Quand les messages sur l’abstinence et la fidélité ne suffisent pas

Genève: La position du cardinal Danneels sur le préservatif saluée par ONUSIDA

Genève/Bruxelles, 14 janvier 2004 (Apic) La position du cardinal Godfried Danneels, archevêque de Malines-Bruxelles, sur l’utilisation du préservatif par une personne séropositive, a été saluée mercredi par ONUSIDA, le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida, basé à Genève.

Interrogée par l’Apic le 14 janvier, l’attachée de presse d’ ONUSIDA Dominique de Santis, y voit une «ouverture» de l’Eglise, qui va dans le sens de la politique de son organisation. Baptisée en anglais ABC, cette approche a pour nom: abstinence, fidélité, condom. Fin janvier, le directeur exécutif d’ONUSIDA, le Belge Peter Piot, se rendra au Vatican, a confié mercredi à l’Apic D. de Santis.

Le Programme de lutte contre le VIH/sida de l’ONU considère que les déclarations du cardinal Danneels, dimanche, sur une chaîne de tv hollandaise, est «très positive dans la lutte contre le sida». Le président de la Conférence épiscopale belge, tout en préconisant la fidélité dans le mariage ou l’abstinence, admet comme un «moindre mal» l’usage du préservatif par les personnes séropositives. Sur le terrain, en Afrique ou dans d’autres régions du monde, les programmes onusiens de lutte contre la pandémie qui préconisent l’utilisation du préservatif n’ont pas toujours reçu bon accueil de la part de la hiérarchie catholique.

La réalité du terrain

«Notre approche propose l’abstinence et la fidélité, mais aussi l’utilisation des préservatifs, car c’est à l’individu de décider quelle méthode il va choisir pour ne pas s’infecter et infecter les autres», note Dominique de Santis. L’attachée de presse relève que sur le terrain, de nombreux jeunes et adolescents sont sexuellement actifs et ne sont pas atteints par les messages d’abstinence. Pour ce type de public, qui a de nombreuses relations sexuelles, il faut bien faire quelque chose, et le préservatif est une solution. Cependant, reconnaît D. de Santis, «nous avons eu jusqu’à présent de bonnes relations avec l’Eglise catholique et nous ne sommes pas en conflit, bien que nous ayons une approche différenciée». Les militants contre le sida ont eux aussi estimé que la position du cardinal Danneels est une avancée dans le domaine de la lutte contre la pandémie.

La solution de l’Eglise reste la fidélité dans le mariage et l’abstinence en dehors

Lors d’une interview diffusée sur une chaîne hollandaise NOS, à l’occasion de l’émission

«Kruispunt», le cardinal Danneels a répété un point de vue qu’il a déjà défendu à plusieurs reprises dans le passé: à propos du sida, la «solution» de l’Eglise reste la fidélité dans le mariage et l’abstinence en dehors. Cependant, lorsque ce mode de vie n’est pas possible ou pas souhaité, il est impératif de protéger l’autre contre une éventuelle contamination. Ainsi, en cas de relations sexuelles, il vaut mieux utiliser le préservatif que de mettre en danger la vie des partenaires. Il s’agit là de la loi du «moindre mal». Le cardinal belge avait déjà argumenté dans le même sens à l’occasion du jubilé du pape Jean Paul II.

«Lorsqu’une personne séropositive dit à son partenaire ’Je veux avoir des relations sexuelles’, elle doit utiliser le préservatif», a déclaré l’archevêque de Malines-Bruxelles lors d’une émission religieuse sur la télévision publique néerlandaise. Certes, cette relation sexuelle devrait être évitée, «mais si elle a lieu, la personne doit utiliser un préservatif pour ne pas enfreindre le commandement qui condamne le meurtre en plus d’enfreindre celui qui interdit l’adultère».

Selon le porte-parole du cardinal, Toon Osaer, cité par l’agence de presse catholique belge CathoBel, il n’y a rien de neuf et l’interview diffusée par NOS n’est pas d’une «actualité brûlante». Les propos tenus par l’archevêque de Malines-Bruxelles reflètent parfaitement le point de vue qu’il a déjà défendu auparavant. «Cette prise de position n’est pas neuve», explique T. Osaer, le cardinal l’avait notamment exprimée lors de la conférence de presse donnée le 15 octobre dernier, pour le jubilé d’argent du pape».

Tout en rappelant que les relations sexuelles devraient être intégrée dans une relation stable, monogame, intégrée dans le sacrement du mariage, le cardinal Danneels ajoute qu’en dehors de ce lien, l’unique protection contre le virus du sida reste l’abstinence. «Si ce n’est pas le cas, parce que l’on ne peut pas ou que l’on ne veut pas, alors, il faut absolument protéger l’autre». Et le préservatif reste alors le meilleur moyen. Godfried Danneels a estimé que «c’est de la prévention que de se protéger contre la maladie ou la mort. Moralement, cela ne se juge pas au même niveau que lorsque le préservatif est utilisé pour réduire le nombre des naissances».

La position officielle vaticane est plus rigide

Les observateurs rappellent que la position officielle du Vatican sur le préservatif est plus rigide. L’an dernier, le cardinal Alfonso Lopez Trujillo, président du Conseil pontifical pour la famille, à Rome, s’en était pris au préservatif, qui ne protègent pas suffisamment du sida et laissent passer le VIH, une prise de position pour laquelle le Vatican avait été vivement critiqué.

Concernant le «Safe Sex», avait-il déclaré dans une interview à l’Apic, «des spécialistes affirment depuis longtemps que le préservatif est un moyen ’sûr’ pour se protéger de la transmission du sida, notamment. Or le Père Jacques Suaudeau, médecin, (.) insiste, chiffres à l’appui, sur le fait que le préservatif, plutôt que d’avoir freiné le virus du sida, a au contraire favorisé sa diffusion. (.) Plus d’un préservatif sur dix n’est pas fiable. Que ferait un parachutiste à qui on dirait que son parachute à seulement 90% de chances de s’ouvrir ? Comme on a obligé les producteurs de cigarettes à préciser sur les paquets que ’fumer est mauvais pour la santé’, on devrait exiger la même chose pour les préservatifs!»

Débat en cours au sommet de l’Eglise

Le cardinal Danneels avait émis des critiques à propos de la position du cardinal Trujillo, qui avait répété son opposition à toute utilisation du préservatif l’automne dernier. Il avait également suscité des réactions négatives de la part des personnes engagées dans la lutte contre le sida ainsi que de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Etant donné l’écho qu’ont eu un peu partout dans le monde les déclarations du cardinal Danneels, des observateurs et théologiens estiment qu’un débat est visiblement en cours au sommet de l’Eglise en matière de morale sexuelle. (apic/cathobel/bbc/kna/imedia/be)

14 janvier 2004 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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