Et Dieu dans tout cela?

Fribourg: Réflexions du Père Adrian Schenker sur le raz-de-marée en Asie

Adrian Schenker, dominicain, professeur d’exégèse de l’Ancien Testament à l’Université de Fribourg

Fribourg, 21 janvier 2005 (Apic) «Comment Dieu peut-il permettre cela?» Voilà la question que beaucoup de personnes posent. Dieu n’est-il pas bon? N’est-il pas l’amour? Comment donc peut-il regarder le raz-de-marée emporter hommes et bêtes et laisser derrière lui des milliers d’orphelins et de pauvres qui ont tout perdu? C’est pourquoi certains rejettent la toute-puissance divine. S’il était tout-puissant il aurait pu empêcher la catastrophe, et il aurait dû l’empêcher. Ils en tirent la conclusion qu’il faut cesser de parler de Dieu le tout-puissant.

La vie est précaire et menacée

Mais rendons-nous compte que la vie humaine est toujours précaire. Elle l’a toujours été. Les épidémies et les guerres ont emporté tant de vies humaines au cours des âges. Le monde entier est frappé de stupeur par le tremblement de terre asiatique et s’empresse d’aider généreusement. Mais il y a des catastrophes humanitaires comme par exemple au Darfour, au Soudan en Afrique, qui risquent de moins toucher le coeur des gens. Pourquoi ces deux poids et deux mesures? Et pourtant, au Darfour et ailleurs encore, le nombre des victimes et la brutalité des destructions sont tout à fait comparables à la catastrophe de l’Asie.

Et les existences individuelles sont exposées, elles aussi, à mille dangers. Les maladies, les drogues et l’alcool, les échecs professionnels et tant d’autres écueils risquent de faire échouer la vie de bien de gens.

La terre n’est pas encore le paradis

Toute l’Ecriture Sainte nous dit en effet, d’un bout à l’autre, que la vie sur cette terre n’est pas une partie de plaisir. Elle n’est pas le paradis. Elle est au contraire un temps d’épreuve. Nous devons nous préparer, en entrant dans cette vie, à des difficultés et à un combat parfois rude. Il est vrai que Dieu peut nous traiter parfois très durement dans cette existence. Il ne prend pas des gants de velours avec nous.

Pourquoi nous traite-t-il ainsi? C’est en partie son secret. Il ne nous révèle pas l’idée qu’il a pour chaque vie humaine. Nous savons seulement par l’Ecriture Sainte qu’il en a une, et que celle-ci est d’une grande sagesse et aussi d’une grande bonté.

La vie est un tout dont nous ne voyons qu’un bout

La Bible, source de la foi chrétienne, rappelle aussi les limites du regard humain. Combien existe-t-il de choses que nous ne comprenons pas! Nous ne pouvons pas prétendre connaître l’ensemble de notre vie. L’avenir nous échappe. Que va-t-il nous réserver? Tous, nous l’ignorons. Mais Dieu le sait parce qu’il est au-dessus du temps. Il couvre de son regard toute l’étendue de chaque vie.

Mais il y a plus. L’existence de l’homme ne se limite pas à son temps sur cette terre. Car en réalité, elle est immortelle, puisqu’elle débouche sur un autre monde, soustrait au temps. C’est le monde éternel de Dieu. Seules les deux parties prises ensemble, celle de ce monde-ci, passagère, et celle du monde à venir, éternelle, font la vie complète d’une personne humaine. On ne peut juger du bonheur et du malheur de quelqu’un en ne regardant que cette vie terrestre et temporelle. Celle-ci n’est pas le tout.

Le sens des événements

A cause de notre vision limitée qui nous empêche de voir le tout de la vie, nous ne pouvons pas évaluer définitivement le sens positif ou négatif des événements, que ce soit ceux de notre propre vie ou ceux de l’histoire, c’est-à-dire de l’ensemble des vies humaines. Dieu seul a ce vaste regard capable d’embrasser et de sonder tout ce qui se passe à l’intérieur des hommes et à l’extérieur sur la scène de ce monde temporel qui est le nôtre et dans le paradis du monde éternel.

Le sens des événements, Dieu le connaît de part en part, tandis que nous en entrevoyons des fragments. Le créateur sait pour quelle raison la vie est une épreuve pour bien des êtres pendant leur passage sur cette terre. Ceux qui sont tombés dans l’épreuve, ou ceux qui les regardent souffrir de loin sans y être plongés eux-mêmes (comme nous, témoins à distance du raz-de-marée asiatique) ont une chance: ils peuvent se tourner vers le Seigneur pour lui demander de les délivrer de ce mal et de leur donner sagesse et force pour bien user du malheur qui s’est abattu sur eux. Ce n’est pas tout le sens de l’épreuve du malheur, mais c’en est au moins un de ses sens qui peut nous être d’un grand secours. (apic/as/bb)

21 janvier 2005 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
Partagez!