Accès à l’eucharistie: le Vatican pose ses conditions

Rome: Présentation de l’Instrumentum Laboris

Rome, 7 juillet 2005 (Apic) Les catholiques qui «soutiennent publiquement des choix immoraux comme l’avortement» sont en état de péché mortel et ne devraient pas accéder à la communion durant la messe, selon l’Instrumentum Laboris, présenté jeudi à Rome. A travers 89 pages, le Vatican pose ses conditions pour l’accès à l’eucharistie.

D’après le document, apporter son soutien politique à des candidats «ouvertement en faveur de l’avortement ou d’autres actes graves contre la vie, la justice et la paix», ou succomber à «la tentation de la corruption», est en totale contradiction avec les enseignements de l’Eglise, selon ce document préparatoire au prochain synode des évêques.

L’Instrumentum Laboris est signé par la Secrétairerie générale du Synode des évêques. Parmi les thèmes et les questions les plus importants abordés par cet instrument de travail figurent le danger de la sécularisation des sociétés occidentales et la perte de la notion du sacré, l’importance de la participation à la messe dominicale, les ombres régnant sur la célébration de l’eucharistie, l’oecuménisme et l’inter communion.

Cet instrument de travail est proposé aux évêques dans la perspective de la 11e Assemblée générale de leur synode qui se tiendra du 2 au 23 octobre 2005 au Vatican, à la conclusion de l’Année de l’Eucharistie. Titre de l’Instrumentum Laboris: «L’Eucharistie: source et sommet de la vie et de la mission de l’Eglise».

Décidée par Jean Paul II, la convocation de cette assemblée à laquelle participeront 250 évêques du monde entier a été confirmée le 12 mai par son successeur Benoît XVI. Ce document de travail (en latin «Instrumentum Laboris») a été rédigé par le Vatican après consultation des quelque 4’700 évêques.

Propositions «utiles»

Ce document de 89 pages (dans sa version française) est divisé en 4 parties – Eucharistie et monde actuel, Foi de l’Eglise dans le mystère de l’Eucharistie, L’Eucharistie dans la vie de l’Eglise et L’Eucharistie dans la mission de l’Eglise -, elles-mêmes constituées chacune de deux chapitres. Il est préfacé par Mgr Nikola Eterovic, secrétaire général du Synode des évêques et est disponible en 8 langues (anglais, français, allemand, espagnol, italien, polonais, portugais et latin). Cela permet de le soumettre «à la réflexion des pasteurs des Eglises particulières pour qu’ils se préparent au Synode, dans lequel les Pères offriront à l’évêque de Rome des propositions utiles pour le renouvellement eucharistique de la vie ecclésiale».

Baisse de la participation à la messe

Le document relève une baisse de la participation à la messe dominicale «en particulier dans les pays où le processus de sécularisation est important» et où il n’est pas rare que le dimanche se transforme aussi en un jour de travail»., mais enregistre des points positifs, comme l’augmentation du nombre de baptême d’adultes.

Rendu public au moment même où Londres était frappé par plusieurs attentats terroristes, le texte souligne que les évêques se réuniront dans un contexte international marqué par «des actes de violence, de terrorisme et des guerres», par les ravages du sida et le scandale de la faim. «Cette dramatique réalité ne peut être absente de la réflexion» du synode, relève- t-il, en soulignant «la dimension missionnaire de l’Eglise».

Développement de la sécularisation

Après avoir donné quelques données statistiques essentielles sur l’état du monde catholique (cf encadré), le document souligne que le «Synode se situe dans une période caractérisée par de forts contrastes au sein de la famille humaine». Il regrette que «la mondialisation et le progrès technique n’aient pas favorisé la paix ni une meilleure justice entre les nations riches et les nations pauvres du Tiers et du Quart- monde». «Tout laisse à supposer malheureusement que, tandis que les Pères synodaux seront réunis, des actes de violence, de terrorisme et des guerres continueront à avoir lieu dans différentes parties du monde», poursuit-il, en pointant aussi les maladies comme la pandémie du sida «qui provoquent la désolation dans de vastes couches de la population, surtout dans les pays pauvres».

Soulignant les contrastes existants entre les pays du monde, le document dénonce le développement de la sécularisation dans les sociétés occidentales. Il regrette «l’affaiblissement du sens du Mystère dans les sociétés sécularisées qui est aussi à attribuer à des interprétations et à des actes qui ne sont pas conformes au sens de la réforme liturgique du Concile, qui conduit à des rites d’une grande banalité et qui manquent de spiritualité». Le document souligne ainsi dans son premier chapitre le manque de pratique des catholiques européens et des Américains.

On peut ainsi lire dans le texte que l’Eucharistie étant la source de la morale chrétienne, «on remarque parfois que trop de fidèles reçoivent la communion sans être suffisamment réfléchi sur la moralité de leur vie». «Certains communient même s’ils nient les enseignements de l’Eglise ou soutiennent publiquement des choix immoraux, comme l’avortement, sans penser qu’ils commettent un acte personnel profondément malhonnête ni qu’ils sont source de scandale, peut-on lire à la p. 64. «Du reste, il existe des catholiques qui ne comprennent pas pourquoi ils commettent un péché lorsqu’ils soutiennent politiquement un candidat ouvertement en faveur de l’avortement ou d’autres actes graves contre la vie, la justice et la paix», souligne encore le document.

«Vérités doctrinales»

L’Instrumentum Laboris synthétise les réponses et les réflexions des Conférences épiscopales, des Eglises orientales catholiques «sui iuris», de la Curie romaine et de l’Union des supérieurs généraux aux Lineamenta publiés début 2004 et au questionnaire l’accompagnant dans le but de préparer le Synode convoqué par Jean Paul II et confirmé par Benoît XVI, au lendemain de son élection, le 20 avril dernier. Le document intègre aussi des observations faites par les évêques, prêtres, religieux, théologiens et laïcs.

L’Instrumentum Laboris n’a pas l’objet d’offrir «une synthèse théologique systématique et complète sur le sacrement de l’Eucharistie», ni de «simplement proposer de nouveau les enseignements doctrinaux contenus dans les documents» déjà écrits sur le sujet sous les pontificats des prédécesseurs de Benoît XVI, est-il expliqué dans l’introduction et dans l’avant-propos. Il s’agit «plutôt de rappeler certaines vérités doctrinales qui ont une influence considérable sur la célébration de ce Mystère» et d’»indiquer les questions émergentes dans le cadre des points essentiels de la doctrine eucharistique de l’Eglise, à la lumière des Ecritures Saintes et de la Tradition».

Aussi, le document se concentre-t-il principalement «sur les aspects positifs» de la Célébration eucharistique qui rassemble les fidèles et fait d’eux une seule communauté malgré les différences. Il mentionne toutefois «quelques omissions ou négligences» dans la célébration de l’Eucharistie et présente finalement «des propositions» pour y remédier. Les fidèles attendent en effet «des orientations appropriées pour que soit célébré plus dignement le sacrement de l’Eucharistie», souligne l’avant-propos. En outre, il est précisé que le texte de l’Instrumentum laboris, dans une attitude à «finalité eucharistique», essaie «d’embrasser toute la tradition de l’Eglise, et non pas seulement à partir de la perspective du rite latin».

Ainsi, à plusieurs reprises, le document insiste sur l’importance de participer à la célébration eucharistique, notamment le dimanche. «Les fidèles qui négligent le commandement dominical ne donnent, dans la majorité des cas, aucune importance particulière à la messe», constate-t- il. «Parfois, on sous-estime l’importance du précepte soutenant qu’il n’est suffisant de l’observer que lorsque l’état d’esprit le suggère».

Faire face au défi

Le document reflète aussi le souhait des organes consultés pour sa publication «d’orientations pastorales» aptes à motiver les fidèles à participer à l’Eucharistie. «Il faudrait encourager une catéchèse plus intense et plus continue et intense en ce qui concerne l’importance et l’obligation de participer à la messe le dimanche et les jours prescrits». Il faut faire face «au défi» exigeant «de susciter l’intérêt des familles à participer à la sainte messe», et notamment des jeunes. Le document insiste pour dire: la célébration dominicale des catholiques doit devenir pour eux, «un signe distinctif», en particulier dans les pays où ils sont minoritaires. «En priant ensemble et en transmettant ensuite cette attitude dans les oeuvres de charité, une contribution importante est fournie à l’amélioration de la société, surtout dans les nations où, par tradition, prévaut un concept individualiste du rapport de l’homme avec la divinité».

S’arrêtant également sur les normes liturgiques, l’Instrumentum laboris rappelle que la messe doit être célébrée dans un «juste équilibre», car «on passe parfois d’un ritualisme passif à une créativité exagérée, qui revêt parfois des formes de personnalisation excessive de la part du célébrant de l’Eucharistie, caractérisée, ce qui n’est pas rare, par une verbosité faite de commentaires trop nombreux et trop longs».

Inter-communion et partage eucharistique

Les réponses aux Lineamenta envoyées à Rome soulignent encore les «atteintes au sens du sacré», contre lesquelles il faut lutter. Ainsi, il est «urgent de se prémunir contre les sacrilèges des hosties consacrées, qui se déroulent lors de rites sataniques et de messes noires». Il est aussi demandé de réfléchir «au juste» emplacement du tabernacle et de l’autel dans les églises, à l’amélioration du service des lectures et des homélies, de la connaissance du chant grégorien par les fidèles – en appelant à éviter «toute forme musicale qui n’invite pas à la prière» – et de la réintroduction des prie-Dieu. Il «conviendrait également de valoriser dans une juste mesure les expressions de la piété populaire en rapport avec l’Eucharistie, comme les chants, les compositions de fleurs et les ornements».

Proposant une réflexion sur l’inter-communion et sur le partage eucharistique, l’Instrumentum Laboris souligne «l’urgence inévitable» de travailler «à la communion avec les frères séparés, qui n’ont pas la même compréhension de la foi en la présence du Christ dans l’Eucharistie». S’il rappelle qu’il existe à ce sujet «des normes canoniques précises» ainsi «qu’un enseignement clair du Magistère de l’Eglise», il note que «des cas d’égalitarisme mal compris ont conduit à des erreurs» en la matière. Les réponses aux Lineamenta suggèrent toutefois des façons de rendre les non- chrétiens plus proches de la communauté catholique, sans les autoriser à communier. Sont ainsi données en exemple certaines églises, où «la bénédiction est aussi impartie aux non-catholiques qui s’approchent de l’autel au moment de la Communion». «C’est dans cette ligne aussi que, d’Asie, des suggestions sont avancées pour que soit pris en considération quelques signes en faveur des non-chrétiens au moment de la communion, afin qu’ils ne se sentent pas exclus de la communauté liturgique».

L’Eucharistie est semence d’un monde nouveau

Outre le fait de présenter l’Eucharistie comme sacrement de paix et d’unité, le document s’arrête aussi sur les implications sociales de l’Eucharistie. «La communion eucharistique a pour effet essentiel la charité qui doit pénétrer la vie sociale». Enfin, il ouvre sur l’eucharistie comme source et sommet de la mission. Le Synode permettra «de faire progresser la mission de l’évangélisation avec une ardeur renouvelée et des indications pastorales concrètes adaptées aux attentes de la communauté chrétienne et aux désirs plus profonds de l’homme contemporain», peut-on lire dans la conclusion du document. L’Instrumentum Laboris termine en soulignant que «l’Eucharistie est semence d’un monde nouveau et école authentique de dialogue, de réconciliation, d’amour, de solidarité et de paix», et que «ceux qui communient au Pain de la vie et annoncent au monde le Mystère, doivent également défendre la vie dans toutes ses manifestations, en mettant tout en oeuvre aussi en vue du respect dû à la création». APIC

Encadré

Statistiques sur l’état du monde catholique

Dans le premier chapitre du document, un bilan statistique met en valeur le progrès du nombre de catholiques dans le monde, avec une augmentation de 15 millions entre 2002 et 2003, pour un chiffre total d’un milliard 86 millions. C’est l’Afrique qui enregistre la plus grande augmentation avec une croissance de 4,5%, suivie de l’Asie avec 2,2%, de l’Océanie avec 1,3% et de l’Amérique avec 1,2%, l’Europe ne connaissant pas de grande fluctuation en la matière.

L’Amérique représente dans sa totalité 49,8% des catholiques du monde, l’Europe 25,8%, l’Afrique 13,2%, l’Asie 10,4%, l’Océanie moins d’1%. Il est à noter que 62,46% des Américains sont catholiques contre 39,59% des Européens, 26,39% des Océaniens, 16,89% des Africains et moins de 3% des Asiatiques.

Le nombre d’évêques a également augmenté de 27,68% dans le monde entier entre 1978 et 2003, passant de 3714 à 4742, contrairement au nombre de prêtres qui a diminué de 3,69%, passant de 421’000 à 405’000. En effet, le nombre de prêtres religieux a beaucoup diminué (13,3%) entre ces deux dates, contrairement aux prêtres diocésains dont la croissance est de 2,12%. Le nombre de religieux dans son ensemble a diminué de 27,94%, passant de 76’000 à 55’000, comme celui des religieuses passant de 991’000 à 776’000, enregistrant ainsi une baisse de 21,65%.

Pour cette raison, le nombre de catholiques par prêtre a augmenté dans la période 1978-2003, passant de 1,797 à 2,677, cette proportion étant assez similaire d’un continent à l’autre.

Par ailleurs, le nombre de diacres permanents s’est multiplié de façon conséquente durant la période 1978-2003, avec une augmentation de 466,7%. Cette figure religieuse est particulièrement répandue en Amérique, 65,7% d’entre eux y vivant, particulièrement en Amérique du Nord, et en Europe, qui compte 32% des diacres permanents du monde. Enfin, l’Instrumentum Laboris souligne le rôle des missionnaires laïcs et des catéchistes dans le monde. Ils représentent un total respectif de 172’331 et 2’847’673 personnes.

Enfin, dans les statistiques, le document de travail tient à donner un aperçu des difficultés rencontrées dans le monde, comme le «scandale de la faim», qui a touché 842 millions de personnes durant la période 1999- 2001, dont 798 millions dans les pays en développement. (apic/imedia/ar/pr)

7 juillet 2005 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 9  min.
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