Le cardinal Carlo Maria Martini rompt le silence pour le demander

Rome: Renforcement de la collégialité épiscopale dans le gouvernement de l’Eglise

Rome, 7 avril 2004 (Apic) Le cardinal Carlo Maria Martini, archevêque émérite de Milan, rompt son silence et appelle à un renforcement de la collégialité épiscopale dans le gouvernement de l’Eglise.

Le cardinal Martini se dit favorable pour convoquer de temps en temps des assemblées synodales véritablement représentatives de tout l’épiscopat et pourquoi pas universelles plus souvent. Les moyens de communication modernes devraient pouvoir permettre aux 4’500 évêques dans le monde de se concerter plus facilement, assure-t-il. Il réclame une meilleure représentation des conférences épiscopales au conclave. Quant au problème du diaconat féminin, le cardinal Martini estime «qu’il mérite une plus grande reconnaissance que ce qui est actuellement rendu possible par la législation canonique».

«Je n’ai jamais parlé de Vatican III, qui signifie remettre en question tous les problèmes comme l’a fait Vatican II. Ma proposition va dans une direction différente», déclare au quotidien italien «Il Tempo», le cardinal Carlo Maria Martini, archevêque émérite de Milan, Dans le long entretien accordé au journal italien le 7 avril, le cardinal, vivant une grande partie de son temps à Jérusalem, aborde plusieurs points sensibles du gouvernement de l’Eglise et plus particulièrement la question de la collégialité épiscopale et du centralisme romain.

Le synode est «une sorte de conseil permanent de régence de l’Eglise au côté du pape. (.) Mais il n’est pas devenu ce conseil permanent de l’Eglise qui a été proposé par le Concile», insiste le cardinal Martini, pour qui «la route est encore longue» pour développer cette institution afin qu’elle ne soit pas uniquement un lieu d’échanges et de rencontre pour les évêques.

Utiliser les moyens modernes de communications

«Convoquer de temps en temps des assemblées synodales véritablement représentatives de tout l’épiscopat et pourquoi pas universelles (synodes et conciles sont la même parole) pour affronter les questions pendantes dans l’Eglise» serait une solution nécessaire, selon le cardinal Martini. «Les synodes ont eu depuis le début des difficultés à fusionner les opinions de tous les évêques dans une capacité décisionnelle réelle», poursuit l’ancien archevêque de Milan, interrogé à Jérusalem.

Le prélat estime que «la dimension décisionnelle théorique n’est pas exercée» et que l’ensemble des évêques devrait être associé directement au processus de décision.

Pour le cardinal Martini, les moyens de communication modernes, permettant de réunir les hommes et leur pensée, pourraient permettre aux 4500 évêques de l’Eglise catholique de se concerter plus aisément. «Ce serait utile et pourrait éviter que les différentes cultures, dans lesquelles est immergée l’Eglise, n’aillent chacune dans leur propre direction».

Dans la perspective d’une plus grande participation des évêques au gouvernement central de l’Eglise, le cardinal estime «qu’il pourrait être raisonnable de mieux représenter les conférences épiscopales au conclave, avec la présence des présidents de celles-ci». «Je ne nie pas que le collège des cardinaux a déjà sa représentativité, mais un conclave élargi tiendrait mieux compte des articulations de l’Eglise qui regarde le pape comme le fondement de sa propre unité». Selon le jésuite, si les évêques doivent tenir une plus grande place dans le gouvernement de l’Eglise, leur nomination peut aussi être «perfectionné», en tenant compte d’avantage «de l’avis des gens afin d’acquérir un éventail d’opinions le plus large possible sur les candidats à l’épiscopat».

Emergence de nouveaux ministères

«Les difficultés nouvelles ne regardent pas tant la personne du pape, elles concernent le chemin de l’Eglise dans l’histoire. L’Eglise doit toujours affronter de nouvelles situations», a souligné le cardinal.

Ainsi, au sujet du diaconat féminin, le cardinal Martini considère «qu’il mérite une plus grande reconnaissance que ce qui est actuellement rendu possible par la législation canonique». «Je ne saurais donner une solution théorique. Assurément, nous assistons à l’émergence de nouveaux ministères», a poursuivi le cardinal, reconnaissant le grand rôle et la grande efficacité des ministères féminins dans l’Eglise.

Quant au conflit entre catholiques et orthodoxes, le cardinal Martini juge que chacune des deux parties «doit faire un pas vers l’évangile» et «renoncer aux privilèges». Enfin, autour du débat sur la constitution européenne, «s’il peut y avoir une référence explicite aux racines chrétiennes dans une forme convenant à tous, tant mieux. L’essentiel est pourtant que les valeurs chrétiennes soient dans les faits, pas simplement une étiquette», conclut le cardinal.

Des changements

Interrogé à plusieurs reprises au cours de l’entretien sur le bilan du pontificat de Jean Paul II, le cardinal Martini trouve que le point fondamental de celui-ci réside dans le principe de «la dignité de l’homme rédempteur du Christ». Le pape, dans sa demande réitérée de pardon pour les fautes de l’Eglise, a «bien interprété le moment ecclésial de grande sincérité, de confiance et d’honnêteté».«L’Eglise passe continuellement de périodes de progrès à d’autres de crises et de déclin», a déclaré le cardinal, mais «l’Eglise a le devoir de se référer continuellement à la parole de Dieu et à l’Evangile».

Vivant entre l’Italie et Jérusalem, selon son grand souhait de retourner à l’étude de la Bible, le cardinal Martini a longtemps été le favori des catholiques progressistes à la succession de Jean Paul II. Ceux- ci voient en lui un homme désireux d’opérer des changements sur les points les plus controversés de l’enseignement de l’Eglise, comme l’interdiction de la contraception et l’ordination des femmes. Certains modérés font toutefois remarquer que le cardinal n’est pas le personnage ultra-libéral que ses ennemis et ses partisans s’entendent à décrire. En tout cas, l’ancien archevêque de Milan aime parler de «développement» de la doctrine d’une manière qui suggère qu’il serait désireux d’y voir des changements.

Un point de référence

A l’automne 1999, au cours du synode pour l’Europe au Vatican, il avait affirmé qu’il était nécessaire de repenser la primauté du pape et avait aussi prôné un instrument qui permettrait aux évêques de résoudre ensemble les problèmes du jour. Ceci avait interprété comme l’appel à un concile Vatican III. Le cardinal Martini avait immédiatement rétorqué que ce n’était pas ce qu’il avait voulu dire.

Très écouté et très lu à travers sa quarantaine d’ouvrages, le cardinal demeure un point de référence dans l’Eglise, même si ses chances dans un futur conclave semblent désormais minces. Il le déclare lui-même à Il Tempo, «dans l’Eglise il y a des personnes sages qui peuvent faire entendre leur opinion au-delà d’un simple ballottage». (apic/imedia/pr)

7 avril 2004 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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