La part d’éternité chez Claudel est irréductible aux modes

Fribourg: Journée d’études Paul Claudel et l’Eglise à la faculté de théologie le 11 mai

Fribourg, 5 mai 2005 (Apic) La faculté de théologie de l’Université de Fribourg organise une Journée d’études pour le cinquantenaire de la mort de Paul Claudel (1886-1955), le grand écrivain catholique, poète, dramaturge et diplomate. Un colloque ouvert au public, en date du 11 mai, et que l’organisateur, le dominicain Guy Bedouelle, espère voir investi de jeunes, qui ne connaissent pas bien Claudel.

Pour l’initiateur de cette Journée consacrée à Paul Claudel pour le cinquantenaire de sa mort, le dominicain Guy Bedouelle, «Claudel est l’un des grands auteurs du 20e siècle. Comme historien de l’Eglise, j’ai eu envie d’organiser quelque chose. J’ai orienté cette demi-journée d’étude sur la théologie plutôt que sur la littérature, mais les deux se rencontrent bien sûr, chez cet écrivain. Comme je ne suis pas spécialiste de Claudel, j’ai fait appel à divers conférenciers».

Citons Dominique Millet-Gérard, de l’Université de Paris IV, une des spécialistes actuels du grand écrivain (Claudel, l’Eglise et les hommes d’Eglise). Elle est en train d’éditer la correspondance de Claudel avec des ecclésiastiques qu’il a rencontrés. «Je ne voulais pas prendre quelque chose de trop biblique, comme thème, précise Guy Bedouelle, de l’Université de Fribourg, car la Bible chez Claudel a été très étudiée. Il existe deux énormes volumes des Ecrits de Claudel là-dessus (Le poète et la Bible)».

Ensuite c’est un jeune prêtre, Yves Habert, d’Aix-en-Provence, qui parlera d’Israël et l’Eglise chez Claudel. Quant au Père Philippe Dockwiller, il fait sa thèse de doctorat sur Hans Urs von Balthasar, lecteur de Claudel. Balthasar, qui a aussi traduit en allemand la monumentale pièce Le Soulier de satin, qu’on a pu voir en intégrale au Grand Théâtre de Genève en 2004, mise en scène par Olivier Py. «La postface que Balthasar consacre à cette oeuvre est peu connue, et Philippe Dockwiller nous la fera découvrir».

Quant au Père Guy Bedouelle, il présentera Jeanne au bûcher de Paul Claudel, dont la musique est du compositeur suisse Arthur Honegger. «Le représentant de l’Eglise dans l’Oratorio est saint Dominique, qui est très beau. C’est un texte fort, très dépouillé avec des personnages historiques, mais qui ont une dimension au-delà de l’histoire».

Pour Guy Bedouelle, la poésie de Claudel , ce «génie théâtral et poétique», après sa conversion, devient substantiellement catholique. Elle ne se comprend pas autrement que dans le christianisme. Et ça bouscule les catégories de la prédication de l’apologétique».

Claudel un écrivain catholique?

Pour le chroniqueur littéraire de la revue Choisir, connaisseur de Claudel, Gérard Joulié, «ça ne dérangeait absolument pas Claudel qu’on l’appelle un écrivain, un dramaturge catholique». Aujourd’hui, «dans les médias, le mot catholique est un mot restrictif. Pour Claudel, c’était le contraire. Ca voulait dire la totalité du monde et il faisait même entrer des civilisations étrangères comme la Chine, la pensée chinoise, le Japon, dans la catholicité».

Il existe un public qui n’est pas croyant et qui lit Claudel, constate Gérard Joulié. Peut-être en s’intéressant davantage à son théâtre ou à ses réflexions philosophiques. Mais pour les jeunes, lire Claudel, «c’est la richesse de lire n’importe quel grand écrivain aujourd’hui: c’est aussi valable pour Shakespeare que pour Racine ou Homère».

Pour le critique littéraire, «Claudel ne parle pas aux gens des problèmes d’aujourd’hui. Il parle de ce qui est en nous, dans chaque être humain, il parle de quelque chose qui est totalement occulté dans les 20 et 21e siècle, c’est-à-dire, la part d’éternité. Si l’être humain se considère sur la terre comme un petit atome qui naît, qui passe et qui meurt, certainement Claudel n’a strictement rien à lui dire».

Mais, poursuit Gérard Joulié, «s’il considère sa vie comme débouchant sur autre chose et en tout cas faisant partie d’un drame éternel dans tous les sens – conflit entre la raison et les passions, conflit entre le monde éternel et le monde temporel, conflit entre le spirituel et l’éternel, qui fait la base de tout son théâtre – si quelqu’un, jeune ou pas, a en lui quelque chose qui le pousse à s’interroger là-dessus, alors il peut aller chez Claudel. Dans les réponses à des questions métaphysiques, que Claudel lui donne en tant que poète et écrivain catholique. Avec une grande langue, la langue d’un écrivain. Et une oeuvre unique. Le soulier de satin, pour moi est la plus grande oeuvre du théâtre français, mis à part Racine». VB

Université de Fribourg, Kinderstube (entre l’Université et l’Hôpital des Bourgeois), salle Laure Dupraz, mercredi 11 mai de 14h30 à 18h. A la fin de ces exposés, une table ronde sera menée par Alain Faudemay, de la faculté des lettres de Fribourg. Ce colloque est placé sous la présidence d’honneur de l’ambassadeur de France en Suisse Jacques Rummelhardt. VB

Claudel: Biographie express

D’origine bourgeoise provinciale, Paul Claudel est né à Villeneuve-sur- Fère, en 1868, sur les confins de la Champagne et des Ardennes. De famille catholique, il perd la foi qu’il retrouvera, à l’âge dix-huit ans, le 25 décembre 1886, dans l’église Notre-Dame de Paris, lors d’une illumination subite. Sa vie de diplomate, de 1893 à 1936, le conduit à séjourner presque constamment à l’étranger dans divers pays, consul de France à Prague, Francfort, Hambourg, ministre plénipotentiaire à Rio de Janeiro, à Copenhague, ambassadeur de France à Tokyo, Washington, enfin à Bruxelles, de 1933 à I955, où se terminera sa brillante carrière. Sa vie littéraire conduite parallèlement s’épanouira au terme de son rôle de diplomate, à Brangues, aux confins de la Savoie et du Dauphiné. Ses conceptions, en étroit rapport avec ses idées religieuses, l’incitent à préciser le rôle du poète, dont le langage doit traduire l’unité fondamentale du monde des choses et de 1’esprit, correspondant à une véritable «co-naissance» abolissant la contradiction objet-sujet.

(apic/vb)

5 mai 2005 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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