigeants de l’Etat de Zamfara. La plainte a été déposée le 18 mai. Elle concerne le président fédéral, Oluségun Obasanjo, son ministre de la Justice, le gouverneur de l’Etat de Zamfara, Ahmed Sani, et les membres du gouvernement de l’Etat incriminé, a précisé le président de la CAN, Charles Williams.
La presse nigériane, citant la CAN, a estimé que la charia fait partie intégrante de la religion musulmane. Elle ne peut être appliquée que dans un pays fortement islamique, mais pas comme le Nigeria, qui est un pays laïc, où musulmans et chrétiens représentent chacun 45% de la population sur 120 millions d’habitants. L’association chrétienne conteste les professions de foi des autorités de Zamfara selon lesquelles la loi islamique ne s’applique qu’aux musulmans. Elle s’applique aussi aux chrétiens, car elle ne fait pas de différence entre ceux qui pratiquent l’islam et ceux des autres confessions religieuses.(apic/ibc/mk/bbc/be)