Paris : Le Père Valadier remplacé à la tête de la revue «Etudes» (290389)

«Il ne s’agit pas d’une sanction», affirme le provincial des jésuites

Paris, 29mars(APIC/Marie-Jo Hazard) Un communiqué de presse du Père

Jacques Gellard, provincial de France de la Compagnie de Jésus, annonçait

mardi 28 mars que le Père Paul Valadier, rédacteur en chef de la revue

jésuite «Etudes», sera remplacé à son poste au mois de septembre prochain

par le Père Jean-Yves Calvez. «Ce n’est pas une sanction», s’est empressé

d’affirmer le P. Gellard, qui assure que sa décision n’a pas été prise sous

l’effet de pressions extérieures, comme certains l’ont suggéré. Il espère

que l’orientation de la revue «restera largement identique».

Philosophe, spécialiste de Nietzsche, le P. Valadier est connu en France

pour son indépendance d’esprit et sa liberté de parole. L’annonce de son

départ des «Etudes» a suscité une vive émotion, certains n’hésitant pas à

parler de «sanction» ou de «disgrâce» : de récentes prises de position notamment son dernier livre «L’Eglise en procès» (Calmann-Lévy), ou il critique le discours moral de l’Eglise, la méfiance devant le progrès scientifique ou médical, l’attitude «sécuritaire»… – auraient valu au Père Valadier son»limogeage». Le P. Valadier s’était également profilé lors de la

discussion sur l’usage des préservatifs en matière de lutte contre le sida

ou le film de Scorsese «La dernière tentation du Christ».

Des jésuites déplorent la dramatisation des événements

Pour sa part, dans une interview accordée au quotidien «La Croix», le

provincial des jésuites de France affirme avec force qu’il ne s’agit pas

d’une sanction, mais d’un remplacement tout à fait normal demandé par Paul

Valadier depuis deux ans déjà. Dans les milieux jésuites proches du P. Valadier, on regrette le tour quasi-dramatique pris par les événements :

«C’est une affaire strictement interne, et il ne faut pas y voir un acte

d’autorité». Et l’on fait remarquer que le P. Henri Bussery, rédacteur en

chef d’une autre revue des jésuites, «Projet», sera également remplacé au

mois de septembre prochain.

«Si l’on avait voulu faire taire Valadier, on ne lui aurait pas demandé

de reprendre son poste de professeur au Centre Sèvres, ou il pourra poursuivre son enseignement et sa recherche!», affirme un jésuite de ses amis.

«Peut-être aurait-on pu user de plus de diplomatie, étant donnée sa notoriété, mais on ne peut non plus différer indéfiniment son remplacement sous

prétexte que des voix contestataires s’élèvent actuellement dans l’Eglise».

Quant au principal intéressé, depuis bientôt 8 ans à la tête des «Etudes», il estime son départ inopportun et s’étonne de la manière dont la

décision a été prise, «à la manière d’un ukase», sans aucune consultation

préalable sur la date, l’opportunité et le successeur. Il estime que la

décision qui le frappe a été inspirée par l’actuel climat de «peur» qui

prévaut dans l’Eglise catholique. Sous sa direction, le tirage de la revue

est passé de 8’000 à 14’000 exemplaires.

Agé de 56 ans, le P. Valadier sera remplacé par un des meilleurs spécialistes français de la pensée de Karl Marx, le P. Jean-Yves Calvez, qui est

âgé de 62 ans. Ce dernier a été provincial de France des jésuites de 1967 à

1971, avant de travailler à Rome comme assistant général du P. Arrupe,

alors supérieur général de la Compagnie de Jésus. L’orientation de la revue

ne devrait pas changer fondamentalement, assure-t-on dans les milieux jésuites de Paris. (apic/mjh/be)

29 mars 1989 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 2  min.
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