Le dialogue interreligieux fait partie de la mission de l’Eglise
Rome: Quarante ans du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux
Ariane Rollier, correspondante de l’Apic à Rome
Rome, 16 mai 2004 (Apic) L’assemblée plénière du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux a lieu au Vatican du 14 au 19 mai 2004, sur le thème «Comment le monde d’aujourd’hui conçoit et pratique-t-il le dialogue interreligieux ?»
L’Apic a rencontré son président, Mgr Michael Fitzgerald. Quarante ans après la création du dicastère, le prélat est revenu sur les objectifs originels de l’ancien ’Secrétariat pour les non-chrétiens’, en soulignant les défis contemporains du dialogue islamo-chrétien.
Apic: Quels étaient les objectifs de la création du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux ?
Mgr Michael Fitzgerald: Le premier but était de répandre dans l’Eglise catholique l’esprit de Vatican II. Il fallait montrer aux chrétiens ordinaires que cette nouvelle attitude vis-à-vis des personnes d’autres religions était conforme à la doctrine de l’Eglise depuis toujours. Les premières années ont donc été la période des fondements.
Les années 1973 à 1980 ont ensuite été une période de fermentation, et pas seulement du côté du Vatican. Le cardinal Pignedoli, président du Conseil d’alors, grand voyageur, a noué des contacts avec les responsables des différentes religions un peu partout dans le monde. Il est notamment allé en Arabie Saoudite et au Japon et a reçu plusieurs délégations bouddhistes.
De 1980 à 1984, Mgr Jadot, a souligné le rôle des Eglises locales dans le dialogue, le Secrétariat devant s’appuyer sur elles et les aider à se structurer à cette fin, au travers d’instituts et de commissions. Le premier document officiel du dicastère est alors paru, poussant les Eglises locales à poursuivre les quatre formes de dialogue avec les croyants des autres religions.
Apic: Et quelles sont ces quatre formes de dialogue ?
M.F: Le document essayait de situer le dialogue interreligieux à l’intérieur de la mission de l’Eglise. Il séparait pour la première fois les quatre types de dialogue : ’le dialogue de vie’, ’des oeuvres’, ’du discours (ou échange théologique)’ et ’de l’expérience religieuse’.
’Le dialogue de vie’ se traduit par la mise en oeuvre d’initiatives favorisant les bonnes relations entre les personnes de différentes religions. ’Le dialogue des oeuvres’ se définit par des actions communes entreprises par les différentes religions en faveur du bien de l’humanité. ’Le dialogue formel’ représente l’ensemble des discussions entre les différentes religions sur des thèmes dogmatiques ou de foi, et sur des questions sociales. ’Le dialogue de l’expérience religieuse’ passe par l’assistance au culte d’un autre groupe religieux.
Apic: Vous parlez d’échange de points communs et soulignez un travail vers l’unité. Quels sont les aspirations, les objectifs du Conseil ?
M.F: Je crois que les fondements théologiques qui donnent l’inspiration aux chrétiens, et aux catholiques en particulier, de s’engager dans ce dialogue ont été surtout indiqués par Jean Paul II dans son discours à la curie romaine en décembre 1986. Il y parlait de l’unité première de l’humanité. Si nous avons une origine et un destin communs, nous nous sommes malheureusement divisés en chemin. Nous sommes en effet divisés par nos appartenances religieuses. Le pape nous exhorte à marcher ensemble.
Apic: Vous parlez de la volonté de Dieu, ce qui est compréhensible pour les chrétiens et les monothéistes. Mais qu’en est-il pour les non-croyants?
M.F: Pour les non-croyants, cela est plus difficile. Mais le dialogue doit être fondé sur l’humanité même, qui est pour nous un don de Dieu, et s’orienter vers une action en faveur de la dignité de la personne humaine. Il est tout à fait légitime que nous, chrétiens catholiques nous ayons notre théologie qui nous inspire et que d’autres personnes aient une autre façon d’envisager les choses.
Apic: Quels sont les canaux de dialogue avec les musulmans et quelles sont vos espérances concernant ce dialogue?
M.F: Des structures de dialogue se sont développées avec le cardinal Francis Arinze qui a assuré la présidence du Conseil de 1984 à 2002, et particulièrement avec le monde musulman. Nous avons donc deux comités, le premier avec des organisations islamiques internationales, le second avec Al-Azhar au Caire, en Egypte. Nous mettons également en place des réunions bilatérales avec des organisations en Iran et en Libye.
Apic: Et qu’en est-il actuellement du dialogue avec les musulmans?
M.F: Dans le dialogue interreligieux, il faut toujours être prêt à recommencer. Il y a toujours de nouvelles personnes qu’il faut convaincre, car les personnes changent. Dans l’Eglise catholique, il y a un magistère qui lui donne une certaine solidité. D’autres religions n’ont pas cette responsabilité, ni une doctrine commune. L’une des difficultés du dialogue interreligieux est certainement le côté multipolaire des religions. (apic/imedia/bb)