Cameroun: Tracts islamiques appelant à la haine chrétienne
Un acte «infâme visant à diviser les religions»
Yaoundé, 11 juillet 2004 (Apic) Le Cameroun victime de l’intolérance religieuse. De mystérieux tracts, largement distribués, qui se sont avérés être des faux, appellent à la haine chrétienne. Attribués à la Jeunesse Islamique du Cameroun (Jic) ils sont dénoncés par les responsables religieux, musulmans et chrétiens.
De mystérieux tracts, largement distribués dans le Nord, l’Extrême Nord, l’Adamaoua, et le Sud du pays, appelant à la haine chrétienne, y circulent depuis deux mois. Attribués à la Jeunesse Islamique du Cameroun (Jic) une organisation légale, ils ont inquiété les responsables religieux, musulmans et chrétiens. Selon le quotidien gouvernemental, «Cameroon Trbune», leur contenu est suffisamment troublant et sans équivoque. «Encourager et multiplier les mariages entre jeunes musulmans et jeunes filles chrétiennes et convertir ces dernières à l’islam, ne pas louer les maisons, ni vendre des terrains aux chrétiens», figurent parmi les appels contenus dans ces tracts. Comment «chasser les chrétiens» des maisons? En «augmentant le prix du loyer chaque mois, en attribuant des bourses d’études aux chrétiens dans des pays comme le Pakistan, le Koweit, l’Egypte ou l’Arabie saoudite».
Ces tracts plaident pour le prosélytisme, en demandant à «apporter de l’aide aux familles chrétiennes vulnérables», et appellent à «faire se prostituer les jeunes filles chrétiennes, en vue de provoquer des grossesses non désirées». Leurs auteurs affirment que ces recommandations sont issues du troisième congrès de la Jic, qui se serait tenu l’an dernier à Maroua du 5 au 7 septembre 2003. Les signatures, au bas du texte, sont attribuées à «Cheik Modibbo Haroun, président de la Jic, Oustass Younoussa Abdoulaye, secrétaire général national et Hamdan Boubakari, trésorier».
L’imam, informé par l’évêque, ordonne une enquête
Préoccupé, l’évêque du diocèse de Maroua-Mokolo, (nord), Mgr Yves Steven, a rencontré l’imam de la grande mosquée de la ville, Cheikh Mahmoudou Mal Bakari, début mai pour en discuter. Le dignitaire musulman a été surpris de lire le contenu des tracts que lui ont été présentés par le prélat et a immédiatement ordonné une enquête sur l’identité des signataires. C’est un «acte infâme dont le seul but est de jeter le discrédit sur les différentes religions et de semer la haine entre les croyants», s’est-il alors indigné devant l’archevêque.
Pour sa part, le président de la Jic, Doubla Avaly a affiché la même surprise. Pour lever toute équivoque, il a fait diffuser un communiqué à la radio, condamnant ces tracts. «C’est une manoeuvre de nature à jeter le discrédit sur la Jic», a-t-il déclaré. Il a invité les responsables régionaux de son organisation, à «saisir les autorités administratives compétentes de leur territoire respectif, afin de mettre fin aux démarches des agitateurs égarés» qui font circuler ces tracts.
Des faux grossiers visant à semer la haine entre les communautés
Après deux semaines d’enquête, l’imam Cheikh Mahmoudou Mal Bakari a informé Mgr Yves Steven que la Jic n’a jamais tenu de congrès national à Maroua depuis son existence.
Dans une correspondance au prélat, dont des copies ont été envoyées aux autorités administratives de la région, ainsi qu’aux responsables du conseil des Eglises protestantes, l’imam a ajouté que les deux seuls congrès de la Jic sont ceux tenus à Yaoundé en 1993 et à Ngaoundéré, en 1995. De plus, tous ceux qui sont cités comme signataires du tract sont inconnus des organes nationaux et provinciaux de la Jic. Qui plus est, les signatures de chaque tract sont différentes les unes des autres. Ils «apparaissent vraisemblablement comme une manoeuvre montée de toutes pièces pour désunir les communautés», a écrit l’imam dans sa correspondance à l’archevêque. Il y a relevé aussi «de graves lacunes, énormités et incohérences dans les références faites au Coran».
«Les messages diffusés dans ces imprimés sont tout simplement contraires aux préceptes de l’islam qui prône la paix, la tolérance et la cohabitation pacifique», a poursuivi l’imam Cheick Mahmoudou Mal Bakari. Il a enfin rappelé que la Jic est une organisation légale et bien reconnue. Elle oeuvre pour la scolarisation de la jeunesse notamment de la jeune fille dans le grand Nord, et est active dans la lutte contre le sida. L’imam a ajouté que ces actions sociales portent aussi sur la moralisation de la jeunesse, s’élèvent contre la délinquance et les dépravations des moeurs. Enfin, il a proposé une large sensibilisation dans les lieux de culte des différentes communautés, afin d’apporter un démenti formel sur l’authenticité de ces documents. (apic/Ibc/vb)