Modèle pour le rapprochement entre l’Eglise, l’Occident et la Chine

Rome: Présentation d’un projet de film sur l’aventure du jésuite Matteo Ricci

Rome, 9 mars 2004 (Apic) Le Père Matteo Ricci, qui oeuvra à la cour de l’empereur chinois à Pékin au XVIe siècle, est «un modèle pour le rapprochement entre l’Eglise, l’Occident et la Chine», estime le cardinal Paul Poupard, président du Conseil pontifical pour la culture. Un film de fiction sur le célèbre jésuite italien qui voulait «inculturer» le christianisme en Chine est en préparation. Son coût: dans les 5 millions d’euros.

«A quatre cent cinquante ans de nous, Matteo Ricci (1552-1610) est d’une grande actualité, car il est le symbole d’une amitié plus grande que jamais entre la Chine, l’Eglise et l’Occident», a déclaré le cardinal Poupard lors de la présentation à la presse, le 9 mars 2004 à Rome, d’un projet de film sur le parcours en Chine du jésuite Matteo Ricci au XVIe siècle.

Produit par la fondation cinématographique «Mario Cecchi Gori», ce long- métrage télévisuel devrait être terminé dans moins d’un an. Il a pour but de mieux faire connaître au public occidental la figure de Matteo Ricci, extrêmement populaire en Chine. Pour le sénateur italien Cecchi Gori, président de la fondation, «la forme de la foi de Ricci est un enseignement pour nous aujourd’hui. Ricci voulait unir, et aujourd’hui la communication et le cinéma rapprochent le monde et le rendent plus petit».

Dialoguer avec la Chine

Pour le cardinal Poupard qualifie le jésuite italien de «figure épique». «Dans notre monde global, la Chine tient un rôle fondamental. Les relations avec elle ne doivent pas être uniquement financières, mais doivent aussi être un dialogue culturel et donc religieux». Ces rapports positifs, a poursuivi le cardinal, doivent être la base commune d’une vision de l’homme et ouvrir la porte à un dialogue, pour construire ensemble et fusionner les énergies sans renier l’identité de chacun.

Le Père Giovanni Marchesi, de la revue jésuite «La Civiltà cattolica», a pour sa part souligné que cette grande oeuvre documentaire historique et culturelle avait le soutien et la collaboration de la Compagnie de Jésus, ce qui ne signifiait pas sa compromission. Le jésuite voit en Matteo Ricci «la première porte de connaissance sur la Chine. Il a fait deux chemins, celui de la culture chinoise vers l’Europe et celui de la culture européenne vers la Chine», a conclu le Père Marchesi.

Les vertus chrétiennes doivent s’exprimer à travers toutes les formes d’art

Pour les producteurs de cette fiction documentaire, dont le coût devrait approcher les 5 millions d’euros, «les vertus chrétiennes doivent s’exprimer à travers toutes les formes d’art et à travers des personnages charismatiques qui doivent les faire vivre et faire travailler l’imagination du commun des mortels.»

Le film dont Matteo Ricci sera le héros doit être réalisé sur les lieux même où il vécut et travailla en Chine. Le tournage du téléfilm – à la fois documentaire et fiction – se fait en accord total avec les autorités chinoises. Le scénario est rédigé à quatre mains sino-italiennes et une ligne commune d’écriture a été trouvée, malgré les difficultés face aux différences d’approche culturelle.

L’équipe – y compris le père Marchesi – s’apprête d’ailleurs à partir pour Pékin afin d’initier la collaboration avec les intellectuels chinois qui auront été désignés par le gouvernement.

Ce projet cinématographique s’inscrit dans un contexte souvent difficile pour l’Eglise catholique en Chine. Ainsi, le 9 mars 2004, jour de la présentation du projet à Rome, Mgr Wei Jingyi, évêque de Qiqihar (région du Heilongjiang), appartenant à l’Eglise clandestine, fidèle au pape et déjà condamné à quatre ans de travaux forcés, a été arrêté par les autorités chinoises.

La République populaire de Chine compte entre 12 et 15 millions de fidèles catholiques – bien qu’aucune statistique ne soit réellement fiable -, répartis entre une communauté «patriotique» ou officielle, et une communauté «souterraine» ou clandestine. Le Saint-Siège reconnaîtrait cependant discrètement les deux tiers des évêques de l’Eglise officiellement reconnue par le gouvernement chinois. JB

Encadré

Matteo Ricci, plus célèbre en Chine qu’en Europe

Bien plus célèbre en Chine qu’en Europe, le père Matteo Ricci, appelé Li Matou en Chine – le sage de l’Occident -, fut l’un des premiers missionnaires italiens à pénétrer dans l’empire du milieu en 1583, et le premier sinologue occidental. Très impressionné par la civilisation qu’il rencontra alors, il pratiqua une évangélisation progressive par une étude de la culture traditionnelle et l’assimilation des coutumes locales. Il jeta ainsi les bases de la mission catholique en Chine.

Li Matou gagna la confiance de l’empereur et pénétra dans la cité interdite à Pékin, où il fut d’ailleurs – en signe de grand honneur – enterré. Auteur d’ouvrages de théologie (Tianzhu shiyi, Véritable doctrine du maître autel), ou de philosophie (Jiaoyoulunn, De l’amitié), il introduisit en Chine des nouveautés scientifiques occidentales grâce aux traductions d’ouvrages européens, de cartes géographiques et de sphères célestes et terrestres, faites avec l’aide de lettrés chinois convertis. Son attitude conciliante à l’égard des honneurs rendus par les fidèles à Confucius et aux ancêtres fut, après sa mort, à l’origine de querelles autour «des rites chinois».

Celui que les Chinois connaissent bien mieux que Marco Polo, est parfois considéré comme «l’un des pères fondateurs de la Chine moderne». Pourtant, Matteo Ricci ne connaît pas encore l’honneur des autels. Son procès en béatification semble se heurter aux effets du temps, de la perte de la mémoire, et surtout des documents. Seul le pape pourrait relancer ce dossier. Jean-Paul II, lors d’un message aux participants au colloque organisé le 24 et 25 octobre 2001 autour de la figure du jésuite, avait déclaré «qu’il était le pionnier et précieux lien entre cultures occidentale et chinoise». (apic/imedia/be)

9 mars 2004 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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