La justice vaticane n’aurait pas fait son travail, pape interpellé

Suisse: Me J. Vergès relance l’affaire de l’assassinat du commandant de la Garde Suisse

Martigny, 28 avril 2002 (APIC) Le très médiatique avocat français Me Jacques Vergès a relancé samedi l’affaire de l’assassinat du commandant de la Garde Suisse, Alois Estermann, et de son épouse. Pour la justice vaticane, l’auteur du double meurtre au Vatican le 4 mai 1998 est le vice- caporal Cédric Tornay, qui s’était ensuite suicidé. Version dès le début contestée par la mère du jeune Valaisan.

La version officielle des faits a été remise en cause au cours d’une conférence de presse de deux heures à Martigny, en Valais, en présence de la mère de Cédric Tornay et de journalistes venus de toute l’Europe. Les avocats parisiens Me Vergès et Me Luc Brossollet, qui avaient déjà demandé à la mi-avril la réouverture de l’enquête sur la tuerie dans les appartements du Vatican, ont finalement décidé d’interpeller le pape Jean Paul II lui-même. Et éventuellement de faire appel à la justice suisse. Pour eux, Cédric Tornay ne se serait pas suicidé, mais il aurait été abattu.

Ils affirment que l’enquête officielle du Vatican a été bâclée et est entachée de nombreuses erreurs et incohérences. La balle qui a tué Cédric Tornay ne proviendrait pas de son pistolet et la position des corps tels qu’on les a retrouvés après la tragédie est «incompréhensible». Les deux avocats français reprochent encore à la justice vaticane de leur refuser l’accès aux pièces qui lui permettent d’avancer son hypothèse, une attitude qualifiée par Me Vergès de «contraire à ce qui se passe dans tout pays civilisé».

Le calibre de la balle en question

«Ce qui nous fait agir, c’est que nous sommes en face de certitudes», a déclaré à la presse Me Vergès. Et d’affirmer: «La balle dont on nous prétend qu’elle a tué Cédric n’a pas pu le tuer, parce que son diamètre est supérieur au diamètre du trou qu’il y a dans le crâne de Cédric. Déjà cette explication n’est pas valable. Deuxièmement, il avait une fracture du rocher (partie de l’os temporal, ndr) ayant provoqué une hémorragie dans les poumons. Cette hémorragie n’était possible que s’il était vivant. Et donc la thèse, c’est qu’au moment où il est tué d’un coup de feu, déjà il est dans un état semi comateux. Il a reçu un coup. Ce n’est pas lui qui a brisé son rocher pour se suicider!» Cédric Tornay aurait été frappé à la tête avant d’être abattu.

Me Vergès et Me Brossollet opposent aux conclusions du Saint-Siège celles d’une autopsie du corps du vice-caporal Tornay pratiquée, à la demande de la famille, par l’Institut médico-légal de l’Université de Lausanne. Ils affirment que le trou correspond à une balle de 7mm, alors que Cédric Tornay s’est suicidé, selon la version officielle, avec un pistolet de calibre supérieur à 9mm.

La lettre d’adieu de Cédric serait «un faux»

Me Vergès relève également que la lettre où Cédric Tornay avouerait être l’auteur du crime et ensuite du suicide, qui n’est même pas signée, est «un faux». Il s’adresse ainsi à sa mère en lui donnant un nom qu’elle ne porte plus, «le nom d’un époux qu’elle a quitté et qui n’est pas son père et qu’il n’utilise jamais. Psychologiquement, c’est incompréhensible!». L’attitude des juges du Vatican, poursuit Me Vergès, démontre qu’ils n’accordent aucune importance à ce document, puisqu’ils le donnent à la mère trois jours après le drame. On n’a pas protégé le document pour en relever les empreintes ou les traces d’ADN. On aurait dû l’analyser, faire une expertise graphologique. «On a même donné à la mère la balle qui a prétendument servi à tuer son fils».

Dès le départ, la mère du vice-caporal Cédric Tornay n’a pas cru que son fils avait agi dans un accès de folie et qu’il se soit ensuite donné la mort. C’est pour en avoir le coeur net qu’elle a mandaté les deux avocats parisiens: «ce n’est pas une mission, c’est une attitude normale, seulement pour établir les faits et connaître enfin la vérité», a-t-elle déclaré à la presse.

Officiellement, le vice-caporal Tornay, qui se sentait brimé, s’est vengé en abattant les époux Estermann «dans un accès de folie», avant de se donner la mort. Les avocats français relèvent que si la lettre de Cédric Tornay est authentique, il ne s’agirait pas alors d’un accès de folie, comme le prétend la version vaticane, mais de préméditation. Après 9 mois d’enquête, la justice vaticane classait l’affaire en confirmant la thèse avancée dès le début par le Saint-Siège. Dimanche, au Vatican, personne n’était disponible pour commenter ce rebondissement, mais lors de la demande de réouverture d’enquête, il y a près de deux semaines, le Vatican avait laissé entendre qu’il n’avait pas l’intention d’entrer en matière. (apic/imedia/ag/tsr/rsr/be)

28 avril 2002 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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