Le président Wade veut mettre fin à cette cacophonie
Sénégal: La fin du ramadan célébrée deux jours différents dans le même pays
Dakar, 8 décembre 2002 (APIC) Les musulmans sénégalais célèbrent à deux dates différentes les deux grandes fêtes islamiques: celle de la fin du ramadan et celle des moutons. Le président Wade, à la tête du seul pays au monde où les musulmans ne fête pas l’aïd el fitr tous ensemble, appelle les autorités religieuses à s’entendre.
Dans la nuit du mercredi 4 au jeudi 5 décembre 2002, le khalif général des tidjanes, la plus grande famille religieuse du pays, par la voix de son porte-parole, a invité ses fidèles à célébrer jeudi la fin du ramadan. Il a fait état, dans ce message, de témoignages sur l’apparition du croissant lunaire dans plusieurs localités de l’intérieur du pays, à la tombée du soleil. Dans des pays voisins du Sénégal dont la Mauritanie et le Mali, la lune qui annonce le début du mois de Chawwal du calendrier lunaire musulman a été constatée au même moment.
En revanche, les dirigeants des confréries layènes (environ 500’000 fidèles), mourides (près de trois millions d’adeptes) et d’autres petites familles religieuses ont donné pour consignes la poursuite du jeûne jusqu’à vendredi, afin de boucler les 30 jours francs que compte le mois. Dans d’autres pays africains, au Maroc, par exemple, les festivités ont également eu lieu vendredi 6 décembre.
Le président et les chefs religieux exaspérés
Face à cette divergence chronique, le président Abdoulaye Wade, un musulman de la confrérie des mourides, a annoncé qu’il prendrait prochainement une initiative visant à mettre fin à cette cacophonie. «Je ne pense pas qu’il ait un seul pays au monde où les musulmans célèbrent la même fête à deux dates différentes», a-t-il déclaré vendredi aux journalistes, après s’être acquitté de son devoir religieux. «Dans les prochains jours, a-t-il précisé, je vais engager la concertation avec toutes les familles religieuses, leur présenter des propositions pour éviter la célébration dans la division des principaux événements du calendrier musulman». Son prédécesseur à la tête du pays, Abdou Diouf, s’était toujours garder de s’impliquer dans une recherche de solution à cette division religieuse, à cause du caractère laïc de l’Etat qu’il incarnait.
La veille de la déclaration du président Wade, de nombreux dignitaires musulmans et experts en droit islamique s’étaient montrés exaspérés par le manque d’unité dans leur communauté. A Dakar, l’imam de la grande mosquée de la capitale a ainsi rappelé, en insistant sur l’unité, que tous des musulmans ont «le même coran, se tournent vers la même direction, invoquent le même Dieu et le même prophète pour prier». A Thiès (70 km au nord de Dakar), un imam a lui condamné cette division qui, a-t-il dit, est contraire à l’islam. «Resserrez les rangs, oeuvrez dans l’unité des coeurs et des esprits pour que le Seigneur répande sa bénédiction sur nous et sur la ummah islamique», a-t-il indiqué, se référant au livre saint des musulmans.
Les confréries mises en cause
Pour sa part, Khadim Mbacké, l’un des plus célèbre islamologues du pays a plaidé en faveur d’un Conseil Supérieur Islamique au Sénégal. Selon lui, l’islam a réglé le problème des fêtes religieuses. «Pour ce qui est exemple du croissant lunaire, la religion oblige le musulman à jeûner ou à rompre son jeûne si deux ou trois fidèles comme lui, connus pour leur crédibilité, leur équité et leur justice attestent l’avoir aperçu», a-t-il fait remarquer. «C’est l’immixtion des confréries qui compliquent les choses», a-t-il estimé.
La mésentente des musulmans sénégalais sur les dates de fêtes religieuses dans leur pays a commencé en juillet 1981, après le départ du départ du pouvoir du président chrétien Léopold Sédar Senghor. Pendant tout le temps qu’il a dirigé le pays (1960-1981), il n’y a jamais eu de controverses sur les dates de fin ou début de ramadan. (apic/ibc/sh)