Apic Reportage

Relations Patriarcat de Moscou et Vatican: pour une «dépolonisation» de l’Eglise catholique

«Les murs de la séparation n’iront pas jusqu’au ciel».

Jean-Claude Noyé, correspondant de l’Agence Apic

Kiev, 29 juillet 2003 (Apic) Dire que les relations sont tendues entre le Vatican et le patriarcat de Moscou relève de l’euphémisme. Mais que dire aussi de la situation ecclésiale des plus complexes en Ukraine, avec l’existence de trois juridictions orthodoxes concurrentes et de deux juridictions catholiques.

La création de l’exarchat archiépiscopal d’Odessa- Crimée, en Ukraine, annoncée lundi par le Vatican pourrait ajouter aux critiques. D’un côté comme de l’autre, commente-t-on de Moscou à Kiev, les maladresses se multiplient. Et les rancunes aussi. Au point d’entendre qu’il faudra un jour passer par une «dépolonisation» de l’Eglise catholique russe. Il n’en demeure pas moins que «les murs de la séparation n’iront pas jusqu’au ciel», fait-on remarquer. Reportage à Moscou et en Ukraine.

Une délégation de journalistes de la Fédération Française de la Presse Catholique (FFPC), parmi lesquels le correspondant parisien de l’Apic, s’est récemment rendue à Kiev (Ukraine) et à Moscou (Fédération de Russie), à la rencontre d’une situation ecclésiale complexe. A commencer par l’existence en Ukraine de trois juridictions orthodoxes concurrentes – Eglise orthodoxe autonome d’Ukraine (patriarcat de Moscou), Eglise orthodoxe du patriarcat de Kiev, Eglise orthodoxe autocéphale d’Ukraine – et de deux juridictions catholiques: l’Eglise latine et l’Eglise gréco- catholique ukrainienne.

Le réveil dynamique de cette dernière vient aggraver les relations entre le Vatican et le patriarcat de Moscou, profondément agacé par la création de quatre diocèses catholiques sur son territoire canonique. L’illustration même, selon de nombreux observateurs, des maladresses de Rome. Autre erreur: la mise en place d’un clergé très majoritairement polonais, lequel, contrecoup de 120 ans de domination russe sur la Pologne, noue des relations crispées avec l’orthodoxie russe. Sur le terrain pourtant, des acteurs, tant catholiques qu’orthodoxes, travaillent à revivifier les relations solidaires qui, pendant l’époque soviétique, étaient davantage de mise entre les fidèles de ces deux Eglises soeurs.

Mal parti

«C’est hélas mal parti et pour un bon moment», regrette le Père Le Léannec, recteur de l’église Saint-Louis des Français à Moscou. «Nos deux Eglises sont responsables et pèchent par manque de compréhension et d’amour», estime de son côté le Père Georgi Tchistiakov, de la paroisse moscovite Come et Damien, où exerça le Père Alexandre Men, haute figure de prêtre et intellectuel assassiné par le pouvoir soviétique. Jamais, donc, la situation entre catholiques et orthodoxes n’a été aussi critique. Responsabilités partagées?

Certes, comme toujours. Au fil des rencontres, pourtant, une évidence s’impose: les maladresses accumulées par l’Eglise catholique. Erreur majeure, impardonnable au yeux de la hiérarchie orthodoxe: la création de quatre diocèses catholiques sur le territoire du patriarcat de Moscou. «Une décision prise sans que nous en soyons préalablement avertis, contrairement aux accords signés par nos deux Eglises à Balamand, et qui, à nos yeux, fait de l’Eglise catholique une Eglise concurrente, encline à percevoir la Russie comme un territoire missionnaire à part entière. Nos relations se sont considérablement dégradées, nous sommes en opposition permanente sur tout le territoire et je ne vois pas d’issue», déplore amèrement le Père Ioanne Lapidous, en charge, au patriarcat de Moscou, des relations avec le Vatican. Et de s’offusquer du «prosélytisme» de l’Eglise catholique que celle-ci justifie au nom «du refus du concept de territoire canonique». «De fait, observe le Père Hervé Legrand, op., guide de la délégation de la FFPC à Kiev et à Moscou en sa qualité d’ex-directeur de l’Institut supérieur d’études oecuméniques à l’Institut catholique de Paris, le discours de Rome est passé du langage ecclésiologique, privilégiant la notion d’Eglises soeurs et le refus de toute expansion au détriment de l’Eglise orthodoxe sur son propre territoire, au langage juridique qui met l’accent sur la liberté de conscience et de religion».

Décision lourde de conséquences

Autre décision lourde de conséquences: celle de transférer le siège de l’Eglise gréco-catholique ukrainienne de Lviv (Ukraine orientale où les gréco-catholiques sont les plus nombreux) à Kiev et d’y construire une cathédrale. Un camouflet pour les Russes orthodoxes sachant que la capitale de l’Ukraine est le berceau de leur Eglise et, partant, le berceau de leur pays. Et que le réveil dynamique des gréco-catholiques ukrainiens (voir encadré) leur reste en travers de la gorge. «Nous voulons être des sujets à part entière de l’Ukraine. Or, avoir notre siège dans la capitale, c’est être présent au coeur des décisions et retrouver notre centre historique. Si Moscou n’est pas d’accord, c’est son problème», proteste le Père Dymyd, historien greco-catholique.

A ces couacs diplomatiques majeurs s’ajoutent des gestes symboliques qu’un observateur catholique qualifie de «pure provocation». Comme la décision de l’archevêque de l’Eglise catholique latine de Moscou, Mgr Kondrusiewicz, de se faire appeler «métropolite» (ndlr: l’équivalent d’un évêque dans l’orthodoxie). Dans l’esprit des orthodoxes, le titre oriental de ce prélat polonais laisse accroire l’idée qu’il se perçoit, au fond, comme en terrain conquis. C’est pour eux d’autant plus insupportable que, selon plusieurs témoins, Mgr Kondrusiewicz aurait fait une publicité inutile sur les conversions de Russes au catholicisme – guère plus de deux à trois mille en dix ans selon les estimations.

«Sur les 250 prêtres catholiques qui exercent leur apostolat en Russie, 95% sont polonais. C’est regrettable car la domination russe que la Pologne a subie pendant 120 ans a marqué le clergé polonais d’un esprit de reconquête doublé d’un apriorité négatif envers l’orthodoxie. Il peine à croire que les Russes sont d’authentiques chrétiens et n’est guère sensible à leur grande tradition spirituelle», souligne un autre observateur catholique. Ce dernier estime qu’il faudrait «dépoloniser» l’Eglise catholique russe – l’affaire de dix à quinze ans – pour que celle-ci améliore substantiellement ses relations avec l’Eglise orthodoxe. Et de regretter que l’Eglise catholique pèche, une fois de plus, par orgueil et volonté de conquête, au lieu d’accepter sa situation ultra-minoritaire (voir encadré).

Manque de sagesse

Comment expliquer ce «manque de sagesse du Vatican» ? L’homme observe «qu’il n’y a pas une position de la curie romaine mais plusieurs, contradictoires. Celle de la secrétairerie d’Etat n’est pas celle du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens. Sans oublier l’impact d’un groupe de pression composé de quelques Polonais influents jusqu’au sommet.» Comment renouer les fils du dialogue ? «Beaucoup de patience, de modestie, il faut éduquer les catholiques à mieux connaître l’orthodoxie et à ne pas se sentir comme sur une île isolée», répond-il. Le successeur de l’actuel patriarche de Moscou, gravement malade, pourra-t-il décrisper la situation ? «Les candidats potentiels sont entrés dans des luttes de pouvoir qui favorisent plutôt la radicalisation de leur discours. De fait, la plupart des évêques orthodoxes sont très anti-oecuméniques. Sans compter que tel ou tel métropolite, davantage enclin à dialoguer avec Rome, est aussi capable de beaucoup de cynisme et de changer du tout au tout», note de son côté ce religieux catholique qui veut garder l’anonymat.

Pourquoi Moscou se polarise-t-il sur le prosélytisme de l’Eglise catholique alors que celui des nouvelles Eglises protestantes, des Evangéliques surtout, est autrement musclé, s’étonne-t-on? «Parce que l’Eglise catholique et l’Eglise orthodoxe sont très proches et ne peuvent exister dans la séparation, surtout dans le monde actuel, monde postchrétien. Nous sommes disposés à renforcer nos liens avec le Vatican pour peu qu’il fasse des gestes concrets et amicaux,» répond de son côté le Père Ioanne Lapidous. Et d’expliquer: «Nous attendons que l’Eglise catholique nous consulte avant tout changement de ses structures, qu’elle exerce un contrôle strict de ses ordres religieux missionnaires et qu’elle limite leurs moyens matériels. Nous demandons aussi une position claire du Vatican concernant la demande de l’Eglise gréco-catholique d’Ukraine d’être érigée en patriarcat et de transférer son siège à Kiev «.

Au-delà des rancunes

Si en haut lieu chacun se drape dans sa dignité blessée, il ne manque pas d’acteurs à la base pour continuer à tisser des liens vivants et solidaires comme il s’en nouait au temps de l’oppression soviétique. Côté orthodoxe, les enfants spirituels du père Alexandre Men continuent d’oeuvrer pour le rapprochement. Notamment dans la paroisse Saints-Côme-et-Damien, dans le centre de Moscou. Dans la petite église, les fidèles sont si nombreux à l’office du dimanche qu’il faut patienter un bon moment dehors avant de pouvoir assister à la liturgie, fort priante et quelque peu simplifiée. Le Père G.Tschistiakov anime ce lieu avec la conviction intime que si les orthodoxes veulent l’unité, ils doivent accepter de se renouveler au souffle de l’Esprit et s’orienter tant vers un ritualisme moins strict que vers une plus intense pratique du «sacrement du frère».

Il n’est pas dupe non plus de la volonté du pouvoir politique russe d’instrumentaliser l’Eglise orthodoxe. Ni de la propension des orthodoxes à faire du message chrétien une idéologie de substitution et, du même coup, à diaboliser l’Eglise catholique, perçue à travers des clichés grossiers. Cours de formation biblique, assistance aux malades, notamment des enfants cancéreux, soupe populaire pour les clochards: la paroisse montre l’exemple, développant en outre des liens avec la communauté du Chemin Neuf et s’associant volontiers aux rencontres européennes de Taizé.

Accueillir l’une de ces rencontres à Kiev: tel est le souhait intime de Constantin Sigov. Car, plus qu’aux rencontres au sommet, cet intellectuel ukrainien croit au changement des mentalités. Il y travaille à sa manière en traduisant et publiant des philosophes occidentaux – P. Ricoeur, H. Arendt, M. Foucault – ainsi que des hommes d’Eglise de diverses confessions, que ce soit le cardinal Walter Kasper ou les orthodoxes Mgr K. Ware et Mgr A. Bloom. Lui et d’autres sont convaincus que l’Eglise catholique doit se mettre davantage au service de l’Eglise orthodoxe. Et ils font leur cette parole que Constantin Sigov répète volontiers: «Les murs de la séparation n’iront pas jusqu’au ciel». APIC

Encadré

Catholiques minoritaires.

La Russie compte 268 prêtres et 600’000 catholiques répartis sur quatre diocèses, et 316 paroisses. Le diocèse catholique de la Mère-de-Dieu, à Moscou, ne regroupe près de 3’000 fidèles. Quant à l’Eglise catholique latine d’Ukraine, elle compte 500’000 fidèles, 887 paroisses et 431 prêtres dont 260 sont des étrangers. Pour sa part, l’Eglise gréco-catholique ukrainienne, dont le rattachement à Rome remonte à 1596, compte 6 millions de fidèles et 3’388 paroisses. Elle fait preuve d’un réel dynamisme. Les candidats au sacerdoce sont si nombreux qu’il a fallu instaurer un numerus clausus pour l’entrée au séminaire et on y compte plus d’ordination qu’en Pologne. Les églises s’y construisent par centaines. APIC

Encadré

Des dates qui jalonnent la dégradation des relations

Juin 93: Selon les accords de Balamand (Liban), signés par les deux parties, l’Eglise catholique renonce à l’uniatisme – c’est-à-dire au rattachement des Eglises orientales orthodoxes à Rome. Les deux Eglises s’engagent à se redécouvrir mutuellement comme Eglise soeurs.

Juin 2000: une note de la Congrégation pour la doctrine de la foi aux évêques revient a contrario sur cette notion d’Eglises soeurs en soulignant que l’Eglise catholique est la mère de toutes les Eglises particulières. Le document Dominus Iesus, publié en septembre 2000, vient confirmer publiquement ce virage qui met à mal l’apport du Concile Vatican II.

Juillet 2000: la réunion plénière de la Commission internationale de dialogue entre les deux Eglises échoue à Baltimore (USA).

Février 2002: une province ecclésiastique composée de quatre diocèses catholiques est créée sur le territoire du patriarcat de Moscou.

Avril 2002: le gouvernement russe refuse le visa de Mgr Jerzy Mazur, évêque de nationalité polonaise d’Irkoutsk.

Septembre 2002 : expulsion de deux prêtres catholiques de nationalité polonaise. (apic/jcn/pr)

29 juillet 2003 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 8  min.
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1893 – 1993: un siècle d’existence pour l’Institut catholique de Neuchâtel

APIC – REPORTAGE

Un enseignement dans l’esprit lasallien pour 12’000 jeunes en 100 ans

Pierre Rottet, Agence APIC

Neuchâtel, 29juillet(APIC) L’Institut catholique de Neuchâtel (INCA) des

Frères des Ecoles chrétiennes fête cette année son 100e anniversaire. Fondé en 1893, il a vu défiler en un siècle 12’000 jeunes gens, Suisses alémaniques dans l’ensemble, venus sur les bords du lac apprendre la langue de

Voltaire. L’Institut a certes connu des hauts et des bas, mais il n’en continue pas moins d’exister dans l’esprit de saint Jean-Baptise de la Salle,

le fondateur des Ecoles chrétiennes, écoles aujourd’hui implantées dans 79

pays des cinq continents, de la maternelle à l’université.

Avec un budget de plus de deux millions de francs et 22 employés, l’INCA

joue un rôle non négligeable dans l’enseignement en accueillant bon an mal

an, dans le cadre d’une dixième année scolaire quelque 95 jeunes âgés de 16

et 17 ans. En organisant en outre chaque été des cours de vacances de trois

semaines. Rôle éducatif, avec 33 heures de cours hebdomadaires, dont 15

consacrés au français. Avec aussi son école primaire et son jardin d’enfants, fréquentés par des gosses de Neuchâtel et des environs. Rôle économique non négligeable, également. L’enseignement est aujourd’hui dispensé

par six frères et 9 laïcs, dont 3 éducateurs.

L’histoire de l’unique établissement scolaire des Frères des Ecoles

chrétiennes en Suisse – la communauté, qui dépend actuellement du provincial de Paris, est présente dans le pays à Neuchâtel et à Zurich seulement,

avec deux Frères encore établis sur les bords de la Limmat – commence en

réalité en 1863, date à laquelle les premiers Frères arrivèrent à la demande du curé de la paroisse. La même année s’ouvrait une école primaire. Tout

s’enchaîne ensuite, avec l’ouverture 30 ans plus tard de l’Institut, avec

l’achat par la paroisse de l’Hôtel Fauche en 1889. Une vénérable bâtisse au

coeur de Neuchâtel qui vit séjourner Balzac et que la Congrégation rachètera en 1909. Puis, plus récemment, avec l’achat de l’abbaye de Fontaine-André, qui domine le lac, entre deux forêts et 20 hectares de terre.

Surtout pas à l’école catholique…

«Tout ne fut pas toujours facile», témoigne Frère Richard Böhi, enseignant à l’Institut et président depuis deux semaines de l’Association suisse des Frères des Ecoles chrétiennes. D’abord parce que l’établissement a

été sur le point de se fermer à plusieurs reprises, faute d’élèves, ensuite

parce qu’il faut admettre l’hostilité des milieux politiques et pédagogiques qui ne voyaient pas d’un bon oeil cette école catholique en plein bastion du protestantisme. «En 1960 encore, nos élèves se voyaient empêchés de

défiler avec les gosses des autres écoles de la ville lors des promotions

scolaires». Sans parler des méfiances suscitées à l’égard de l’enseignement: «Ne mettez surtout pas votre enfant à l’école catholique», disait-on

à l’époque, confie aujourd’hui Frère Böhi. Qui précise: «Tout a bien changé

depuis».

Tout a changé, même si les Neuchâtelois continuent d’appeler familièrement l’endroit «le p’tit Vatican». Avec l’Institut, le jardin d’enfants,

l’école primaire, l’église «rouge» ainsi nommée en raison de la couleur vive des pierres, la cure, l’Hôpital de la Providence des Soeurs, la résidence du vicaire général, le centre paroissial, le centre oecuménique de catéchèse, avec les bureaux de la JOC, de la Fédération catholique romaine neuchâteloise et de Caritas… Tout cela regroupé dans un périmètre relativement restreint, entre la gare et le lac.

Un charisme simple: l’éducation humaine et chrétienne des jeunes

Les jeunes fréquentent l’Institut pour y apprendre le français. Pas

question de parler allemand entre eux dans des endroits précis de l’école

et à des heures fixées. La punition tombe: sortie du samedi soir écourtée

ou travail écrit. Pour y apprendre le français, donc, mais aussi pour y recevoir une éducation empreinte du charisme de la Congrégation: «L’éducation

humaine et chrétienne des jeunes», même si un élève sur cinq est

aujourd’hui de confession protestante. «Ils rentrent une fois tous les

quinze jours chez eux. Ce qui veut dire qu’ils étudient, vivent, mangent et

dorment à l’Institut», explique Frère Richard. Au bout d’un an, munis du

diplôme de la maison, de la Fédération des Ecoles privées de Suisse ou de

l’Alliance française – qui délègue de Paris des experts pour les examens -,

les pensionnaires quittent Neuchâtel. Commencent alors pour eux des apprentissages dans le secteur commercial avant tout, mais aussi dans les différentes branches manuelles. «Très peu poursuivent leurs études».

La plupart des pensionnaires de l’Institut arrivent de la Suisse centrale, du canton de Lucerne, majoritairement. Issus de familles aisées, de

commerçants, d’artisans ou autres industriels: le prix annuel de la pension

suffit du reste à s’en persuader: entre 15’150 francs et 18’800 francs.

«C’est vrai, reconnaît Frère Richard, on pourrait voir là une contradiction

avec l’esprit qui nous anime: le service éducatif des pauvres. Le bénéfice

servait autrefois à soutenir la gratuité de l’école primaire. Nous sommes

aujourd’hui dans les chiffres rouges et le seul moyen d’en sortir est

l’aggrandissement de l’Institut pour un plus grand accueil. Un projet».

L’Institut ne reçoit aucune subvention. Seules les pensions payées alimentent les frais. Et le paiement des salaires des laïcs qui sont de plus en

plus nombreux à enseigner dans les établissements des Frères des Ecoles

chrétiennes. A Neuchâtel comme ailleurs. En raison du manque de vocations.

Le réveil des laïcs

Manque de vocations? Les chiffres parlent d’eux-mêmes: «Nous étions

16’000 il y a 30 ans. Notre Congrégation ne compte plus guère que 8’000

Frères, dont encore près de 1’300 en France et une vingtaine en Suisse.

D’où la nécessité d’ouvrir nos établissements à des enseignants laïcs. Avec

les problèmes de salaires que cela suppose», constate Frère Richard. Qui se

souvient: «Un responsable de nos écoles en France estimait un jour que 125

établissements sur sol français allaient devoir fermer leurs portes par

manque de Frères. Les laïcs se sont réveillés. Ils ont senti le besoin

d’une formation lassalienne afin de poursuivre l’oeuvre dans l’esprit et le

charisme de la Congrégation. C’est alors que nous avons décidé la création

de cours sur deux ans pour une formation dans ce sens».

Avec succès. Patrice Ettlin, 20e directeur de l’Institut catholique de

Neuchâtel, est passé par là. L’établissement est aujourd’hui reconnu pour

la grande valeur de son enseignement, qui répond à l’esprit du fondateur,

saint Jean-Baptiste de la Salle, en développant globalement la personnalité

des jeunes par la réflexion et l’action sociale directe. En misant aussi

sur l’esprit d’ouverture. Le sens des solidarités. (apic/pr)

ENCADRE

750 écoles dans 79 pays

Les chiffres suffisent à eux seuls pour démontrer l’importance de la

Congrégation des Frères des Ecoles chrétiennes dans le domaine de l’enseignement: 750 écoles, de la maternité à l’université, réparties dans 79

pays, 23 sur le continent américain, 17 en Europe, 20 en Afrique, 4 au Proche-Orient, 3 en Orient, 8 en Asie et 4 en Océanie. Les statistiques 1989

faisaient état de 8’262 Frères, de 36’921 professeurs civils pour un total

de 685’533 élèves. Sans compter les quelque 121’634 gosses qui bénéficient,

dans la rue ou ailleurs, d’un soutien éducatif, sans parler non plus des

744 autres oeuvres diverses auxquelles participe la Congrégation. (apic/pr)

ENCADRE

Université de Bethléem: coexistence entre musulmans et chrétiens

Sans doute la plus connue des Ecoles tenues par la Congrégation, l’Université de Bethléem, fondée par le pape Paul VI en 1967 pour que les chrétiens restent sur place, accueille actuellement 1’800 étudiants, dont 56%

de femmes, mais surtout 65% de musulmans contre 35% de chrétiens. L’Université, dont le budget annuel se monte à 3 millions de dollars, reçoit des

dons d’un peu partout, et notamment des diocèses de Cologne et de New York,

particulièrement généreux. Elle est en outre en partie financée par des

pays arabes. Son importance n’est plus à démontrer. Peu après les récentes

élections du Sénat des étudiants de l’Université palestinienne, Yasser Arafat en personne téléphonait au recteur Anton de Roeper, afin de le féliciter du bon travail accompli, confie Frère Richard Böhi, qui est également

secrétaire de l’Association suisse qui oeuvre en faveur de l’Université de

Bethléem. (apic/pr)

ENCADRE

Une vie consacrée à l’enseignement et à la spiritualité

En 1950, Pie XII proclama Jean-Baptiste de la Salle patron spécial des

éducateurs. Né à Reims en 1651, mort à Rouen en 1719, Jean-Baptiste se forme à la Sorbonne et au séminaire Saint-Sulpice à Paris. Ordonné prêtre en

1678, il retourne à Reims où on lui confie la fondation d’écoles paroissiales pour enfants pauvres. Très vite il s’aperçoit que ce qui manque le plus

aux écoles destinées à ces enfants sont des maîtres de valeurs. Il recrute

de jeunes maîtres auxquels il propose une forme de vie consacrée à Dieu qui

leur laisserait cependant leur caractère laïc. A leur intention, il rédige

une sorte de règle dans cet esprit. Ainsi se forme le noyau du futur Institut des Frères des Ecoles chrétiennes voué à l’instruction et à l’éducation

chrétienne des enfants des milieux populaires.

Jean-Baptise de la Salle se préoccupe alors de donner à ces frères une

formation à la fois spirituelle et pédagogique; il crée, toujours à Reims,

un séminaire qui constitue une véritable Ecole normale d’instituteurs, innovation qui n’a alors pas d’équivalent, en-dehors de la formation assurée

à leurs religieux par les jésuites pour l’enseignement des milieux plus aisés. En 1688, Jean-Baptiste étend son activité à Paris, où il vient s’installer. En 1694, il est élu supérieur de la nouvelle Congrégation et la dote d’une règle plus élaborée; il poursuit son oeuvre pédagogique et spirituelle, rédigeant notamment un ensemble d’ouvrages à l’intention des maîtres. Après sa mort, son Institut continuera à se développer rapidement en

France et dans le monde entier, servant volontiers de référence aux Congrégations enseignantes. (apic/to/pr)

30 juillet 1993 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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