Interview du cardinal Ratzinger à l’»Avvenire» (150389)
«Rétablir de justes équilibres»
Rome, 15mars(APIC/CIP) Les signataires de la Déclaration de Cologne ne
sont pas tous des «rebelles» et des «anti-romains», estime le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, qui a
trouvé parmi eux «des gens respectables et même quelques amis». Le cardinal
Ratzinger, qui a tenu ces propos dans une interview accordée au quotidien
catholique «Avvenire», évoque encore à cette occasion la récente rencontre
à Rome entre une délégation de l’épiscopat américain et la curie romaine,
le rôle respectif de l’évêque et du théologien, et le statut des Conférences épiscopales.
La Déclaration de Cologne n’a pas surpris le cardinal Ratzinger : ce
n’est pas d’hier que date le malaise des théologiens et de nombreux
chrétiens face aux questions soulevées par l’encyclique «Humanae Vitae» et,
plus généralement, avec le message moral de la foi chrétienne. La morale
chrétienne, déclare-t-il, suppose que «la créature, la nature humaine, porte en soi un message moral», qu’elle n’est pas seulement une entité matérielle. Ceci pour expliquer que «la conscience humaine n’est pas quelque
chose de simplement subjectif, mais doit tenir compte de ces données objectives». Une chose «difficile à digérer» pour la pensée contemporaine.
A propos des récentes nominations épiscopales critiquées par les 163
théologiens signataires de la Déclaration de Cologne, le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi y voit le signe que le Saint-Siège est
«résolu» à nommer des évêques dotés d’une «forte structure théologique»,
«capables de rétablir un équilibre qui est quelque peu rompu».
Des signataires représentatifs
Le nombre de signataires de la Déclaration ne déconcerte pas le cardinal, car, explique-t-il, «je connais mes compatriotes et collègues». Il note une disproportion entre le nombre des catholiques et des professeurs de
théologie (environ 600) en Allemagne fédérale, mais admet que les signataires sont représentatifs, vu leur «pourcentage élevé» et que, du reste, parmi les nombreux théologiens qui n’ont pas signé la Déclaration de Cologne,
nombreux sont ceux qui partagent l’avis de leurs collègues, même s’ils ne
sont pas d’accord avec la formulation.
La vérité, ajoute le cardinal allemand, c’est que le débat sur la théologie morale et sur l’autonomie de la théologie même est «très animé». Il
s’agit d’un «moment difficile, dans lequel nous devons chercher de justes
équilibres, chacun avec sa responsabilité propre dans la foi».
Statut des conférences épiscopales : danger
Sur la question du statut des Conférences épiscopales, auquel le Vatican
va consacrer un document, le cardinal Ratzinger souligne que la Conférence
épiscopale ne peut être considérée indépendamment de l’Eglise universelle.
La question est de savoir s’il convient de «théologiser» l’autorité magistérielle des Conférences épiscopales, comme si elle était «un acte de
droit divin», ou s’il faut continuer à lui reconnaître «un poids de fait».
Si ce «poids de fait» paraît «incontestable» au cardinal Ratzinger, il n’estime pas moins que reconnaître l’autorité magistérielle des Conférences
épiscopales «n’a pas de fondement et peut être très grave pour l’avenir de
l’Eglise».
Un fossé entre la culture contemporaine et l’Evangile
La rencontre avec les évêques américains s’est déroulée dans un climat
«très positif» et n’a pas donné lieu à une «confrontation». Le vrai problème, dit-il, c’est en fait le fossé croissant entre la culture contemporaine et l’Evangile : «Nous vivons dans une culture positiviste et dans un
certain sens matérialiste, du moins pour ce qui concerne l’attitude face à
la vie, dans laquelle les questions morales, l’accessibilité à la foi, la
vie familiale, la relation homme-femme, la vie du prêtre, l’école deviennent des questions graves, déclare le cardinal. Le fruit le plus précieux
du dialogue avec les évêques américains est, à ses yeux, la prise de conscience de ces défis, de la responsabilité commune et du courage nécessaires pour les affronter.
La principale intervention du cardinal Ratzinger lors de cette rencontre
portait sur la relation entre les évêques et les théologiens. Il répète
dans son interview qu’un équilibre a été faussé. Une évolution qu’il déplore : «La théologie n’est pas une pensée autonome, dit-il, mais elle doit
réfléchir sur cette réalité qu’est la foi. Faute de quoi, la théologie perd
sa raison d’être pour n’être plus qu’une sorte de philosophie de la religion». (apic/jt/be)