Entre le marteau et l’enclume

Université de Fribourg: Etre chrétien arabe en Israël, conférence de W. Abunassar

Fribourg, 24 janvier 2002 (APIC) Un chrétien arabe de nationalité israélienne est un arabe aux yeux des Israéliens juifs et un chrétien pour les Arabes musulmans. Dans une conférence donnée à l’Université de Fribourg le 23 janvier, Wadie Abunassar, directeur du Centre international de consultation à Haïfa, a dépeint sa difficile condition de «sous-citoyen» israélien. Il a expliqué à la quarantaine de personnes présentes, que seule une pression internationale peut amener Israël à devenir un authentique Etat démocratique.

Invité par l’Université de Fribourg sur une initiative du Département fédéral des affaires étrangères, Wadie Abunassar a expliqué à un public composé essentiellement d’universitaires, la complexité de sa triple identité sociale d’arabe, de chrétien catholique romain et de citoyen israélien. Doctorant en science politique de l’Université de Tel-Aviv, Wadie Abunassar, qui s’est notamment occupé de la coordination des médias lors de la visite du pape en Terre Sainte, s’est efforcé de souligner que les discriminations dont sont victimes les arabes chrétiens en Israël sont essentiellement le produit de man?uvres politiques et non de la mentalité des «gens ordinaires».

Il est ainsi convaincu que la paix en Terre Sainte est possible à condition qu’Israël devienne un authentique Etat démocratique et non une dictature ethnique, telle que l’induit la définition constitutionnelle de l’Etat d’Israël comme »Etat juif». En tant que catholique romain, il demande une solidarité plus marquée de ses frères et s?urs dans la foi pour développer une pression internationale en faveur de la démocratie en Israël. Cependant cette pression ne sera réellement efficace, souligne Wadie Abunassar, que lorsque la communauté juive internationale décidera à son tour d’affirmer au gouvernement israélien actuel qu’il fait fausse route.

Otages de du jeu politique

Les arabes chrétiens d’Israël ne représentent que 12 % de la population arabe locale. Alors que certains pays arabes tels que la Syrie et l’Iraq voient en leurs minorités chrétiennes un «portail vers l’Ouest», les arabes chrétiens d’Israël se trouvent dans une situation doublement minoritaires face aux juifs et aux musulmans. Les extrémistes autant juifs que musulmans aiment à définir leur fondamentalisme en regard de leur condamnation du christianisme.

Par ailleurs, les 12 Eglises chrétiennes traditionnelles, auxquelles s’ajoute une bonne cinquantaine de nouveaux mouvement religieux récemment importés, représentent un terreau fertile au développement de crises institutionnelles, comme par exemple la non-reconnaissance par Israël du chef de l’Eglise majoritaire des grecs orthodoxes.

Wadie Abunassar explique que le but de cette politique visant à entretenir des crises, est d’asseoir la position des juifs israéliens, qui en tant que majorité tirent profit de toute dissension au sein de la minorité arabe. L’affaire de la mosquée de Nazareth en est un exemple éloquent. Selon Wadie Abunassar, ce projet de construction d’une mosquée sur l’esplanade d’une basilique représente une excellente opportunité, pour le gouvernement israélien, d’entretenir une crise, qui divise les arabes entre eux et permet à Ariel Sharon de renforcer sa position politique.

En effet le chef du gouvernement israélien, qui comme le souligne Wadie Abunassar, ne dispose et ne veut disposer d’aucune solution au conflit israélo-palestinien, a pour seule option le maintien de crises «à la chaîne» afin «d’occuper l’opinion internationale», autant qu’affaiblir les nombreuses minorités en orbite autour de l’élite citoyenne des juifs israéliens.

Une solution est pourtant envisageable

Face à cette situation peu enviable, Wadie Abunassar propose pourtant une solution. Tout d’abord, il rappelle qu’il n’est pas, bien que discriminé, opposé à l’Etat d’Israël dont il est citoyen. Il souhaite au contraire que son pays devienne un authentique Etat démocratique dans lequel tous les citoyens sont égaux en droits. et en faits. Il lance un appel en ce sens aux fidèles de l’Eglise catholique en Occident, qui sont beaucoup moins sensibles que leur institution à la situation désastreuse de la Terre Sainte.

Cet engagement est souhaité en vue de développer une pression internationale pour la démocratie en Israël qui doit, selon Wadie Abunassar, impérativement inclure la communauté juive internationale. Celle- ci pourrait, par une condamnation claire de la politique criminelle du gouvernement Sharon, lui retirer l’impunité qui couvre ses agissements.

Mais une telle réaction n’est possible que si une prise de conscience d’une large ampleur s’est préalablement diffusée au niveau international. C’est ici que l’Eglise catholique doit non seulement assumer sa responsabilité de solidarité envers les fidèles de Terre Sainte, mais aussi et surtout son devoir au service de la paix, a conclu Wadie Abunassar. (apic/sh)

24 janvier 2002 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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