Négociations de paix à Arusha: en toile de fond, la guerre
Burundi: Les évêques burundais en appellent à Nelson Mandela
Bujumbura, 19 mars (APIC) Alors que les négociations entre les rebelles et le gouvernement s’ouvrent aujourd’hui à Arusha en Tanzanie, les évêques burundais dénoncent la poursuite des combats et les humanitaires le risque d’extension du choléra dans les régions dévastées, où les cadavres des victimes du conflit pourrissent au soleil. Pour le président Buyoya, un cessez-le-feu doit être mis en place avant d’envisager toute période de transition gouvernementale.
Les négociations de paix à Arusha, en Tanzanie entre les délégués burundais, ont commencé lundi 19 mars alors que de violents combats opposent depuis plusieurs jours l’armée aux rebelles de FNL, à une dizaine de kilomètres au sud-est de Bujumbura. «L’armée poursuit les rebelles qui ont fui Kinama, un quartier dans le Nord de Bujumbura, partout où ils vont se terrer», a expliqué le porte-parole de l’armée, le colonel Longin Minami.
L’ancien président sud-africain Nelson Mandela a proposé de découper la période de transition du pouvoir en deux phases de dix-huit mois, aux cours desquelles la présidence reviendrait successivement aux communautés tutsie puis hutue. Mais à la fin des combats de Kinama, le président Pierre Buyoya, tutsi, a annoncé qu’il n’était plus question d’envisager la mise en place d’une période de transition, sans cessez-le-feu préalable avec la rébellion.
Les évêques catholiques du Burundi interpellent vivement les responsables politiques
Les évêques burundais ont adressé vendredi 9 mars une lettre à Nelson Mandela, médiateur du processus de paix au Burundi, lui demandant d’accélérer les négociations de transition du pouvoir et l’avènement du cessez-le-feu. L’épiscopat demande aussi à la Communauté Internationale et, particulièrement, aux pays limitrophes (Rwanda, Zaïre, Afrique du Sud) d’encourager le Gouvernement du Burundi et les factions rebelles au dialogue, «unique voie pour aboutir à la paix».
«Depuis plus de sept ans, notre pays est plongé dans une violence aux multiples visages: la violence par les armes, par les paroles diffamatoires et diabolisantes, par l’exclusion. Un tel scénario plonge le pays entier dans une voie sans issue à cause des drames qu’elle provoque en chaque Burundais, dans nos familles et dans toute la nation», peut-on lire dans une lettre signée par le président de la Conférence épiscopale du Burundi (CECAB), Mgr Simon NTAMWANA, archevêque de Gitega, le vice-président de la CECAB, Mgr Evariste NGOYAGOYE, évêque de Bujumbura, et les cinq autres évêques diocésains du pays.
La violence érigée en système
«Des milliers de vies humaines sont exterminées, les biens sont pillés, les injustices sont exaltées, la violence est érigée en système. Les infrastructures sociales sont détruites: écoles, hôpitaux, centre de santé.», écrivent les évêques du Burundi. Qui déplorent que la scolarisation recule, l’ignorance avance, les maladies de tout genre déciment les populations. Le phénomène de la pauvreté se généralise. La corruption, due à cette pauvreté et, surtout, à la déliquescence des structures de l’Etat, se répand dans tous les secteurs de la vie nationale.
A cause de cette guerre fratricide, dénoncent les évêques, «nous assistons impuissants à la dislocation des familles, à la dispersion des populations. Malgré de nombreux efforts pour redresser la situation, notre peuple voit chaque jour la paix s’éloigner de son horizon. Tout cela ne fait qu’engendrer le désespoir. Ayons le courage de nous interroger et de reconnaître les causes profondes de ce déchaînement de la violence, devenue malheureusement une réalité quotidienne. Cherchons le remède à ce mal qui détruit la nation.»
La «politique du ventre», le pouvoir coûte que coûte
A la base de tout, affirme la Conférence épiscopale, il y a la recherche des intérêts individuels: «C’est cela qui bloque les possibilités de la paix véritable. De nombreux groupes antagonistes veulent contrôler le pays. Et, même par sa propre idéologie, chaque groupe ne privilégie que ses intérêts au lieu de mettre en avant le bien commun. La politique «du ventre» bloque toutes les initiatives qui nous auraient conduits à la restauration du tissu social, à la coexistence ethnique et à la vraie solidarité. Posséder le pouvoir coûte que coûte
semble justifier tous les actes, y compris les actes de barbarie. Que ce soit dans la course pour accéder à ce pouvoir ou dans la volonté de s’y maintenir.»
Dans le contexte politique actuel du Burundi, les principes moraux ne sont plus respectés, déplorent les évêques burundais. La conscience du bien commun a disparu. Il s’est créé une
mentalité socio-politique destructrice qui conduit les acteurs politiques à considérer leurs adversaires comme des ennemis à éliminer. «C’est oublier que rien de bon ne peut venir de la violence. Le remède à cette situation est entre nos mains. Nous invitons toutes les Burundaises et tous les Burundais, plus spécialement chaque responsable politique, à œuvrer pour la paix dans la ligne de l’Accord d’Arusha. Dans le partage du pouvoir, ayons à cœur la mission de servir le peuple. Ayons le courage de dire non à la guerre et à toute forme de violence.» (apic/afp/pana/com/cecab/om/mjp/be)