Rome: Le cardinal Ratzinger fait un éloge de Jean Paul II intitulé «Suis- moi.»
Homélie souvent interrompue par des applaudissements
Rome, 8 avril 2005 (Apic) ’Suis-moi’, la dernière parole du Christ à Saint- Pierre «peut être considérée comme la clé pour comprendre le message qui vient de la vie de notre regretté et bien-aimé pape Jean Paul II», a déclaré le cardinal Joseph Ratzinger, dans son homélie de la messe des obsèques du pape défunt, qu’il présidait le 8 avril. Le prélat allemand a été interrompu à de maintes reprises par des applaudissements.
Après que le cercueil ait été déposé sur le tapis rouge devant l’autel sur le parvis de Saint-Pierre, les cardinaux vêtus de blanc et de rouge sont arrivés en procession, peu après 10h. Baisant l’autel en tenant leur mitre blanche à leur main sous le vent, les nombreux cardinaux – ils étaient déjà 140 à Rome hier – se sont installés derrière l’autel.
La liturgie, présidée par le cardinal Joseph Ratzinger était dite en latin. Le vent balayait la scène, fermant ainsi le livre rouge de Saintes écritures posé sur le cercueil sobre, marqué du sceau ’M’, en symbole de la dévotion du pape pour la Vierge Marie. Les lectures ont été lues en espagnol et en anglais, le psaume et l’évangile en latin. Ce dernier était extrait des Evangiles de Jean (Jean 21, 15-19) et portait sur les dernières paroles du Christ à Pierre.
Le cardinal Joseph Ratzinger, doyen du collège cardinalice, a alors pris la parole pour une homélie rendant hommage à Jean-Paul II. Il a été interrompu à maintes reprises par les applaudissements de la foule. «’Suis- moi’. Cette parole lapidaire du Christ peut être considérée comme la clé pour comprendre le message qui vient de la vie de notre regretté et bien- aimé pape Jean-Paul II», a déclaré le cardinal allemand, l’air ému. Dès sa vie d’étudiant Karol Wojtyla a fait sienne cette parole, a expliqué le cardinal. Il a aussi souligné que ce ’Suis-moi’ du Christ, n’avait fait que se confirmer durant la vie de Jean-Paul II, dont il a rappelé les étapes.
Entrée de Wojtyla dans un séminaire clandestin
S’arrêtant d’abord sur son passage dans une usine chimique, son entrée au séminaire clandestin et ses études de théologie de l’université Jagellon de Cracovie, le cardinal allemand a rappelé que «très souvent, dans ses lettres aux prêtres et dans ses livres autobiographiques, Jean Paul II «nous a parlé de son sacerdoce, lui qui fut ordonné prêtre le 1er novembre 1946».
«Dans ces textes, il interprète son sacerdoce en particulier à partir de trois paroles du Seigneur (.) «Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, et que votre fruit demeure» (Jean 15, 16) (.) «Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis» (Jean 10, 11). Et (.) «Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour» (Jean 15, 9)», a expliqué le doyen du collège cardinalice sous les applaudissements.
«Dans ces trois paroles nous voyons toute l’âme de notre Saint-Père. Il est réellement allé partout, et inlassablement, pour porter du fruit, un fruit qui demeure», a-t-il poursuivi. «Il nous a réveillés d’une foi fatiguée, du sommeil des disciples d’hier et d’aujourd’hui». «Levez-vous, allons!, nous dit-il encore aujourd’hui», a encore souligné le théologien allemand.
Le pape «a été (.) prêtre jusqu’au bout, parce qu’il a offert sa vie à Dieu pour ses brebis, et pour la famille humaine tout entière, dans une donation de soi quotidienne au service de l’Église et surtout dans les épreuves difficiles de ces derniers mois», a poursuivi le gardien de la doctrine de l’Eglise, à nouveau interrompu par les applaudissements.
«Le pape, qui a cherché la rencontre avec tous, qui a eu une capacité de pardon et d’ouverture du coeur pour tous, nous dit, encore aujourd’hui, avec ces différentes paroles du Seigneur : en demeurant dans l’amour du Christ nous apprenons, à l’école du Christ, l’art du véritable amour».
Il a voulu se donner sans réserve jusqu’à la mort
Pour le cardinal Ratzinger, toutes ces paroles se sont vérifiées quand Karol Wojtyla fut nommé évêque auxiliaire de Cracovie en juillet 1958, puis en octobre 1978, quand il fut élu successeur de Pierre. «Notre pape – nous le savons tous – n’a jamais voulu sauvegarder sa propre vie, la garder pour lui ; il a voulu se donner lui-même sans réserve, jusqu’au dernier instant, pour le Christ et de ce fait pour nous aussi», a encore affirmé le cardinal Ratzinger à nouveau interrompu par les applaudissements.
«L’amour du Christ fut la force dominante de notre bien-aimé Saint- Père; ceux qui l’ont vu prier, ceux qui l’ont entendu prêcher, le savent bien. Ainsi, grâce à son profond enracinement dans le Christ, il a pu porter une charge qui est au-delà des forces purement humaines : être le pasteur du troupeau du Christ, de son Église universelle», a poursuivi le cardinal. «Suis-moi ! Dans la première période de son pontificat, le Saint- Père, encore jeune et plein de force, allait, sous la conduite du Christ, jusqu’aux confins du monde», a-t-il continué. «Mais ensuite il est entré de plus en plus dans la communion aux souffrances du Christ, il a compris toujours mieux la vérité de ces paroles: « Quand tu étais jeune … tu allais où tu voulais, mais quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller» (Jean 21, 18)».
«Et vraiment, dans cette communion avec le Seigneur souffrant, il a annoncé infatigablement et avec une intensité renouvelée l’Évangile, le mystère de l’amour qui va jusqu’au bout (Jean 13, 1). Il a interprété pour nous le mystère pascal comme mystère de la Divine miséricorde», a encore expliqué le cardinal Ratzinger devant une foule enthousiaste et recueillie. «Animé par cette perspective, le Pape a souffert et aimé en communion avec le Christ et c’est pourquoi le message de sa souffrance et de son silence a été si éloquent et si fécond», a déclaré le cardinal à la fin de son homélie.
Corps déposé comme «semence d’immortalité»
«Nous déposons aujourd’hui le corps dans la terre comme semence d’immortalité – avec le coeur rempli de tristesse, mais aussi de joyeuse espérance et de profonde gratitude», a-t-il conclu. «Pour nous tous demeure inoubliable la manière dont en ce dernier dimanche de Pâques de son existence, le Saint-Père, marqué par la souffrance, s’est montré encore une fois à la fenêtre du Palais apostolique et a donné une dernière fois la Bénédiction Urbi et Orbi», a-t-il rappelé.
«Nous pouvons être sûrs que notre Pape bien-aimé est maintenant à la fenêtre de la maison du Père, qu’il nous voit et qu’il nous bénit. Oui, puisses-tu nous bénir, Très Saint Père, nous confions ta chère âme à la Mère de Dieu, ta Mère», a conclu le cardinal, sous les applaudissements. Dans son homélie, le cardinal allemand a remercié toutes les personnes présentes à cette messe d’obsèques, notamment les jeunes «que Jean Paul II aimait définir comme l’avenir et l’espérance de l’Eglise». Un grand drapeau ’Wadowice’ flottait sur la place, et à la fin de l’homélie sont apparues des banderoles «qu’il soit saint tout de suite»! (apic/imedia/ar/bb)