France: Un évêque luthérien devient catholique

«Pour que le monde croie»

Paris, 16 juillet 2001 (APIC) Pour la première fois dans l’histoire de la Réforme, un pasteur luthérien ayant rang d’évêque a annoncé lundi son entrée dans la pleine communion avec l’Eglise catholique. Le pasteur Michel Viot, inspecteur ecclésiastique de l’Eglise évangélique luthérienne de France à Paris, célibataire, va se mettre au service de la paroisse de Châteaudun, dans le diocèse de Chartres, moins de deux ans après la signature par la Fédération luthérienne Mondiale et par l’Eglise catholique d’une «Déclaration commune sur la justification «.

La question de la justification fut, à l’époque de Luther, le motif essentiel de rupture. «Cet accord représentait donc pour moi une étape historique. Dès lors, je ne voyais pas pourquoi maintenir le schisme», a expliqué au quotidien catholique français «La Croix» Michel Viot, un célibataire de 57 ans, dont le souci premier est l’évangélisation.

Des divergences de fond avec le monde protestant

«Pour que le monde croie, dit-il, il faut que les chrétiens soient unis. L’unité n’est pas accessoire. La division des chrétiens est un obstacle à l’évangélisation.» Dans une longue interview accordée à «La Croix» à la veille d’annoncer publiquement son geste, Michel Viot ne cache pas que son geste est aussi une protestation, car «plusieurs points (l)’agacent» dans le protestantisme. Par exemple quand les Eglises réformées, avec qui les luthériens sont en union, admettent aujourd’hui des non-baptisés à la communion, ce qui est «inacceptable». Ou encore quand un laïc, par simple délégation, reçoit aujourd’hui le pouvoir de célébrer l’eucharistie, ce qui est «une insulte à la tradition du ministère eucharistique». Par ailleurs, le monde protestant est en déclin en Europe, et «quand il y a déclin, il y a crise quelque part».

Une Eglise qui va de l’avant

«Il faut redonner aux gens le sens du sacré, insiste-t-il. Il faut que les sermons parlent de la vie intérieure, de la vie du monde invisible. Il ne faut pas avoir peur des démonstrations extérieures. Certains protestants méprisent souvent la foi populaire au nom du pur Evangile, ce qui est de l’orgueil déguisé.»

Michel Viot a toujours été attiré par l’Eglise catholique, «une Eglise qui va de l’avant, très présente au monde». «Depuis plusieurs années, dit-il, à chaque fois que j’assistais à une office catholique, je me sentais poussé par une voix intérieure qui me disait: ’Là est ta famille’.»

Il faut préciser que Michel Viot a été baptisé dans l’Eglise catholique mais n’a jamais reçu aucune éducation religieuse. C’est à l’adolescence, lors de vacances en Alsace, qu’il rencontre un couple de luthériens qui va lui donner l’envie d’aller plus loin. Il prend alors contact avec une Eglise protestante à Paris. Quelques années plus tard, il est pasteur à l’église des Billettes à Paris. En 1981, il est président du Consistoire luthérien de Paris (relation administrative des luthériens avec l’Etat) puis, en 1966, inspecteur ecclésiastique de Paris, ce qui est un rang d’évêque chez les luthériens.

Les dogmes catholiques ? Il y en a eu trois depuis la Réforme: deux sur Marie, un sur l’infaillibilité du pape. «Pour ce qui regarde les croyances concernant la Vierge Marie, Luther y croyait dans l’ensemble, précise-t-il. J’admets aujourd’hui ces dogmes mariaux d’autant plus que l’Eglise catholique affirme l’obtention du salut par la seule foi au Christ. Quant à la question du pape, il faut donner à la promesse faite à Pierre toute sa portée. Jésus, en effet, ne pouvait ignorer que la construction de l’Eglise demanderait des générations. Ce qui s’appliquait à Pierre, le premier choisi, s’applique donc à ses successeurs.»

Un geste qui devrait servir l’unité

Michel Viot espère que son geste servira l’unité. «Mon geste n’est pas une déclaration de guerre entre Eglises, insiste-t-il, d’autant plus que je me suis battu pour la paix entre les confessions chrétiennes. Il ne faut pas raviver les haines. Au contraire, il faut cultiver le désir d’unité pour que le monde croie. Et évangéliser avec le dynamisme que je ressens dans l’Eglise catholique, parce qu’il est fondé sur des bases solides, alors que certains protestants se posent aujourd’hui des questions sur des aspects essentiels de la foi.»

«En 1999, ajoute-t-il, nous avons accompli un pas gigantesque avec la Déclaration commune sur la justification, qui a demandé une trentaine d’années de travail. Mais, par ailleurs, les choses bloquent sur la question de l’ecclésiologie et sur les ministères. L’oecuménisme n’a pas tout réglé.» (apic/cip/La Croix/be)

16 juillet 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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