Elle manifeste le rapport entre l’humain et le divin de la liturgie
Rome: La liturgie n’est pas un bien de consommation, rappelle Mgr Piero Marini
Rome, 2 avril 2004 (Apic) La liturgie pontificale n’est pas un bien de consommation, a déclaré Mgr Piero Marini, dans un large commentaire devant des étudiants en théologie.
La liturgie n’est pas un bien de consommation, elle n’est pas «la somme des émotions d’un groupe, ni encore moins le réceptacle de sentiments personnels». Par sa «noble simplicité», elle doit «manifester le rapport entre l’humain et le divin de la liturgie», a dit Mgr Piero Marini, maître des cérémonies pontificales, en commentant l’évolution de la liturgie depuis le Concile Vatican II
Dans une conférence prononcée devant les étudiants de la faculté de théologie de Naples, Mgr Marini est en outre revenu sur le travail des liturgistes pontificaux qui ont souhaité faire en sorte que «le pape apparaisse à tous comme le successeur de Pierre, le servant des servants de Dieu et non comme un prince du Moyen-âge».
Dans cette longue conférence – disponible sur le site Internet du Vatican – qui décrit l’évolution de la liturgie pontificale depuis les réformes liturgiques du concile Vatican II, Mgr Marini considère que «d’une liturgie romaine caractérisée par l’uniformité (unicité de la langue, fixité des rubriques), on est passé à une liturgie plus proche de la sensibilité de l’homme moderne, ouverte à l’adaptation et aux cultures. C’est l’expression d’une Eglise de la communion qui considère la diversité non pas comme un élément négatif en soi, mais comme un possible enrichissement de l’unité».
Evoquant les transformations de la liturgie pontificale voulues par Paul VI en février 1965, l’archevêque italien souligne que l’on a «fait appel à la psychologie de l’homme moderne qui ne conçoit plus un mélange entre l’étiquette courtisane et un rite religieux». Il ajoute que les liturgistes ont souhaité «abolir l’espèce de cour qui entourait le souverain pontife dans les célébrations liturgiques» et ont insisté sur une «simplicité pour les parements sacrés de manière à éviter que certains ecclésiastiques apparaissent comme des figurants de théâtre».
La communion d’unité
De plus, pour lui, le fait que Paul VI ait renoncé à la tiare pontificale pour adopter le même couvre-chef que les évêques a permis «de mieux exprimer la communion d’unité qui lie le successeur de Pierre avec le collège épiscopal». Il regrette par contre que la forme du pallium (l’écharpe de laine portée par le pape et les archevêques en signe d’unité, ndlr) n’ait pas été modifiée depuis le XVe siècle et signale que des études sont en cours afin de lui faire retrouver sa forme antique originelle. En aparté, dans l’entourage de Mgr Marini, on souligne que cette réforme symbolique n’aura sans doute pas lieu avant la fin de l’actuel pontificat. Il est donc à prévoir que, lors de la remise officielle du pallium au prochain pape, la forme de cette écharpe aura changé.
Concernant justement la figure du pape, Mgr Marini insiste sur l’importance, pour les fidèles, y compris pour ceux – croyants ou non, qui regardent les célébrations à la télévision -, «de reconnaître facilement sa fonction de pasteur de l’Eglise, de successeur de l’apôtre Pierre, de servant des servants de Dieu et aussi de pouvoir fixer l’attention sur d’autres signes importants de la célébration comme le Livre des Evangiles ou la Croix processionnelle».
Diverses tendances
Mgr Marini note, au fil de sa conférence, que l’on rencontre diverses tendances dans l’Eglise catholique «entre ceux qui veulent une liturgie plus horizontale, communautaire et participative et d’autres qui préfèrent une liturgie verticale et détachée. D’une part, il y a la liturgie paroissiale et, de l’autre, celle exprimée par certains mouvements, par ceux qui ont des affinités tridentines (avec la liturgie précédant le concile Vatican II et qui date du Concile de Trente, ndlr) qui regrettent le chant grégorien».
Sans commenter ces tendances, le maître des célébrations liturgiques pontificales tente cependant de trouver un juste milieu en soulignant que, contrairement à une mentalité actuelle de consommation et de réponse aux attentes des consommateurs, «la liturgie ne rentre pas dans le genre des biens de consommation, elle n’est pas un supermarché de l’Eglise !». «Elle est surtout l’oeuvre de Dieu, précise-t-il, adoration, accueil, gratuité». Pour lui, il s’agit de chercher «les critères fondamentaux de la beauté de la liturgie, au delà des goûts et des modes (.). Ce serait une grande erreur de vouloir appliquer simplement à la liturgie les goûts profanes du beau».
«Les gestes liturgiques, explique-t-il, ont une beauté et une esthétique en eux-mêmes, en tant que gestes du Christ, bien avant la beauté accessoire et secondaire que nous pouvons ajouter».
Geste d’amour
Résumant le sens de la beauté d’une célébration, il précise que cette dernière ne «dépend pas essentiellement de la beauté architectonique, des icônes, des décorations, des chants, des habits sacrés, des chorégraphies et des couleurs, mais en premier lieu de sa capacité à laisser transparaître le geste d’amour accompli par Jésus». Et Mgr Marini évoque alors ce principe essentiel pour lui, de la «noble simplicité», capable de manifester le rapport entre l’humain et le divin de la liturgie.
Pour lui, «la liturgie n’est pas la somme des émotions d’un groupe, ni encore moins le réceptacle de sentiments personnels. Elle est surtout un temps et un espace pour intérioriser des paroles qui s’écoutent, des sons qui s’élèvent, pour s’approprier des gestes qui s’accomplissent, pour assimiler des textes qui se récitent et se chantent, pour se laisser pénétrer par des images qui s’observent et par des parfums qui se sentent».
Répondant ensuite à des commentaires parfois critiques sur les liturgies pontificales, en particulier celles dans lesquelles des danses et des rites locaux rythment la célébration, Mgr Marini souligne l’importance d’enrichir les liturgies «avec des éléments propres aux peuples concernés». Il cite le pape lui-même qui avait demandé, pour le synode du continent africain, à ce que les célébrations marquant l’ouverture et la clôture du synode «soient marquées par un clair caractère africain». Jean Paul II avait alors été, dans son exhortation apostolique post-synodale, «chaudement reconnaissant» du travail accompli par le groupe de travail qui avait «aussi bien soigné les liturgies eucharistiques». (apic/imedia/pr)