Cameroun: La montée d’un «certain islamisme» dans le nord du pays inquiète
Cohabitation pacifique entre les religions mise à mal
Yaoundé, 15 septembre 2004 (Apic) La situation de l’islam au Cameroun inquiète la presse du pays, qui prédit des lendemains incertains sur le front de la cohabitation pacifique entre les religions.
Dans une série d’articles sur l’islam au Cameroun, le quotidien «Mutations» commente que «ces dernières années ont été marquées, presque partout dans le pays, par une reprise en main de la gestion des mosquées et des écoles coraniques». Cette reprise en main, aux yeux du quotidien, est le fait de «spécialistes» venus parfois de très loin – Soudan, Egypte, Maroc, Libye et, de plus en plus, Yémen, Emirats Arabes, Iran et surtout Arabie Saoudite. «Des barbus enturbannés qui, à l’instar du directeur de la grande mosquée de Tsinga (quartier populaire à Yaoundé), ne parlent pas français, ni l’anglais, les deux langues officielles du Cameroun. Ils ne s’expriment qu’en arabe, une langue que leurs interlocuteurs comprennent mal». Selon Daouda Kouotou, président du Réseau des Communicateurs musulmans du Cameroun, c’est là la conséquence «de ces nombreuses bourses islamiques que l’on accorde souvent sans contrôle à de très jeunes enfants, dans le but d’aller étudier le coran en Arabie Saoudite ou ailleurs». Là- bas, estime-t-il, ils ne font souvent que ça et reviennent au pays avec des approches religieuses tellement sévères qu’elles nous rapprochent quelques fois d’un vrai fanatisme».
Pour éviter les dérives que tout le monde semble craindre, a-t-il dit, il est nécessaire de faire une «prédication de la paix et de la tolérance entre les hommes qui ne partagent pas toujours le même fond de valeurs». Il a cité en exemple, la création, en janvier 2002 à Yaoundé, du «Forum Cameroun», une initiative bâtie pour donner un sens au dialogue interreligieux entre chrétiens (catholiques et protestants) et musulmans
L’inquiétude au sein de la population a grandi depuis l’apparition en mai de tracts appelant à la haine contre les chrétiens, ainsi qu’à une islamisation plus poussée et plus forte dans le nord. En juillet un autre tract attribué à la Jeunesse islamique du Cameroun (Jic), une organisation légale, répétaient ce genre d’appel, allant même jusqu’à susciter l’inquiétude des leaders musulmans et chrétiens.
Une conquête dans la violence
Au Cameroun, pays laïc, l’islam et le christianisme sont les religions les plus répandues. Les musulmans sont disséminés partout dans le territoire national, mais dominent dans les trois provinces septentrionales de l’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême-Nord. Le Bureau central de recensement et des études de la population estime que les musulmans représentent environ 32% de la population, évaluée à 15,8 millions d’habitants. Mais pour l’Organisation de la Conférence Islamique, en décembre 2001, environ 15% de la population camerounaise était de confession musulmane.
L’islam a été introduit au Cameroun vers le 18e siècle. C’est au tout début de ce siècle que cette religion est en effet apparue «dans sa forme théologique et conquérante» dans le Nord-Cameroun actuel et dans tout le bassin du Lac Tchad, après avoir transité par l’Egypte et le Soudan, territoires déjà fort en avance dans la récitation des sourates, rappelle «Mutations». Une seconde vague d’islamisation a eu lieu, plus tard, vers les années 1800, avec les conquêtes d’Ousman Dan Fodjio, un conquérant venu du Nigeria.
A ce jour, l’islam camerounais est divisé entre ses «racines de base» traditionnellement sunnite et principalement malékite, et la «tentation» au wahhabisme saoudien et de l’extrémisme religieux. (apic/ibc/pr)