Lettre ouverte au pape de la mère de Cédric Tornay
Suisse: L’affaire Tornay sera portée devant la justice suisse
Fribourg, 20 décembre 2002 (APIC) Les avocats français de Muguette Baudat, Jacques Vergès et Luc Brossolet, porteront au début 2003 l’affaire Tornay devant la justice suisse, a annoncé Me Brossolet dans un entretien accordé à l’APIC. Les circonstances tragiques de la mort du jeune caporal de la garde suisse, Cédric Tornay, et des époux Estermann, retrouvés morts le 4 mai 1998 au Vatican, demeurent toujours aussi mystérieuses aux yeux des magistrats parisiens et de la mère du jeune Tornay. Cette dernière a écrit une «Lettre ouverte à Jean Paul II datée du 12 décembre.
La décision des avocats intervient dans la foulée de la récente parution du livre-enquête de l’ancien juge anti-mafia Ferdinando Imposimato. Le livre du juge Imposimato n’a curieusement pas eu le retentissement escompté dans la presse transalpine, romaine en particulier. Selon l’auteur, Aloïs Estermann était un agent de la Stasi, l’agence d’espionnage de l’ex-RDA, qui aurait en outre placé des micros dans les appartements de Jean Paul II. Quant à Muguette Baudat, elle s’adresse une fois de plus au pape. Désappointée, elle écrit: «Après avoir tenté une dernière fois de vous intéresser directement il y a deux mois, mon capital d’espoir, de patience et de confiance est aujourd’hui épuisé», relève-t-elle. Elle y décrit son désarroi, et son incompréhension. Sa colère aussi (v. encadré).
Rappelons pour mémoire que le garde suisse Cédric Tornay a été retrouvé mort le 4 mai 1998 en compagnie du commandant de la Garde, Aloïs Estermann, et de son épouse Gladys. Le drame s’est déroulé dans les appartements du commandant de la garde. Selon la thèse du Vatican, le jeune caporal valaisan se serait donné la mort après avoir fait feu contre les époux Estermann. Une thèse contestée par la mère et les avocats de cette dernière.
Une autopsie pratiquée en Suisse sur le corps de Cédric Tornay ainsi que plusieurs études, graphologiques notamment, tendent selon eux à accréditer la thèse de l’assassinat du jeune caporal, âgé de 23 ans au moment des faits.
Pour tenter de faire avancer le dossier, et de faire la lumière sur ce drame, les deux avocats français s’adresseront début 2003 à la justice suisse. Sans doute devront-ils passer par les cantons d’origines des victimes: le Valais, s’agissant de Cédric Tornay, Lucerne, pour les époux Estermann. Pour l’heure, commente-t-on à Berne, aucun dossier sur cette affaire n’a été remis à l’Office fédéral de la Justice à Berne.
Explication préfabriquée
A propos du livre de l’ex-juge Ferdinando Imposimato, Luc Brossolet reste prudent. Sauf sur un point: «Imposimato rejoint ce que Madame Baudat a expliqué dans l’une de ses nombreuses requêtes adressées en vain au pape, à savoir que si on veut comprendre ce qui s’est passé le 4 mai, on ne doit pas se satisfaire d’une explication préfabriquée, mais chercher toutes les pistes, y compris en s’intéressant au passé d’Estermann et aux raisons que certains pouvaient avoir de le faire disparaître. Sur ce sujet, le juge Imposimato, à défaut de donner des solutions, fournit des éléments de réflexion».
Pour le reste, rien n’a bougé. «La justice vaticane nous a écrit pour nous demander nos pièces à l’appui de la procédure. Nous serions ravis de les lui transmettre, à une condition: que le Vatican, enfin, veuille nous accorder un accès à l’enquête initiale, au dossier». Pour Me Brossolet, le contenu du livre de l’ex-juge anti-mafia aura sans doute pour conséquence de renforcer le mutisme du Vatican. «Mme Baudat, ajoute l’avocat, a fait une démarche directe auprès du pape, via Mgr Stanislaw Dziwisz, son secrétaire polonais particulier. Sans succès».
Muguette Baudat confirme à l’APIC s’être effectivement adressée à nouveau à Jean Paul II. Elle dit avoir reçu une fin de non recevoir de Mgr Stanislaw Dziwisz, via le président du Tribunal de l’Etat du Vatican. PR
Encadré
La lettre au pape Jean Paul II
Plus de quatre ans après les faits, Muguette Baudat ne comprend toujours pas les raisons qui poussent la justice vaticane «à ne pas tout faire pour éclairer le drame qui met en cause mon fils». Depuis plus de quatre ans, elle se bat pou rouvrir un dossier sur une affaire qui interroge de plus en plus l’opinion. L’APIC publie ci-dessous des extraits de la lettre au pape écrite par la mère de Cédric Tornay.
«Après avoir tenté une dernière fois de vous intéresser directement il y a deux mois, mon capital d’espoir, de patience et de confiance est aujourd’hui épuisé. Votre choix du silence et de l’inaction est définitivement établi par la lettre que vient de m’adresser le président du Tribunal de l’Etat du Vatican. A ma demande d’une mesure exceptionnelle de la part du magistrat suprême que vous êtes, vous avez donc décidé le maintien du mécanisme ordinaire de la justice vaticane, qui permet commodément de bloquer tout espoir de voir la lumière faite sur ce drame».
L’auteur de la lettre déplore la volonté «de barrage farouche et constante adoptée depuis quatre ans», qui va selon Muguette Baudat «de pair avec leur grand empressement médiatique lorsqu’il s’est agi de faire passer Cédric pour un assassin suicidé, malade et détraqué».
Selon Madame Baudat, tout a été tenté pour inviter le Vatican à ouvrir une porte verrouillée. En vain. Il s’agit pour elle d’un «déni de justice caractérisé et d’une injustice monstrueuse». (apic/pr)