Inde: Plus de 200 chrétiens indiens «purifiés» et «reconvertis» à l’hindouisme
Dans le collimateur du VHP: 400’000 chrétiens des groupes tribaux
Jharsuguda/Orissa, 7 mars 2004 (Apic) Plus de 200 chrétiens indiens ont été «purifiés» avant d’être «reconvertis» à l’hindouisme au cours d’une cérémonie publique la semaine dernière dans l’Etat indien d’Orissa, annonce la presse indienne. La manifestation a eu lieu en présence des leaders du parti au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BJP), dans un temple hindou de Jharsuguda.
Les chrétiens, des hors castes originaires des tribus aborigènes de cette région, ont été d’abord purifiés au cours de cérémonies rituelles (appelées «shuddhikaran») organisées par le mouvement fondamentaliste hindou «Vishwa Hindu Parishad» (VHP) et ensuite réadmis au sein de l’hindouisme.
La cérémonie de Jharsuguda, une localité située à environ 375 kilomètres à l’ouest de Bhubaneshwar, capitale de l’Orissa, fait partie du programme du VHP de «reconvertir» 400’000 chrétiens appartenant aux groupes tribaux. Les extrémistes hindous affirment que des milliers d’hindous ont été trompés pour devenir chrétiens, car ils ont été attirés par des incitations financières. Ils accusent les missionnaires chrétiens de profiter de l’ignorance de ces populations, très souvent analphabètes et très pauvres. Les Eglises chrétiennes établies rejettent les accusations des mouvements nationalistes indiens. Le problème existe cependant du côté de certains groupes religieux protestants et évangéliques qui mènent des activités agressives et peu respectueuses des cultures locales.
Des sectes, comme les Témoins de Jéhovah ou «New Life», ont souvent des comportements provocateurs en faisant du porte à porte Bible en mains et en parlant mal de la religion hindoue. Ces attitudes peu respectueuses alimentent le ressentiment des extrémistes. L’Eglise catholique porte une attention particulière aux membres des tribus, une minorité qui représente entre 10 et 15% de la population indienne. Ils font partie des groupes les plus marginalisés et mis de côté par les politiques sociales du gouvernement.
Pour les tenants de l’»hindutva», être indien signifie être hindou
En réalité les membres de tribus ne sont pas hindous, mais ont leurs propres croyances et cultures. Les extrémistes du VHP et d’autres groupes liés au mouvement nationaliste hindou identifient cependant le fait «d’être indien» avec «être hindou».
Dans sa lutte contre la présence chrétienne sous la bannière d’un mythique retour à l’hindouité (hindutva), le VHP peut compter sur l’appui d’autres groupes comme le «Banabasi Kalyan Ashram» et le «Bajarang Dal».
Selon la BCC, le chef du BJP Dilip Singh Judeo, ancien ministre de l’environnement du gouvernement nationaliste du Premier ministre Atal Behari Vajpayee – démissionné suite à un scandale de corruption -, a déclaré lors de la manifestation que les missionnaires chrétiens venus en Inde pour convertir les hindous sous le prétexte de servir la communauté ne seraient pas tolérés.
La question des conversions exploitée politiquement par les fondamentalistes
La question des conversions est exploitée politiquement par les groupes fondamentalistes hindous, qui n’hésitent pas à agresser les chrétiens. Le mois dernier, des militants hindous ont attaqué sept familles chrétiennes du village de Kilipala, dans le district de Jagatsinghpur, dans l’Etat d’Orissa. D’après l’agence d’information missionnaire MISNA, 35 membres du mouvement fondamentaliste «Sangh Parivar» ont occupé leur maison pendant quatre jours, rasant la tête des femmes qui s’étaient converties au christianisme il y a sept ans et qui refusaient de retourner à l’hindouisme.
Les initiatives de «reconversion» du VHP ne sont pas une nouveauté, a précisé à MISNA le Père Antonio Grugni, missionnaire de l’Institut pontifical des Missions étrangères (PIME). Médecin dans une léproserie de Bombay, le religieux travaille en Inde depuis 27 ans. «De temps en temps, les extrémistes hindous organisent ces cérémonies religieuses avec la plus grande visibilité possible, pour faire voir qu’ils ne dorment pas et surveillent les missionnaires», constate-t-il.
A plusieurs reprises, la Conférence des évêques catholiques de l’Inde a dénoncé les visées du VHP (Conseil mondial hindou), qui prétend, selon un de ses dirigeants, faire en sorte que l’Inde soit totalement hindoue en 2005. Pour atteindre cet objectif, l’extrême droite hindoue s’oppose au travail éducatif et social des chrétiens, considéré par elle comme un simple prétexte pour convertir la population et l’arracher à ses divers milieux sociaux. (apic/misna/bbc/be)