Fribourg: Manifestation et occupation de l’église St-Paul par des «sans-papiers»

«La clandestinité nous a été imposée par les lois»

Bernard Bovigny, de l’agence APIC

Fribourg, 4 juin 2001 (APIC) Après le temple de Bellevaux à Lausanne, le 25 avril, c’est à l’église catholique de St-Paul à Fribourg d’être occupée pacifiquement par des travailleurs illégaux sous menace d’expulsion. Près de 200 manifestants se sont réunis à l’invitation du «Collectif des sans-papiers», le 4 juin dès 14h, pour exprimer leur solidarité à la vingtaine d’illégaux dont la clandestinité «a été imposée par les lois» et qui vont demander asile dans l’église.

Sans autorisation de la paroisse, sans prévenir qui que ce soit (sauf les organisations intéressées), le «Collectif des sans-papiers» qui regroupe une trentaine d’organisations et une centaines de membres individuels, a pris possession de l’église St-Paul située dans le quartier pluriculturel du Schönberg à Fribourg.

«Nous sommes venus ici pour travailler, pour vivre libre, loin de la guerre et de la misère. La plupart d’entre nous ont vu grandir leurs enfants ici, d’autres ne les voient jamais car ils sont restés au pays. Comme n’importe quelle mère ou père de famille, nous souhaitons leur offrir un avenir heureux», ont déclarés les représentants des sans-papiers. Affirmant encore: «Nous serions plus étrangers dans notre pays qu’en Suisse». Dans leur manifeste, les travailleurs illégaux affirment qu’ils n’ont «pas choisi la clandestinité»: «Elle nous a été imposée par les lois». Ils sont venus manifester pour «demander des papiers pour ne plus avoir peur de circuler librement dans la rue et risquer d’être arrêtés puis expulsés à tout instant». Ils souhaitent non pas une mesure au cas par cas, mais «la régularisation collective des sans-papiers».

La manifestation est notamment soutenue par l’abbé Cornélius Koch, qui accomplit un travail de présence auprès des sans-papiers et des réfugiés en Suisse, ainsi que par les membres de «En quatre ans on prend racine» qui a organisé l’occupation du temple de Bellevaux à Lausanne. Elle a également vu la participation du conseiller national fribourgeois Erwin Jutzet, qui s’est dit solidaire de «ces gens qui participent au bien-être de notre Etat et qui demandent les droits fondamentaux pour leur dignité humaine».

En Suisse depuis une dizaine d’années

Selmonaj se trouve parmi les manifestants déterminés à rester dans l’église. Il est Kosovar et demeure en Suisse depuis 11 ans. Il habite un petit village fribourgeois, travaille comme jardinier et il est membre du club de football local. Il a reçu récemment un avis d’expulsion et doit quitter le territoire helvétique dans un délai de 30 jours. «Je mérite de rester en Suisse», a-t-il déclaré à l’agence APIC. «Là-bas, au Kosovo, ma famille vit à 13 dans trois chambres. Ma vie, c’est en Suisse que je veux la vivre. Avec mes amis, et les gens de ma commune qui me soutiennent dans mes démarches pour rester. J’ai un travail, je paie mes impôts et mes charges sociales, je suis parfaitement intégré.» Au début de son séjour en Suisse, il ne parlait pas le français et n’a pas entamé les démarches pour obtenir l’autorisation de travail. Lorsqu’il a tenté de le faire, c’était trop tard.

La famille Hanni est Macédonienne. Le mari, la femme et les trois enfants, âgés de 15, 13 et 12 ans, vivent depuis 10 ans à Marly près de Fribourg. Lui travaille dans une entreprise du lieu, et les enfants fréquentent normalement l’école. Ils doivent quitter la Suisse pour le 15 juillet. Huguette Krattinger, une amie venue les soutenir, ne comprend pas la décision de la Confédération. «Nous avons accompli toutes les démarches possibles pour qu’ils puissent rester ici, en vain», déclare-t-elle à l’agence APIC. «Les enfants ne connaissent pratiquement que la Suisse. Ils ont leurs amis ici. Leur région en Macédoine est dévastée par la guerre, et les affrontements ont encore lieu à 50 km de leur village. Non vraiment: leur avenir c’est en Suisse qu’il doit se dérouler», affirme avec assurance Huguette Krattinger.

La famille Hanni ne sait pas encore si elle va rester dans l’église. C’est peut-être pour elle la seule chance qui leur reste pour éviter l’expulsion, mais les enfants doivent retourner dès demain à l’école.

Pas encore de réactions de l’Eglise au moment de la manifestation

Au niveau ecclésial, si la Conférence des évêques suisses a d’ores et déjà donné son soutien à la cause du «Collectif des sans papiers», ni elle ni l’évêque, Mgr Bernard Genoud, n’ont pu se prononcer sur l’occupation de l’église au moment de la manifestation. Les prêtres du lieu étaient absents et le conseil paroissial, surpris par l’événement, discutait avec les organisateurs pour que tout débordement soit évité. Aucune autorisation n’avait été demandée par le Collectif, afin d’éviter toute intervention visant à bloquer l’accès aux lieux.

Une première demande d’autorisation avait été adressée à la paroisse St-Pierre à Fribourg. «Le curé aurait été d’accord, mais le conseil paroissial s’est opposé. C’est pour cela que nous avons agi cette fois par surprise», affirmé le responsable syndical Jean Kunz, un des organisateurs du rassemblement. (apic/bb)

4 juin 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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