Liban: Le patriarche maronite contre une reconduction du président libanais Emile Lahoud
«Cela assassinerait le peu de démocratie qui nous reste»
Beyrouth, 23 août 2004 (Apic) Le patriarche maronite du Liban s’oppose à une reconduction du président libanais, le général Emile Lahoud. Axant sa prédication sur les ravages du chômage, Mgr Nasrallah Sfeir a cependant lâché dimanche à la fin de son homélie qu’un éventuel amendement de l’article 49 de la Constitution – synonyme de reconduction du mandat du président Lahoud – «finira par assassiner le peu de démocratie qui nous reste et à propos de laquelle nous continuons de nous enorgueillir».
Après avoir dénoncé le fléau du chômage, «signe patent de régression et de perdition», le patriarche maronite a déploré que les préparations de la grande échéance libanaise – à savoir le choix du président – «se font en dehors de nos frontières». «Comme si nous avions désormais définitivement perdu la souveraineté sur notre territoire, l’indépendance dans le choix de nos leaders et la liberté de décider à propos de tout ce qui touche à nos propres affaires», a déclaré Mgr Nasrallah Sfeir, selon les propos rapportés lundi par le quotidien francophone beyrouthin «L’Orient-Le Jour».
Le patriarche maronite, présent dans sa résidence d’été de Dimane, a dénoncé le fait que l’on songe de plus à un amendement définitif de la Constitution «afin de permettre la réélection d’une même personne ad vitam aeternam à la première magistrature, comme cela se passe autour de nous dans la région, là où les peuples s’opposent à leurs gouvernants parce qu’ils n’ont pas le droit de décider de leur propre destin.» S’il s’engageait dans cette voie, le Liban finirait par «assassiner le peu de démocratie qui nous reste et à propos de laquelle nous continuons de nous enorgueillir».
Une décision «synonyme d’explosion»
Selon la Constitution libanaise en vigueur, le président en exercice ne peut briguer un second mandat successif. La loi fondamentale n’a pas été respectée à deux reprises en 15 ans, le Parlement libanais – sous la pression de la Syrie – ayant voté des amendements constitutionnels. Damas maintient depuis 28 ans un corps expéditionnaire au Liban, aujourd’hui à hauteur de 20’000 hommes, ce qui lui permet d’exercer une influence pesante.
Le patriarche maronite s’est élevé contre «des consultations préliminaires qui ont lieu hors du pays, comme si nous avions perdu toute souveraineté et indépendance dans le choix de nos gouvernants».
Samedi, Samir Frangié, l’une des figures de l’opposition libanaise, a rendu visite au patriarche à Dimane à la tête d’une délégation du groupe de «Kornet Chehwane». Il a estimé que la reconduction, le renouvellement et l’amendement de la Constitution ne peuvent pas être possibles au Liban: «Une décision en ce sens serait synonyme d’explosion, et ni les Libanais ni les Syriens sont à même de la prendre. Mettons-nous donc un peu de plomb dans la cervelle. Il faut de la sagesse, et je ne peux pas imaginer qu’il y ait, au Liban comme en Syrie, un être normalement constitué qui souhaiterait cette explosion». (apic/orj/be)