Il s’appelait Samson Chukwu
Valais: Questions autour du décès d’un candidat à l’asile nigérian lors de son renvoi
Sion/Fribourg,
(APIC) Alors qu’un collectif des sans-papiers vient d’être fondé à Fribourg, le mystère le plus complet entoure le décès d’un jeune requérant d’asile nigérian en Valais. Il a succombé à deux heures du matin, dans la nuit du 30 avril au 1er mai, alors que deux policiers l’emmenaient de force vers Kloten, pour le rapatrier à Lagos.
Dans l’édition de mardi 7 mai du quotidien alémanique Aargauer Zeitung, deux de ses frères ont enfin révélé l’identité du jeune Nigérian de 27 ans qui a perdu la vie au centre de détention valaisan de Grange. Valais: Questions autour du décès d’un candidat à l’asile nigérian lors de son renvoi. Les frères étaient venus d’Allemagne demander des comptes aux autorités helvétiques.
Bavure policière ou tragédie, l’enquête du juge valaisan Jacques de Delavallaz le montrera dans quelques semaines, lorsque tous les résultats de l’autopsie – qui exclut d’ores et déjà un passage à tabac – seront connus.
Même si l’affaire paraît faire plus de bruit hors du Valais que dans le canton même, la présidente de la commission consultative en matière de mesures de contrainte, Fabienne Bernard, a convoqué jeudi 10 mai son comité pour obtenir des éclaircissements sur les circonstances du drame. Dans le quotidien romand «Le Temps», le responsable du centre Suisse-Immigrés en Valais François Jacquettaz se pose lui aussi des questions: «la police a dit que l’homme s’était débattu et le premier rapport des légistes exclut toute violence». François Jacquettaz cite également des informations médicales selon lesquelles quelqu’un qui tombe sur le ventre, les mains ligotées dans le dos, peut manquer d’oxygène et décéder d’une crise cardiaque. D’autres défenseurs des sans-papiers s’interrogent sur l’utilisation d’un spray ou d’autres produits calmants, indique le journal «Le Temps».
Un premier refus en mars
Samson Chukwu avait été condamné par un juge d’arrondissement à dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis et à dix ans d’expulsion du territoire suisse après avoir été dénoncé par un tiers dans une affaire de trafic de drogues. La Chambre pénale avait reconnu dans le cadre d’un recours contre la détention préventive que les éléments tendant à l’accuser étaient peu crédibles, souligne l’avocat d’office du Nigérian, Me Laurent Schmid.
Le Nigérian aurait refusé une première fois de monter dans l’avion de Kloten, le 13 mars, pour revenir le soir même au centre valaisan de détention de Grange. (Le Valais fait en effet cavalier seul avec son centre de détention à Granges ouvert en 1997. Genève, Neuchâtel et Vaud organisent en revanche en commun le renvoi des requérants d’asile.) On a réveillé Samson Chukwu au milieu de la nuit, à 2 heures du matin, parce que son vol partait de Kloten, à 7 heures. Il n’a pas été mis au courant du moment de son départ pour éviter qu’il ne tente de s’échapper. Chef du service cantonal de l’état civil et des étrangers, Françoise Gianadda précise dans l’édition de jeudi 10 mai du quotidien valaisan «Le Nouvelliste» que le Valais est actuellement en tractations pour que les personnes renvoyées dans leur pays passent la nuit à l’aéroport de Zurich.
Majorité de clandestins refusant de décliner leur identité
Françoise Gianadda indique que sur les 109 personnes détenues en 2001 au centre de Granges, avant leur refoulement ou leur rapatriement dans leur pays d’origine, moins d’une cinquantaine étaient des requérants d’asile, les autres étant des clandestins qui refusent de décliner leur identité. La chef du service cantonal de l’état civil estime que la plupart se débarrassent de leurs cartes d’identité sur le conseil des passeurs, pour ne pas être renvoyés chez eux. Outre les étrangers clandestins et les requérants d’asile qui refusent de dire leur nom, ou qui refusent de rentrer chez eux malgré une décision d’expulsion de l’autorité fédérale, le centre de Granges détient ceux qui ont commis un délit grave ou ceux qui sont revenus illégalement en Suisse.
Samedi 5 mai s’est constitué à Fribourg le collectif des sans-papiers, lancé par le Centre de contact Suisses-Immigrés. Ce mouvement entend se battre pour protéger les étrangers menacés de renvoi, sur la base notamment d’une charte des sans-papiers. Le collectif des sans-papiers de Fribourg estime entre 5’000 et 10’000 le nombre personnes sans papier dans le canton. Il souhaite suivre l’exemple de son pendant vaudois qui occupe actuellement l’église de Bellevaux, à Lausanne, pour protester contre le renvoi de familles kosovares. (apic/ln/lt/mjp)