Cameroun: Les prisons sont des véritables mouroirs
«Jugez-nous», réclament des prisonniers depuis plus de 10 ans
Yaoundé, 12 août 2001 (APIC) Cellules surpeuplées, détenus en attente d’un jugement depuis parfois plus de dix ans, conditions de vie au delà de l’acceptable: les prisons camerounaises sont devenus de véritables mouroirs. «Jugez nous!» c’est par ces propos que le Haut Commissaire européen, Paul Nielson a été accueilli dans la célèbre prison de Kondengui à Yaoundé la capitale du Cameroun lors de sa dernière visite en juillet dernier. Une phrase qui traduit le ras le bol des détenus, dépassés par des conditions d’incarcération inhumaine et de détentions préventives trop longues.
La prison de Kondengui (du nom du quartier où elle se trouve), comprend plusieurs quartiers dont celui des mineurs, celui des femmes, celui réservé aux prisonniers politiques et hauts cadres de la fonction publique accusés de détournements des fonds publics, ainsi que le quartier des condamnés à vie et celui des adultes.
Les 2/3 des prisonniers de Kondengui sont des présumés coupables. Certaines statistiques du quartier n°4, celui des adultes, parlent d’elles-mêmes. Sur 905 détenus, 702 sont des prévenus et seuls 174 ont été condamnés. Et selon des sources concordantes, sur les 2643 détenus de cette prison seuls 466 ont déjà été condamnés par la justice camerounaise. Près de 2200 prisonniers restent encore en détention préventive dans l’attente d’un éventuel jugement.
Dans l’autre célèbre prison du Cameroun, celle ce New Bell à Douala, les conditions de détention sont encore pires. Prévue pour 1000 détenus au maximum, elle compte près de 3500 pensionnaires aujourd’hui et dont plus de la moitié attendent encore un jugement.
Juges corrompus
La justice camerounaise brille visiblement par son laxisme, avec des magistrats corrompus jusqu’au bout des ongles. Une justice qui n’hésite pas à condamner délibérément des innocents et à laisser des coupables en liberté. Le cas de Ernest Yom, un employé d’une société de transformation de bois, est assez significatif. Accusé de recel pour avoir acheté un téléviseur volé, il a été écroué sans jugement à la prison de New Bell à Douala. Il y a déjà passé plus de 5 ans sans jugement. Chaque fois qu’il est appelé à la barre, son affaire est aussitôt renvoyée à plus tard. Cela fait 5 fois qu’il vit cette situation. Selon lui, le juge demande une somme de 1 millions de Francs Cfa pour sa libération. Sa famille est trop pauvre pour honorer cette exigence.
Comme lui, beaucoup de prisonniers attendent que la justice se prononce sur leur sort. Selon des sources concordantes, plusieurs détenus en attente de jugement ont déjà trouvé la mort dans ces deux célèbres et grandes prisons du Cameroun. Les morts sont surtout dues aux conditions d’incarcération inhumaines.
A côté des fonctionnaires corrompus, certains font pourtant preuve de conscience professionnelle. Mais ces derniers sont tout simplement mutés dans des coins les plus reculés de la République, s’ils ne finissent pas assassinés. C’est le cas du magistrat Louis Ndzié, juge à Mfou, petite localité située à près de 50 kms de Yaoundé, connu pour sa rigueur dans le travail et qui a malheureusement été tué le 1er février 2000 à Yaoundé, abattu à coups de pistolets par des malfrats. Sa mort selon certaines indiscrétions seraient due à un verdict qu’il aurait rendu quelques jours auparavant.
Du carton en guise de lit
Les conditions de vie sont déplorables dans les prisons camerounaises. Les détenus sont entassés les uns sur les autres. Les chanceux disposent d’un matelas pour ceux, les autres doivent se débrouiller avec des morceaux de carton qu’ils installent à même le sol.
Cette situation favorise la prostitution, l’homosexualité, la pédophilie (le quartier des mineurs est très sollicité), le sida, etc. Le Haut commissaire européen Paul Nielson a déclaré lors de sa visite: «C’est inacceptable que des gens puissent vivre dans de telles conditions».
Ils ont peut être tué, volé, escroqué, mais ils ont droit à un jugement équitable et selon les dispositions de la loi. Ils ont droit à des conditions de vie décentes même quand ils sont privés de liberté. Des droits que l’Union Européenne entend faire respecter à l’Etat camerounais, conditions sine qua non à toute forme d’aide au développement. (apic/mbt/bb)