Document romain en faveur des gens du voyage
Rome: Face à la concurrence des sectes, l’Eglise affirme son engagement pour les Tziganes
Rome, 28 février 2006 (Apic) Face à la concurrence des sectes, l’Eglise catholique réaffirme son engagement en faveur des Tsiganes, une population partout méprisée et discriminée qu’elle reconnaît avoir elle-même longtemps négligée.
Un document du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement, rédigé en six chapitre, invite chaque Conférence épiscopale à posséder un «évêque promoteur» chargé de la pastorale tsigane, et souligne l’importance des aumôneries nationales et locales, tout en se prononçant sur la formation de laïcs tziganes.
Les tziganes ont été «souvent abandonnés par les hommes, mais non par Dieu», souligne le texte du Vatican. Les Etats ont aujourd’hui la responsabilité de mettre en oeuvre des projets pour leur garantir des conditions de vie dignes, mais leur accueil constitue aussi «un défi» pour l’Eglise, peut-on lire.
L’Eglise catholique a ainsi réaffirmé son engament en faveur des Tsiganes dans un document du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement, rendu public le 28 février 2006. Sur plus d’une trentaine de pages, ce texte intitulé «Orientations sur la pastorale des Tsiganes» dénonce le prosélytisme des sectes, regrette la marginalisation des populations nomades et trace les grandes lignes d’une pastorale spécifique pour les «gens du voyage».
Le document est signé par le cardinal Stephen Fumio Hamao et Mgr Agostino Marchetto, respectivement président et secrétaire du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement. Il commence par soutenir que «les Tsiganes ont besoin d’une pastorale spécifique, attentive à leur culture», et dresse une liste de ces populations en mouvement: Roms, Sintis, Manouches, Gitans, Yéniches, etc.
«Le présent document, est-il indiqué dans l’avant-propos, réaffirme sans hésitation l’engament de l’Eglise en faveur des Tsiganes». Ces derniers sont «des populations peu connues, souvent marginalisées», peut-on lire ensuite dans le premier chapitre qui s’attarde sur les «oppositions entre les cultures», la «mentalité particulière» de ces populations en mouvement et les changements intervenus au 20e siècle.
Victimes eux aussi des persécutions
Les Tsiganes sont difficiles à comptabiliser, note le document, car ils sont souvent «exclus des recensements», installés «dans des quartiers dégradés, sur des terrains abandonnés, dans des bidonvilles, dans des aires de stationnement peu organisées ou dans des quartiers en marge des villes». Il est ensuite précisé que l’on assiste désormais à une migration de Tsiganes «provenant des pays les plus pauvres d’Europe centrale et des Balkans» vers les pays industrialisés, ce qui entraîne «un refus de la part des habitants», engendrant» une gêne chez les administrateurs de la chose publique».
Rappelant qu’au cours de l’histoire, les Tsiganes ont été victimes de «persécutions qui furent justifiées presque comme des mesures sanitaires», entre autres sous le régime nazi, le document note qu’ils sont encore «vus par beaucoup comme des étrangers nuisibles et des mendiants insistants».
Dans ces «orientations», le Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement explique qu’au cours du 20e siècle on a vu s’accentuer «la tendance à la sédentarisation» et que, «dans certaine régions, ce processus a facilité la scolarisation des enfants et l’augmentation de la population tsigane alphabétisée».
Mais, concernant la promotion de la femme, le dicastère romain constate «qu’il reste encore beaucoup à faire sur le chemin vers l’égalité de sa dignité avec celle de l’homme». Le document regrette ensuite que les populations nomades soient influencées par la sécularisation provenant de «la société des gagé (expression des Tsiganes désignant tous ceux qui ne sont pas de leur population, ndlr)». Il note que le peuple tsigane «devient facilement la proie des sectes» ou des «nouveaux mouvements religieux», ce qui «constitue un appel ultérieur et urgent à ouvrir les bras à une population toujours désireuse de rencontrer Dieu».
Patrimoine religieux à ne pas mettre en mains des sectes
Dans un chapitre consacré à «la sollicitude de l’Eglise», le texte du dicastère chargé des migrants et des personnes en déplacement souligne que les Tsiganes sont «soumis aux changements vertigineux de la société contemporaine, au matérialisme sauvage et aux fausses propositions». En conséquence, cela entraîne «un élan puissant à l’action pastorale, pour éviter qu’ils se ferment sur eux-mêmes de façon statique, qu’ils fuient vers les sectes ou encore qu’ils dispersent leur patrimoine religieux, englouti par un matérialisme qui étouffe toute référence au Divin».
Le document note malgré tout que, dans sa marque de confiance à l’égard de la providence, «la vie tsigane est un témoignage vivant d’une liberté intérieure face aux liens de la société de consommation et aux fausses sécurités fondées sur l’autosuffisance présumée de l’homme».
«Evangélisation et inculturation» sont au coeur du troisième chapitre, qui invite à «mettre en valeur la «diversité tsigane»«, mais aussi à ne pas «couper les ponts permettant de rencontrer la culture des gagé». Le document souhaite ainsi que «l’éducation», «la qualification professionnelle» et «l’initiative» soient encouragées chez les gens du voyage, tout autant que «l’honnêteté et la droiture dans le milieu de travail», comme «des valeurs civiles et chrétiennes auxquelles il ne faut jamais renoncer». Sans évoquer le vol, souvent assimilé aux peuples tsiganes, le texte indique que «les activités produisant «l’argent facile», à la limite de la légalité ou en dehors, doivent donc être résolument abandonnées» et invite à surmonter les oppositions «entre la culture tsigane et celle des gagé» pour «arracher des âmes la méfiance».
Le Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement évoque dans le chapitre suivant «l’évangélisation et la promotion humaine», invitant les organismes internationaux et les gouvernements à «respecter cette minorité». Il indique que «l’instruction est la condition fondamentale et incontournable du développement», et insiste aussi sur la nécessité d’assurer entre autres «la formation professionnelle des jeunes, l’accès aux services de santé, des conditions décentes de logement, la sécurité sociale».
Récupération et prosélytisme
«L’évangélisation des Tsiganes est mission de toute l’Eglise», souligne ensuite le cinquième chapitre consacré aux «aspects particuliers» de cette pastorale. Il énumère les sacrements, dans lesquels s’inscrit «le rapport réciproque entre l’Eglise et les Tsiganes», puis l’expérience de «dévotion» que sont les pèlerinages, chers aux gens du voyage.
Le document dénonce ensuite les «méthodes imprégnées de prosélytisme non évangélique» des «sectes» et «nouveaux mouvements religieux», précisant que «les nouveaux mouvements» de l’Eglise catholique pourraient jouer un «rôle particulier» dans la pastorale des Tsiganes, permettant d’exprimer leur «religiosité émotive».
Dans un dernier chapitre, consacré aux «structures et agents pastoraux», le document souhaite que chaque Conférence épiscopale possède un «évêque promoteur» chargé de la pastorale tsigane, et souligne aussi l’importance des aumôneries nationales et locales. Mais il estime enfin que «la formation des laïcs tsiganes à des tâches pastorales constitue une priorité et engage l’avenir de l’Eglise». (apic/imedia/ami/pr)