Israël: La Cour suprême lève à l’unanimité l’interdiction sur le film «Jénine, Jénine»

Projeté au Festival de Films de Fribourg malgré les pressions

Tel Aviv, 12 novembre 2003 (Apic) La Cour suprême israélienne a levé à l’unanimité l’interdiction de diffuser le documentaire «Jénine, Jénine», du réalisateur arabe israélien Mohamed Bakri, rapporte mercredi la presse israélienne. Elle a accepté le recours de Bakri contre la décision du Bureau israélien du Film, chargé de la censure cinématographique. Le film controversé était accusé de présenter une vue «faussée» de l’incursion de l’armée israélienne dans le camp de réfugiés de Jénine lors de l’opération «Bouclier défensif».

La Commission de censure, présidée par Nissim Abuloff, membre du parti Likoud au pouvoir, estimait que le documentaire de Bakri, d’une durée de 50 minutes, était un «film de propagande» pouvant induire le public «à penser faussement que des soldats israéliens commettent systématiquement et intentionnellement des crimes de guerre.»

Accuser le film de contenir des mensonges n’est pas suffisant pour le faire interdire, a constaté la juge Dalia Dorner. Les trois juges ont relevé qu’il n’est pas du pouvoir du Bureau du Film de décider ce qui est ou n’est pas la vérité, et de décréter la vérité sur des bases idéologiques. Mohammed Bakri, acteur de théâtre très connu et une star du cinéma israélien et palestinien, a été victime, lui est sa famille, d’une campagne de haine menée par des milieux israéliens de droite.

En mars dernier, la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI) avait exercé une forte pression sur le Festival International de Films de Fribourg (FIFF). Elle voulait empêcher la projection de ce film exprimant les souffrances des survivants du siège, par l’armée israélienne, du camp de réfugiés palestiniens de Jénine, en avril 2002.

Allégations d’antisémitisme réfutées

La FSCI avait qualifié «Jénine, Jénine» de film de propagande incitant à la haine raciale et à l’antisémitisme. Le jury du FIFF s’était distancié de cette appréciation, se déclarant au contraire «touché par le cri de souffrance de ’Jénine, Jénine’». Le professeur Alfred Donath, président de la FSCI, avait reconnu dans une interview à l’Apic n’avoir pas personnellement vu le film décrié. Il avait pourtant signé le communiqué affirmant qu’»en patronnant le Festival, nos autorités engagent leur responsabilité et participent à l’installation d’un climat antisémite en Suisse».

En avril dernier, cédant à une campagne bien orchestrée, la chaîne culturelle franco-allemande ARTE avait déprogrammé le documentaire «Jénine, Jénine», auquel venait d’être décerné le Prix du meilleur film au Festival de Carthage. Il pouvait pourtant être vu en Israël dans les cinémathèques et les universités. Justifiant la distribution en Israël de ce film qui montre le point de vue palestinien, Niv Adi, distributeur israélien de «Jénine, Jénine», relevait qu’en Israël, «on ne voit pas du tout ce qui se passe à quelques kilomètres de chez soi, c’est proprement incroyable; nous nous sommes habitués à ne rien voir du tout, parfois sans faire exprès, parfois par un réflexe de défense.»

Et le jeune producteur israélien de souligner que le camp de réfugiés de Jénine et sa dévastation, «c’est tout près de chez nous et cela fait peur!» Niv Adi, déplorant une campagne orchestrée, avait déclaré à l’APIC qu’il n’était pas bien difficile pour une organisation d’inonder de 500 fax et de 500 e-mail la chaîne ARTE, le cabinet du Premier ministre et la présidence française! Le responsable de l’agence FPAD à Tel Aviv déplorait alors que les responsables communautaires à l’étranger «affirment parler en notre nom, mais ils ne connaissent pas notre réalité, ils font beaucoup de dégâts».

La Cinémathèque de Tel Aviv va projeter le film controversé le 8 décembre prochain, mais des familles de soldats morts à Jénine ont déclaré vouloir faire appel de ce jugement. (apic/haar/bbc/be)

12 novembre 2003 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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