Après les Serbes, les catholiques personae non gratae au Kosovo
Kosovo: Les chrétiens dans le collimateur des extrémistes islamiques
Pristina, 13 janvier 2000 (APIC) Les catholiques du Kosovo sont désormais dans le collimateur des extrémistes islamiques, dénonce le Père jésuite Mato Jakovic, coordinateur du Service des jésuites aux réfugiés (JRS) en Macédoine et au Kosovo. Après la politique d’’»épuration ethnique» menée depuis l’été dernier par des groupes proches de l’UçK contre les Serbes restés dans la province à majorité albanaise, les minorités catholiques kosovares sont à leur tour prises pour cibles par des militants islamiques.
Selon l’agence vaticane FIDES, qui cite le religieux jésuite, les catholiques du Kosovo sont de plus en plus souvent victimes de mauvais traitements. Des familles de prêtres sont fréquemment attaquées. Ainsi, le 6 décembre dernier, des militants extrémistes ont incendié la maison des parents de deux religieux franciscains.
Le Père Mato rapporte également que les cimetières catholiques de Prizren et de Pec ont été saccagés et que les assaillants – qui n’ont pas été arrêtés – ont profané les tombes de l’évêque Nikola Prela et de Mgr Nikola Mini. Pendant ce temps, les agressions contre les Serbes restés au Kosovo, qui ont déjà fait plusieurs centaines de morts, se poursuivent. Dimanche dernier, 9 janvier, un Serbe a été abattu devant sa maison à Gnjilane, dans l’est de la province, par plusieurs personnes de langue albanaise, confirme le porte-parole de la Mission de l’ONU au Kosovo (MINUK). Le même jour, plusieurs maisons serbes ont été incendiées à Pristina et à Kosovo Polje.
La sécurité pour tous est loin d’être atteinte au Kosovo, où près de 250’000 Serbes et tziganes ont quitté la province depuis l’arrivée en juin dernier des troupes de l’OTAN. Contrairement aux promesses occidentales d’un Kosovo pluriethnique, les non Albanais restés dans la région sont confinés dans des enclaves protégées ou dans des villes mixtes comme Gnjilane et Kosovo Polje, mais sont soumis à des violences continuelles, rapporte l’agence catholique.
Une situation de non droit
La sécurité au Kosovo a été confiée à 2’200 policiers étrangers qui ne parlent pas la langue locale, ce qui restreint d’autant leur efficacité. Récemment, 200 nouveaux policiers du Kosovo – dont 30 femmes et 13 Serbes – entraînés par la force d’intervention internationale, ont été déployés, mais leur nombre est insuffisant, rapporte FIDES. La cinquantaine de magistrats restés au Kosovo ne sont pas en mesure d’instruire les procès: ils ne peuvent plus appliquer la législation émanant des codes yougoslaves et – étant donné le statut indéfini de la région – il n’existe pas d’organe chargé de légiférer.
Des civils armés par un Ministère de l’Intérieur autoproclamé
Depuis quelques semaines, la MINUK a décidé d’abandonner le code yougoslave et d’appliquer les lois en vigueur jusqu’en 1989, date à laquelle Belgrade a supprimé l’autonomie du Kosovo. Mais cette solution n’a pas trouvé un bon accueil auprès des magistrats kosovars. Un autre élément de confusion vient des initiatives prises par le Ministère (autoproclamé par les Albanais) de l’Intérieur qui a donné l’autorisation à certains civils de procéder des opérations de police «au nom du peuple albanais du Kosovo», dont des arrestations, des perquisitions et des enlèvements.
Les réfugiés serbes ayant fui le Kosovo sont accueillis au centre et au sud de la Serbie. Ils sont soumis à des pressions continues de la part du régime de Milosevic qui veut les forcer à retourner au Kosovo. On ne permet pas, par exemple, à leurs enfants de s’inscrire dans les écoles de la ville d’accueil. Les réfugiés provenant du Kosovo qui ont trouvé refuge en Voïvodine sont, au contraire, en majorité tziganes. Secourus par la Croix Rouge, Caritas et le Fonds Œcuménique Humanitaire, ils sont considérés comme «personae non gratae» et leur situation est très difficile, affirme de son côté le Père Karoly Harmath, frère mineur et unique éditeur catholique en Yougoslavie.
Serbie: l’apathie du peuple et la simple lutte pour la survie
Dans une interview à l’agence FIDES, le Père Harmath déplore que les réfugiés, en grande majorité des victimes innocentes, ne soient que de simples «jouets dans les mains des puissants». Dans une accusation à peine voilée visant les gouvernements occidentaux qui ont mené la croisade contre la Serbie, il affirme que la guerre n’a résolu aucun problème, et qu’elle n’a fait qu’enfoncer davantage la population dans la misère et le chômage, en détruisant les outils de travail de la population.
Selon le religieux franciscain, bien qu’il n’existe pas de statistiques officielles, le pourcentage des sans emplois se situe entre 50 et 60% de la population. «Même si quelqu’un a du travail, il ne vit pas dans une situation facile et les employés du secteur public ne touchent leur maigre salaire qu’après plusieurs mois». Les retraités doivent attendre six mois pour toucher leur pension.
La principale préoccupation des Yougoslaves est la simple survie quotidienne: «Le marché noir est florissant et le coût de la vie augmente à vue d’œil, tandis que l’inflation galope; après près de dix ans de guerre et de désillusions continues, il n’y a plus aucune force en mesure de mobiliser les gens, qui, craignant l’éclatement d’une guerre civile, se sont renfermés sur eux-mêmes et sont devenus complètement apathiques», constate le Père Harmath.
Il est illusoire d’espérer séparer le peuple serbe de ses chefs
Religieux hongrois originaire de la Voïvodine, le Père Harmath est actuellement supérieur du couvent franciscain de Novi Sad. Il a fondé et dirige «AGAPE», l’unique maison d’édition catholique en Yougoslavie. Il dirige en outre la section hongroise de l’Institut théologique et catéchétique du diocèse de Subotica, où il enseigne la théologie. Il relève encore que les médias occidentaux ont tenté de séparer les Serbes de leurs gouvernants, «mais c’est une pure illusion: il existe des peuples – notamment le peuple serbe – qui ne peuvent pas vivre sans un «chef». Les liens étroits et forts entre les chefs et la population prennent leurs racines dans la longue histoire de l’occupation ottomane. Les «vozd» étaient alors les héros du peuple et ils l’ont guidé vers la liberté et l’indépendance en organisant la résistance.»
Les Serbes sont attachés à leurs «vozd» et il faut respecter les peuples comme ils sont, poursuit le religieux franciscain. Et de constater que, dans les Balkans, religion et nationalité vont de pair: être catholique, c’est être Croate, tandis qu’un Serbe, même non baptisé et athée, ne pourra être autre chose qu’un orthodoxe. «La voie de l’œcuménisme est ici extrêmement difficile, étant donné le mélange quasi inextricable entre identité nationale et identité religieuse. C’est comme si l’on considérait de part et d’autre les autres religions comme étant de ’seconde classe’». (apic/fides/be)