Sénégal: Mobilisation contre un accord de transit avec la Suisse

«Non à l’accord de la honte»

Dakar, 23 février 2003 (Apic) Des ONG et partis politiques du Sénégal et de Suisse battent campagne contre un accord signé à Dakar le 8 janvier par les deux gouvernements. Il fait du Sénégal un pays de transit des demandeurs d’asile déboutés en Suisse. Les organisations estiment ses conséquences «désastreuses pour les Africains».

Lors d’une conférence de presse vendredi 21 février, la Rencontre Africaine de Défense des Droits de l’Homme (Raddho), le Réseau Ouest-Africain pour les réfugiés et les Personnes déplacées (Waripnet), l’Association des Sénégalais de Genève, le Parti Socialiste du Sénégal et les Ong suisses «Solidarité sans Frontières» et «Augenauf» ont renouvelé leur attaque contre l’accord suscité par la conseillère fédérale Ruth Metzler. «Les raisons humanitaires avancées par le gouvernement du Sénégal sont fallacieuses et constituent de la poudre aux yeux», ont-ils affirmé dans une déclaration commune intitulée «Non à l’accord de la honte». Ils ont rappelé l’échec de l’application de l’accord dans deux pays d’Afrique de l’Ouest, la Côte-d’Ivoire et le Ghana.

Selon la déclaration commune, l’accord s’inscrit dans le cadre de la politique suisse pour une «asile zéro», malgré les conventions internationales qui garantissent le droit d’asile aux réfugiés. «En acceptant de faire du Sénégal un centre de tri, le pays va se charger d’exécuter la base besogne dont la Suisse a les moyens humains et matériels de faire toute seule», poursuit le texte. Il souligne qu’il serait naïf de croire qu’on peut établir l’identité des requérants d’asile en 72heures au Sénégal, alors que la Suisse n’a pas pu le faire en neuf mois, avec tous les moyens humains, matériels et financiers dont elle dispose.

Une «boîte noire» pour les ONG suisses

De leur côté, les représentants des Ong suisses «Solidarité sans Frontières» et «Augenauf», ont qualifié l’accord de «boîte noire». Le gouvernement sénégalais, selon Salvatore Pitta, soutient qu’il ne lui apporte rien. Or le Nigeria qui a signé un accord de réadmission de ses ressortissants bénéficiera d’un soutien financier de la Suisse pour son programme de lutte contre le sida. En 1993, la Pologne, qui avait signé un accord similaire avec la Suisse, recevait 400 millions de Frs du gouvernement helvétique pour fermer ses frontières, a poursuivi Salvatore Pitta, de «Solidarité sans Frontières». Il a averti les dirigeants sénégalais et suisses du danger que représente la conduite à l’ambassade d’un Africain requérant d’asile ou réfugié. «Cette pratique constitue chaque fois un risque de violer les conventions internationales sur les droits de l’homme et celles sur les droits et statuts des réfugiés», a-t-il fait remarquer.

Pour sa part, le député socialiste sénégalais Pape Babacar Mbaye, député à l’assemblée nationale, a réaffirmé l’opposition de son parti face à l’accord. Il le combattra par tous les moyens légaux et votera contre son adoption quand il sera présenté à l’assemblée nationale, a-t-il fait remarquer. «Ce combat, a-t-il précisé, dépasse le cadre politique, car il s’agit de préserver les relations de bon voisinage entre le Sénégal et ses voisins, de respecter et de protéger les réfugiés et de préserver l’image de marque du Sénégal».

«Désinformation sur l’accord», pour le Fribourgeois Germain Chassot

La conférence de presse répondait à un exposé, le 18 février devant la commission des affaires étrangères de l’assemblée nationale, du consul général du Sénégal en Suisse, le Fribourgeois Germain Chassot. Lors de cette intervention ce dernier avait précisé que l’accord portait sur le transit (qui est temporaire) et non sur le rapatriement (qui est définitif). Il avait en outre estimé qu’il y a eu de la «désinformation, de la mauvaise information et de la déformation» sur l’accord.

Avant lui, le ministre des affaires étrangères, Cheikh Tidjane Gadio, déclarait aux députés, le 10 février, que le gouvernement était «à l’aise avec cet accord». Car, il n’a rien demandé, mais veut offrir un cadre humain qui «rende plus de dignité aux ressortissants Africains en Suisse». (apic/ibc/bb)

23 février 2003 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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