A temps nouveaux, mentalité nouvelle

Moscou : comité central du Conseil oecuménique des Eglises (210789)

Moscou, 21juillet(APIC) Le Forum sur la perestroïka organisé dans le cadre du Comité central du Conseil oecuménique des Eglises (COE) a réuni a

Moscou de nombreuses personnalités soviétiques. Ce Forum a été l’occasion

pour l’archevêque Cyrille de Smolensk de souligner que «le temps où la religion était considérée comme rétrograde et les croyants comme des citoyens

de second rang est définitivement aboli». Le Comité central du COE se tient

pour la première fois à Moscou jusqu’au 26 juillet.

Parmi les personnalités présentes au Forum on a noté la présence de :

André Gratchov, vice-directeur du Département des relations extérieures du

Comité central du Parti communiste de l’URSS; Serguéi Zalygin, romancier,

rédacteur en chef de la revue politique et littéraire «Novi Mir»; Guennadi

Lisitchkin, économiste; le professeur Boris Rauschenbach, membre éminent de

l’Académie des sciences, spécialiste de la recherche spatiale et l’archevêque Cyrille de Smolensk de l’Eglise orthodoxe russe.

L’archevêque Cyrille a relevé d’entrée combien sa participation à un tel

forum constituait une nouveauté et démontrait la réalité de la perestroïka

: une méthode de pensée et d’action ouverte où chacun est disposé à entendre et à apprendre des autres. Le monde entier est à la recherche d’un modèle de société fondé sur la justice et l’équité, qui permette la participation de tous, devait-il encore souligner. A ce titre, l’URSS est engagée

dans une recherche qui concerne le reste du monde.

André Gratchov s’est, pour sa part, attaché à montrer combien la perestroïka était liée à l’état de crise de la société soviétique où le modèle

socialiste d’une société étatisée avec fait faillite. «Il n’est plus admissible aujourd’hui qu’une poignée de technocrates décident du bien pour une

société», a-t-il déclaré. Le Comité central du parti communiste d’URSS

s’efforce donc de démocratiser la société sans que cette évolution représente un danger pour les citoyens. «C’est un long apprentissage qui vise à

rendre une place à l’esprit de tolérance et de dialogue et qui fait apparaître chaque jour des problèmes nouveaux qui nécessitent les efforts de

tous pour être surmontés», a souligné A. Gratchov.

La perestroïka est un processus irréversible. La société soviétique qui

vient de connaître des élections libres, qui ont recréé un pouvoir populaire, qui progresse au milieu des difficultés quotidiennes dans la transparence (glasnost), ne sera plus jamais ce qu’elle a été. André Gratchov a

conlu son intervention en déclarant : «Nous sommes entrés dans une société

ouverte sur le monde extérieur, désireuse de jeter les bases d’un monde

nouveau que chacun puisse revendiquer comme un patrimoine commun».

Boris Rauschenbach a montré la pertinence de cette pensée nouvelle en

matière militaire et principalement dans le processus de démilitarisation

et de désarmement dans lequel s’est engagé l’URSS. «Si nous voulons

construire un monde ouvert dans lequel les frontières soient aisées à traverser, il importe de l’édifier dans la paix, c’est-à-dire dans un monde

sans arme nucléaire où l’armement classique sera réduit au maximum. A cet

égard, il est absolument capital que le cosmos demeure un espace sans arme.

L’introduction d’armes dans les cosmos qui ne pourraient être gérées que

par ordinateurs sans âme ni morale serait une catastrophe mondiale», a-t-il

affirmé.

Le professeur Rauschenbach a encore souligné combien le souci des droits

de l’homme est important et légitime à condition cependant qu’il ne serve

pas un égoïsme exacerbé. «Nous sommes tous ensemble le peuple de la terre,

a-t-il rappelé. Le service du prochain qui appartient en propre au christianisme est au moins aussi important que les droits de l’homme, et

l’Eglise est engagée à ce titre dans ce processus de la perestroïka».

Guennadi Lisitchkin a ensuite présenté la perestroïka comme «un nouvel

humanisme économique d’abord préoccupé du bien-être des individus». La perestroïka sur le plan économique n’est pas le résultat d’une diminution des

ressources du pays, a-t-il ajouté. C’est l’écroulement de l’ancien système

fondé sur un prix du travail volontairement sous-évalué. «Ce système conduit directement à Tchernobyl; il est dangereux pour le monde entier. La

perestroïka s’efforce aujourd’hui de sortir de cette autarcie où se trouvait plongée l’économie soviétique», a déclaré Guennadi Lisitchkin avant de

comparer ce processus à la marche de Moïse consuisant un peuple d’esclaves

dans le désert pendant 40 ans pour permettre à un peuple d’hommes libres

d’entrer dans la terre promise.

Les Eglises et les ONG dans un processus d’inspection écologique ?

Serguéi Zalygin a témoigné pour sa part du souci écologique qui l’anime,

lui et l’association «Ecologie et paix» qu’il préside. Assujetir la nature

comme on a cru pouvoir le réaliser est une aberration, a-t-il déclaré. La

nature et ses lois ont assuré, jusqu’à présent contre l’intervention humaine, la survie de l’humanité et de l’environnement. «Aujourd’hui la création

est menacée par l’esprit de système servi par une administration qui prétend détenir la solution de tous les problèmes. Notre association composée

aussi de savants et d’hommes de communication s’est opposée avec succès à

la réalisation de projets catastrophiques sur le plan écologique comme par

exemple celui du détournement des fleuves vers l’Asie centrale», a souligné

le romancier.

En butte aux accusations d’incompétence de la part des technocrates, le

mouvement écologique recherche de nouveaux alliés en direction de l’Eglise

des organisations non gouvernementales (ONG). L’Eglise et les ONG pourraient faire partie d’une mission internationale d’inspection écologique

dont le but pourrait être de veiller à la bonne gestion mondiale des ressources naturelles en mettant en lumière la responsabilité de chacun vis-àvis du monde et de son environnement.

Le renouveau de l’Eglise

L’archevêque Cyrille a enfin souligné combien l’Eglise se trouve aujourd’hui engagée sur de multiples fronts. «Aujourd’hui de nouvelles églises s’ouvrent, les monastères reprennent leur enseignement, de nouvelles

possibilités diaconales se font jour. Le croyant peut revendiquer sa foi

sans risque de perdre son travail», a rappelé l’archevêque de Smolensk.

«La perestroïka est un processus interne qui touche les principes essentiels de la vie sociale de notre société, a-t-il poursuivi. Cette «nouvelle

mentalité» peut devenir un cliché. Elle évitera ce risque si elle s’attache

à donner priorité aux valeurs humaines par rapport aux valeurs de classe».

Il est important que ce processus de démocratisation d’abord lancé sur le

plan de la politique étrangère puisse trouver maintenant une application

dans la politique intérieure faute de quoi le peuple serait privé du dialogue qui est la base même de ce changement, a continué l’archevêque de

Smolensk.

Dans ce processus, l’Eglise sort de son coin sombre pour prendre place

sur le plateau éclairé de l’activité sociale. En devenant partenaire social

à part entière, elle est interpellée sur tous les plans aussi bien politique qu’économique, social, sanitaire, diaconal, etc.. et n’est pas toujours

prête à faire face à ces multiples demandes qui lui sont adressées. A ce

titre, l’Eglise comme la société a besoin de la perestroïka, de placer

l’homme au centre de sa réflexion téhique, a déclaré l’archevêque Cyrille.

Il a conclut son intervention en relevant que depuis plusieurs décennies, l’Eglise, par ses contacts et sa participation au mouvement oecuménique, est entrée dans les débats qui sont aujourd’hui à l’ordre du jour de

la société soviétique. De la sorte le dialogue oecuménique qui nous rassemble nous rend présents dans ce débat et la communauté chrétienne participe

ainsi à l’édification du monde du XXIe siècle. (apic/spi/bd)

21 juillet 1989 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 5  min.
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