France: Les protestants rendent un vibrant hommage à Paul Ricoeur

Il ne voulait pas être catalogué «penseur chrétien»

Paris, 26 mai (Apic) L’Eglise réformée de France rend hommage au grand philosophe Paul Ricoeur. Hommage aussi du théologien protestant et philosophe Olivier Abel, qui fut un ami proche du philosophe, figure marquante de la seconde moitié du XXe siècle, mort dans la nuit du 19 au 20 mai.

En France, les autorités protestantes ont rendu un vibrant hommage au philosophe décédé. «Paul Ricoeur a souvent manifesté son attachement à son Eglise – l’Eglise réformée de France – par sa disponibilité, sa participation à ses débats. Mais, surtout, avec la liberté et la rigueur qui ont tout à la fois marqué sa pensée, il a contribué à dire la foi chrétienne dans les problématiques actuelles», a souligné, dans un communiqué, le pasteur Marcel Manoël, président du Conseil national de l’Eglise réformée de France (ERF).

«C’est un chrétien qui pensait», précise à la correspondante de l’agence oecuménique ENI le pasteur Louis Simon, en charge pendant douze ans de la paroisse réformée de Palaiseau (Essonne) que le philosophe fréquentait assidûment.

Pour le pasteur Louis Simon, l’apport essentiel de Paul Ricoeur au protestantisme est dans l’approche des Ecritures grâce à ses travaux en herméneutique. «La Parole ne pouvait pas, selon Paul Ricoeur, être assimilée, réduite aux Ecritures. Sinon, nous tomberions dans le fondamentalisme», explique le pasteur Simon.

Philosophe de culture protestante, mort dans la nuit du 19 au 20 mai, à l’age de 92 ans, Paul Ricoeur a confronté dans son oeuvre les disciplines contemporaines comme la psychanalyse ou la sémiologie aux auteurs classiques. C’est ce que rappelle dans un entretien publié dans Le Figaro jeudi 26 mai le théologien et philosophe, protestant également, Olivier Abel.

«Né dans une tradition protestante, il avait choisi de faire de cette naissance, considérée comme un don, un destin», explique, dans l’interview au quotidien français, Olivier Abel, qui fut aussi un ami proche de Paul Ricoeur.

Une pensée qui a marqué la philosophe d’après-guerre

La pensée de Paul Ricoeur, qui a beaucoup travaillé la question du mal, a très fortement marqué la philosophie de l’après-guerre, en particulier les milieux protestants dont il était issu. Très grand lecteur, Paul Ricoeur, s’est, entre autres, nourri d’exégèse et de théologie. Ses auteurs de référence avaient pour nom Karl Barth, Dietrich Bonhoeffer ou encore Rudolf Bultmann. Toutefois, le philosophe ne se reconnaissait pas dans l’étiquette de penseur chrétien.

«Toute sa vie a été marquée par une très forte tension entre sa vocation philosophique et sa culture biblique, mais il acceptait cette tension, et n’a jamais cherché à forger une synthèse entre ces deux pôles qui structuraient sa vie», affirme Olivier Abel.

Né à Valence dans la Drôme le 27 février 1913 dans une famille de longue tradition protestante, Paul Ricoeur est élevé par ses grands-parents après le décès de ses parents, alors qu’il était encore enfant. Prisonnier de guerre en mai 1940, il enseigne ensuite à l’Université de Strasbourg, puis à la Sorbonne et la nouvelle Université de Nanterre. Il a également enseigné à Chicago et à Yale aux Etats-Unis, et aux Universités de Louvain, de Genève et de Montréal.

Décédé à son domicile de Châtenay-Malabry (Essonne), Paul Ricoeur, dans ses dernières volontés, avait exprimé le souhait que sa mort ne soit annoncée officiellement qu’après ses obsèques. A la suite d’indiscrétions, l’information a été cependant officialisée dès le 21 mai.

Les funérailles se sont déroulées le 24 mai, dans la plus stricte intimité. Un culte de reconnaissance a eu lieu le jeudi 26 mai, à Paris, au temple de l’Oratoire.

Paul Ricoeur a fait don à l’Institut protestant de théologie de Paris de sa bibliothèque, qui compte 25’000 ouvrages et de ses archives. Un fonds Ricoeur y est en cours de constitution afin de permettre aux chercheurs du monde entier de venir travailler sur la pensée du philosophe disparu. (apic/eni/vb)

26 mai 2005 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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