Etats-Unis: Mgr Quinn continue de plaider pour une réforme de la papauté

Il faut tourner la page de la «monarchie juridique»

Washington, 20 janvier 2000 (APIC) Mgr John Raphael Quinn, ancien archevêque de San Francisco, aux Etats-Unis, continue de plaider pour une réforme de la papauté. Il propose de tourner la page de la «monarchie juridique». Si la bureaucratie vaticane continue à imposer sa loi, il y aura «un grand désordre dans l’Eglise», craint Mgr Quinn.

Le prélat américain, qui lutte depuis plusieurs années pour une réforme de la papauté, persiste à dire tout haut ce que beaucoup d’évêques pensent tout bas: l’Eglise doit retrouver le chemin de la collégialité épiscopale. Il vient de terminer un livre sur le sujet.

Agé aujourd’hui de 70 ans, Mgr John Quinn, ancien président de la Conférence épiscopale des Etats-Unis, a quitté sa charge d’archevêque de San Francisco le 27 décembre 1995 pour laisser la place à un coadjuteur, Mgr Levada, nommé quatre mois plus tôt. Le 29 juin 1996, il a donné à Oxford, pour le centenaire du collège des jésuites, une conférence retentissante sur la primauté du pape et sur le rôle de la curie romaine. Il avait saisi l’occasion pour aborder ces questions qu’il «ruminait» depuis longtemps après avoir lu l’encyclique de Jean-Paul II «Ut unum sint» (Qu’ils soient un, 1995), dans laquelle le pape invite les experts à «trouver une forme d’exercice de la primauté» qui, tout en préservant «l’essentiel de sa mission», «s’ouvre sur une situation nouvelle».

Son intervention avait valu à Mgr Quinn des centaines de lettres, «toutes positives, sauf quatre, ce qui est significatif, car d’habitude les gens n’écrivent pas lorsqu’ils sont d’accord», avait-il confié huit mois plus tard au bimensuel catholique italien «Il Regno» (Bologne). Le texte intégral de sa conférence avait été publié par ce bimensuel, ainsi que par «La Documentation Catholique». L’hebdomadaire catholique britannique «The Tablet» et le journal français «Le Monde «avaient largement rendu compte des réactions publiques. En 1997, Mgr Quinn avait été élu par les évêques américains pour les représenter au Synode pour les Amériques, mais sa participation avait été refusée par le secrétariat du Synode.

Trois propositions

On trouve un compte rendu du nouveau livre de Mgr Quinn dans la dernière livraison de l’hebdomadaire catholique américain «The national catholic reporter» (Kansas). Il est signé par Robert Kaiser, correspondant de «Time» à Vatican II, qui est lui-même en train d’écrire un livre sur l’avenir de l’Eglise.

Les problèmes de la primauté, explique l’ancien archevêque de San Francisco, seront résolus non tant par ce que le pape dit, mais par ce que l’Eglise entière fait. Depuis le 19e siècle, le pape est enfermé dans une mystique qui, écrit-il, «crée une solide barrière psychologique lorsqu’il s’agit de parler en termes critiques des politiques, déclarations ou actions du pape».

En 1875, rappelle Mgr Quinn, les évêques allemands avaient dit à Pie IX: «Le pape est l’évêque de Rome, non l’évêque d’aucun autre diocèse, non l’évêque de Cologne ou de Breslau». Pie IX avait pleinement marqué son accord avec cette affirmation. Dans son encyclique «Ut unum sint» sur l’engagement oecuménique, publiée le 25 mai 1995, Jean Paul II reconnaît que les évêques sont également «les vicaires et les ambassadeurs du Christ», qu’ils sont ses frères dans le ministère. En pratique, il en va tout autrement, constate Mgr Quinn.

Le pape actuel souhaite une réflexion sur la primauté qui «ouvre à une situation nouvelle» ? S’il veut un changement, il doit premièrement, «quitter le train monarchique» – c’est le pape Grégoire VII qui a transformé l’Eglise en «monarchie juridique», note Mgr Quinn. Il s’agit ensuite de permettre aux évêques d’être évêques, car il y a actuellement dans l’Eglise un bloc puissant qui pense que «le pape peut intervenir à tout moment et pour n’importe quelle raison dans les affaires de n’importe quel diocèse». Encourager les Eglises locales à sélectionner et même à élire leurs propres évêques serait une troisième possibilité. Mgr Quinn rappelle que, jusqu’en 1829, la plupart des évêques étaient désignés par le chapitre cathédral ou, en Europe, par les souverains. Il espère qu’on élirait des candidats «non seulement orthodoxes au sens véritable, mais également dotés d’un jugement critique, d’imagination, et ouverts à de nouvelles idées «.

A-t-on peur des Conférences épiscopales ?

Pour Mgr Quinn, le pape a «castré» les Conférences épiscopales par sa lettre «Apostolos suos» (Ses apôtres) sur «la nature théologique et juridique des Conférences épiscopales». Ce texte sous forme de «motu proprio», publié en juillet 1998 – c’était la troisième lettre apostolique de portée législative publiée cet été-là -, délimite en une trentaine de pages les compétences des Conférences épiscopales par rapport à celles appartenant en propre à chaque évêque et au pape, en particulier en matière doctrinale. La première norme concerne la règle de l’unanimité nécessaire pour que les déclarations doctrinales des Conférences des évêques soient «un magistère authentique» et «puissent être publiées au nom de la Conférence».

Faute d’unanimité, elles doivent, une fois approuvées en assemblée plénière à la majorité des deux tiers, obtenir la «reconnaissance» du Siège apostolique. Autrement dit, l’autorité doctrinale des Conférences ne se substitue pas à celle des évêques et doit s’exercer en communion avec l’Eglise universelle et le successeur de Pierre.

Mgr Quinn s’étonne: une telle unanimité n’est requise dans aucun autre cas, pas même au Concile. Et de s’interroger: craint-on que les Conférences épiscopales ne constituent une menace pour l’autorité du pape ? Redoute-t-on peut-être la Conférence épiscopale américaine, qui a accès aux médias ?L’ancien archevêque observe encore que les Synodes actuels de l’Eglise sont également programmés pour valider le pouvoir centralisant de la papauté. C’est ainsi que le Synode spécial pour l’Asie n’a pu parler de la subsidiarité, ni même de la décentralisation, dit-il. (apic/cip/pr)

20 janvier 2000 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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