Saint-Maurice: La famille franciscaine de Suisse romande en fête
«Sainte Claire, l’audace de la joie»
Geneviève de Simone, pour l’Apic
Saint-Maurice, 15 juin 2004 (Apic). Ils étaient plus de 600, religieuses, religieux et laïcs franciscains de Suisse romande à s’être donné rendez- vous à Saint-Maurice dimanche 13 juin pour «cultiver les liens, les renforcer et porter un regard neuf et confiant sur le devenir de la famille franciscaine». Et mieux découvrir sainte Claire à l’occasion des 750 ans de sa mort, au travers du thème qui a été le fil rouge d’une journée de convivialité: «Sainte Claire, l’audace de la joie».
Chants accompagnés à la guitare par Pierre Domergue, diapositives, icône, textes de sainte Claire, témoignages, théâtre: les organisateurs ont utilisé une mosaïque de moyens pour mettre en relief l’audace de sainte Claire, compagne de François d’Assise. Une audace au service d’un seul but, qui a déterminé toute son existence: suivre pauvre le Christ pauvre. Une audace habitée d’une joie rayonnante qu’elle a puisée dans son attachement au Christ, de sorte que rien ni personne n’a eu raison de sa détermination à vivre sa vocation.
Un exemple propre à inspirer les chrétiens d’aujourd’hui, Brigitte Gobbé, animatrice de la famille franciscaine de Suisse romande, en est convaincue: «Nous sommes invités à trouver des voies nouvelles dans tous les domaine de la pensée et de l’agir. Sainte Claire a trouvé, à travers François d’Assise, une voie nouvelle pour incarner d’une manière spécifique son projet de vie évangélique. Elle peut aujourd’hui nous inciter à ne pas avoir peur de nos convictions, à oser choisir en acceptant les ruptures inhérentes à nos décisions, bref à vivre audacieusement avec nos contemporains». Et dans des sociétés dominées par la recherche du profit, la maîtrise de l’univers et l’épanouissement personnel, «elle nous donne à contempler une vie où la non-maîtrise des événements qui peuvent advenir est le chemin de l’Evangile. Elle nous montre qu’adhérer à la personne du Christ et donc à l’homme ne contredit pas du tout la revendication légitime de tout être, à savoir son épanouissement, son bonheur de devenir soi- même».
Une vie tissée d’audace
A l’aide de diapositives et de textes, les participants ont d’abord découvert les aspects fondamentaux de l’existence de sainte Claire: sa famille, noble, les Offreducio, qui réside sur la place de la cathédrale Saint-Rufin à Assise; sa rencontre avec François, qui se dépouille de ses vêtements en signe de liberté et de pauvreté radicales et dont l’exemple fait mûrir l’appel que Claire porte en elle; le soir du dimanche des Rameaux 1211, sa fuite par une porte dérobée pour rejoindre François et ses frères dans l’église de Sainte-Marie des Anges de la Portioncule, où elle se consacre à Dieu; son installation à l’ermitage de Saint-Damien où la rejoignent ses premières compagnes; sa détermination à protéger ses soeurs des Sarrazins et à obtenir du pape, sur son lit de mort, le privilège de la pauvreté: n’avoir aucun bien, aucune sécurité, aucune protection.
Autant d’épisodes de la vie de Claire qui illustrent sa détermination: elle a résiste à sa famille et la quitte à une époque – le XIIIe siècle – où une femme noble ne pouvait disposer librement des ses allées et venues, aux brigands qui menaçaient Saint-Damien, hors des remparts d’Assise, et au pape lui-même.
La source de la joie de Claire
Mais où Claire puise-t-elle une joie qui la rend si audacieuse? Une réponse a été proposée par l’image et le texte se répondant en écho. L’image: une icône de saint François réalisée au monastère des clarisses de Jongny en trois ans par un groupe d’artistes amateurs, travail collectif et chemin de connaissance de soi au travers d’une nécessaire dépossession – travail présenté par les auteurs eux-mêmes.
Le texte: des extraits de lettres de sainte Claire qui disent l’accueil de cinq épisodes de la vie de François à travers ses propres yeux: François qui se dépouille de ses vêtements – événement fondateur de la vocation de Claire; François qui embrasse et soigne un lépreux, en qui il voit le Christ; la crèche vivante aménagée par François qui fait réaliser à Claire la «stupéfiante pauvreté» de Dieu et la joie inouïe qu’il procure aux hommes de pouvoir «porter, chérir et nourrir celui qui contient l’univers»; les stigmates de François, qui invitent Claire à se transformer à l’image de Dieu pour partager sa joie; François mort qui repose nu à même le sol, un signe fort que «la mort n’a aucune emprise sur celui qui ne possède rien» et qui emplit Claire d’une «joie d’essence inconnue».
Claire, une femme de paix
Claire a toujours fait face à la violence, notamment celle exercée par les mercenaires sarrasins envoyés par l’empereur Frédéric II pour se venger du pape Grégoire IX, qui l’avait excommunié. Frère Antonin Alis a lu un épisode marquant à cet égard, raconté par Thomas de Celano, premier biographe de sainte Claire: un jour que les Sarrasins menacent le monastère, Claire, malade, se fait transporter par ses soeurs à la porte et leur fait face avec le Saint-Sacrement: les soldats, épouvantés, prennent la fuite.
Aujourd’hui encore, sainte Claire inspire des femmes et des hommes dans leur lutte pour la justice, la paix et la sauvegarde de la création. Parmi eux, Samuel Pellissier et Soeur Maria Crucis, Soeur de la Sainte-Croix de Menzingen, venus témoigner de leur engagement à Saint-Maurice.
Samuel Pellissier a dit sa foi lorsqu’il défilait avec les 60’000 manifestants lors de la tenue du G8 à Genève en juin 2003: il a essuyé des critiques, mais aussi noué des contacts précieux. Chacun peut s’engager comme chrétien en politique, par exemple au niveau communal, acheter les produits du commerce équitable et agir au quotidien pour la défense de l’environnement, a-t-il conclu. Soeur Maria Crucis a présenté «Franciscains International», une ONG qui appuie les franciscains dans leurs engagements pour la paix, la justice et la sauvegarde de la création et les aide à connaître les réalités locales pour être la voix des populations. «Franciscains International» travaille aussi à intégrer les valeurs éthiques et spirituelles dans les instances de l’ONU. Elle a deux bureaux, à New York et à Genève. Chacun peut s’engager dans un groupe de soutien. En conclusion de la matinée, Frère Marcel Durrer, provincial, a invité chacun, avec l’audace de Claire, à «porter, puis mettre au monde le pauvre au nom de Dieu».
Les Fioretti, invitation à la conversion
L’après-midi, l’aula du Collège de Saint-Maurice a résonné de percussions et de textes tirés des «Fioretti» de saint François par la Compagnie parisienne Francesco Agnello. Le spectacle, «L’extraordinaire François d’Assise», a présenté plusieurs épisodes de la vie du Poverello et de ses compagnons dont le loup de Gubbio, la guérison d’un lépreux possédé et le repas de Claire et de François à Sainte-Marie des Anges; avec, en conclusion, le cantique des créatures. Autant de scènes romancées qui invitent ceux qui les reçoivent à la conversion.
Conjuguer masculin et féminin
La messe à l’Abbaye, présidée par le Père Abbé Joseph Roduit, et animée par Pierre Domergue et le Choeur des jeunes de Notre-Dame de Lausanne, a clôturé la journée. Dans son homélie, l’abbé Marc Donzé a commencé par rappeler combien Claire, qui «avait le sens de l’absolu», «fut séduite par François. mais plus encore par ce que Dieu lui présentait à travers la présence et la médiation de François». Avec lui, elle «a vu se dessiner un chemin (.) pour échapper aux déterminismes sociaux, pour réaliser ce qu’elle portait au plus profond d’elle-même». Il a souligné l’»admirable échange du masculin et du féminin» qu’ont réalisé François et Claire: «L’élan poétique et chevaleresque de François était nécessaire à Claire», qui avait besoin «de ses intuitions, de ses audaces, de ses originalités pour élargir l’espace de sa tente et le défendre»; «mais la ferme et belle douceur de Claire, dans la constance et la paix, était nécessaire à François».
La leçon pour nous aujourd’hui? «Pour aller vraiment à Dieu, avec toute l’originalité et tout l’équilibre de notre âme, de notre esprit et de notre corps, ne faut-il pas la rencontre de l’autre dans un grand élan de don et de liberté? Ne faut-il pas la complémentarité du masculin et du féminin, en toute paix et liberté?» Ainsi, la réponse que nous donnons aux appels de la vie «nous restitue à nous-même», car «si je vais vers le bien- aimé, dans l’élan désapproprié de l’amour, je vais vers ce qui est le plus profond et le plus vrai en moi». En témoigne l’amour «tout désapproprié et tout donné» qui unissait Claire et François, un «amour virginal et pur en Christ». GdS
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