Rome: Le Vatican satisfait de la mise en garde contre le Da Vinci Code

«Davantage d’évêques devraient intervenir»

Rome, 18 mars 2005 (Apic) Les échos de la curie semblent positifs après la mise en garde émise par le cardinal Bertone à l’égard du Da Vinci Code. «Je suis content qu’il l’ait critiqué», a déclaré un membre de la curie à l’Apic, se réjouissant de la conférence organisée par l’archevêque de Gênes dans son diocèse, dans la soirée du 16 mars, sur le thème, ’Le Da Vinci Code – histoires sans Histoire’

Le 15 mars, sur les ondes de Radio Vatican, le cardinal Tarcisio Bertone, avait appelé à ne pas acheter ni lire le Da Vinci Code, roman à succès de l’américain Dan Brown.

Les propos de l’archevêque de Gênes feront «le tour du monde», et «c’est comme cela que ça doit être», ont souligné les sources vaticanes de l’Apic. «Davantage d’évêques devraient faire cela», ont-elles suggéré, rappelant que les évêques sont des pasteurs devant «protéger» leur troupeau, dont les jeunes font partie. Selon les sources de l’Apic, «les évêques auraient dû faire cela avant», car le livre a eu un très grand impact.

L’interlocuteur de l’Apic a aussi reconnu que, jusqu’à récemment, le problème se situait surtout dans les pays anglophones, où bon nombre de catholiques avaient réagi, publiant des livres aux critiques justes. Depuis qu’il a été publié dans d’autres langues, notamment en italien, la problématique s’est accentuée, a-t-il souligné. Il a aussi admis que «peut- être que des évêques avaient déjà fait» des critiques, mais que leurs propos avaient eu moins d’écho que ceux du cardinal Bertone. Celui-ci a été secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi de 1995 à 2003 avant d’être nommé dans le nord de l’Italie.

Pas de prise de position officielle du Vatican

A la question de savoir si le Saint-Siège finirait par se prononcer officiellement sur le Da Vinci Code, le membre de la curie a par ailleurs répondu «absolument pas». Le Vatican ne dira «rien officiellement», a-t-il insisté. Mais il a émis l’hypothèse que les cardinaux sans doute sollicités par les médias parleraient «séparément», affirmant en leur nom propre «leur accord avec le cardinal Bertone».

Si le Vatican ne s’est pas prononcé contre le Da Vinci Code, cela résulte sans doute du fait que le livre soit sorti dans le monde anglo- saxon, souvent considéré de toute façon comme non catholique. De plus, dans l’ouvrage, il s’agit plus de fiction que de théologie, a souligné l’interlocuteur de l’Apic. Enfin, le Vatican cherche à encourager la subsidiarité dans les diocèses et à ne pas prendre la place des Conférences épiscopales. Le Vatican «ne doit pas systématiquement se mêler de chaque problème local». Il doit au contraire, pousser les évêques à agir eux-mêmes en les y encourageant, mais en leur laissant «un peu» d’autonomie.

Un roman basé sur de faux documents

Par ailleurs, le fondateur et directeur du centre d’étude sur les nouvelles religions (CESNUR) et principal intervenant de la rencontre organisée par l’archevêché de Gênes a soulevé la question des documents ’soi-disant’ historiques sur lesquels Dan Brown a fondé son histoire. Interrogé le 16 mars sur Radio Vatican, Massimo Introvigne a déclaré que ces documents sont «faux».

«Contrairement à tout ce qui dit Dan Brown à la page 9 de son livre, les documents déposés en 1967 à la bibliothèque nationale de Paris sont faux, les auteurs de la mystification ont confessé publiquement et par écrit qu’il s’agissait précisément d’une brillante mystification», a-t-il affirmé. En effet, selon lui, «Dan Brown s’égosille à dire que ce n’est pas un roman et que la page la plus importante de tout son livre est la page 9», a-t-il expliqué. Sur cette page intitulée ’informations historiques’, Dan Brown explique que son livre «n’est pas seulement un roman» mais qu’il «se fonde sur des documents historiques et en particulier sur ’des parchemins’ nommés ’les dossiers secrets’ et découverts en 1975 à la Bibliothèque Nationale de Paris». «Cette affirmation n’est pas vraie et c’est sur cette affirmation que les historiens et les sociologues des religions ainsi que les pasteurs de l’Eglise ont le droit et peut-être le devoir d’intervenir», a encore souligné Massimo Introvigne.

«Ce qui me touche et m’indigne le plus, c’est qu’une histoire, que tous les spécialistes du petit monde ésotérique franco-anglais savent être une mystification qui repose sur des documents faux, au moins depuis 1985, donc depuis 20 ans, soit tout d’un coup résumée et présentée comme une grande et bouleversante nouveauté», a-t-il soutenu.

Enfin, le directeur du centre d’étude sur les nouvelles religions a mis l’accent sur «ce chiffre de 17 à 25 millions» de lecteurs. «Il nous fait comprendre que nous sommes face à un vrai phénomène de moeurs qui interroge les spécialistes, d’une part, mais aussi l’Eglise parce qu’on voit que beaucoup de fidèles se laissent secouer dans leur foi», a-t-il conclu.

Une oeuvre de ce genre tous les 2 ou 3 ans

Interrogé le même jour par Radio Vatican, le jésuite Reginald O’Collins, de la revue Civiltà cattolica, a estimé que le succès du Da Vinci Code est dû au fait qu’aujourd’hui «le préjudice anti-catholique se vende bien». «A peu près tous les 2 ou 3 ans sort une oeuvre du genre: l’idée que Jésus soit marié avec Marie-Madeleine, ou que Jésus ait passé de nombreuses années en Inde, ou de Jésus ait été déposé vivant de la croix», a-t-il expliqué. Selon lui, il y a une longue liste de romans du genre depuis deux siècles et Dan Brown s’insère dans ce rayon de romans sensationnels qui se vendent très bien».

Le Da Vinci Code de Dan Brown, traduit en 42 langues, s’est déjà vendu à plus de 20 millions d’exemplaires dans le monde. L’intrigue tourne autour de Jésus qui aurait eu pour épouse Marie-Madeleine, et leur descendance aurait perduré en France, jusqu’à aujourd’hui, grâce à la dynastie mérovingienne. Une société secrète, le Prieuré de Sion, serait dépositaire de ce lourd secret qui constitue une arme puissante dont l’Eglise catholique, et plus particulièrement l’Opus Dei, veut absolument empêcher la divulgation. Léonard de Vinci aurait fait partie de cette société. Ce dernier aurait caché les clés de ce secret dans certains de ses tableaux. (apic/imedia/ar/ms/bb)

18 mars 2005 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
Partagez!