Turquie: Messe du pape au sanctuaire marial d’Ephèse
Appel pour «la paix et la réconciliation» en Terre sainte
Ephèse, 29 novembre 2006 (Apic) Le pape Benoît XVI lance mercredi un nouvel appel pour «la paix et la réconciliation» en Terre sainte, la terre des chrétiens, des juifs et des musulmans, au sanctuaire marial d’Ephèse, seconde étape de son voyage en Turquie.
Au cours de la messe qu’il célébrait devant quelques centaines de fidèles, le pape a aussi évoqué «les nombreux défis et difficultés» de la minorité vivant en Turquie et a parlé de la «maternité divine» de la Vierge Marie.
«Depuis cette rive de la péninsule Anatolienne, pont naturel entre les continents, invoquons la paix et la réconciliation, surtout pour ceux qui habitent dans la Terre que nous appelons ’sainte’, et qui est tenue comme telle autant par les chrétiens que par les juifs et les musulmans», a déclaré Benoît XVI devant les fidèles. La Terre sainte, a-t-il ajouté, «est la terre d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, destinée à accueillir les bénédictions d’un peuple qui devienne une bénédiction pour le monde».
«Paix pour l’humanité entière !», a aussi lancé le pape, avant de souhaiter «que la prophétie d’Isaïe puisse rapidement se réaliser», citant ainsi certains versets bibliques du prophète «Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes. On ne lèvera plus l’épée nation contre nation, on n’apprendra plus à faire la guerre».
Notant que tous ont «besoin de cette paix universelle», Benoît XVI a souligné que l’Eglise était «appelée à être non seulement l’annonciatrice prophétique de cette paix, mais plus encore a en être ’le signe et l’instrument’». «Dans cette perspective de pacification universelle, a expliqué le pape, le désir de la peine communion et de concorde entre tous les chrétiens devient plus profond et intense».
La veille, à Ankara, en recevant le corps diplomatique accrédité auprès des autorités turques, Benoît XVI avait appelé la communauté internationale à «la restauration de la paix au Liban», réclamant plus largement un «véritable dialogue», pensant «tout particulièrement au conflit du Proche-Orient».
Hommage à don Andrea Santoro
Au cours de l’homélie prononcée en italien à Ephèse, Benoît XVI a aussi évoqué «la maternité divine de Marie», rappelant que ce «mystère» avait été «solennellement confessé et proclamé» lors du premier Concile oecuménique d’Ephèse, en 431. Il a noté que Marie était «aussi aimée et vénérée par les musulmans». Cependant, il n’a pas mentionné le culte local selon lequel la Vierge Marie, venue vivre à Ephèse avec saint Jean l’évangéliste – dont la tombe se trouve à quelques km de là -, y serait morte.
Devant les fidèles, Benoît XVI a confié qu’il avait voulu, avec ce voyage, «faire sentir non seulement (son) amour et (sa) proximité spirituelle mais ceux aussi de l’Eglise universelle à l’égard de la communauté chrétienne qui, ici, en Turquie, est réellement une petite minorité et fait face chaque jour à de nombreux défis et difficultés». Devant les catholiques vivant en Turquie, le pape a aussi évoqué «le beau témoignage du prêtre romain Don Andrea Santoro», prêtre italien assassiné en février dernier dans la ville turque de Trébizonde.
Le pape a également confié être venu à Ephèse pour s’adresser particulièrement «au ’petit troupeau’ du Christ» qui vit en Turquie et également a noté la présence à la célébration de fidèles catholiques de différents rites, la qualifiant de «motif de joie».
Durant son homélie, Benoit XVI a été applaudi à plusieurs reprises, notamment lorsqu’il a mentionné son prédécesseur le bienheureux Jean XXIII, Angelo Roncalli, qui fut représentant pontifical en Turquie de 1935 à 1944.
La messe présidée par le pape sous un grand soleil, a été célébrée autour du petit sanctuaire marial d’Ephèse, – récemment épargné par un incendie -, non loin de la mer Méditerranée, devant quelques centaines de fidèles venus de différents pays. Dans un espace restreint, sous les oliviers, Benoît XVI a célébré la messe en prononçant quelques mots en turc. Il était encadré par un fort déploiement des forces de l’ordre.
Au terme de la cérémonie, Benoît XVI devait se rendre au proche couvent des Capucins, pour déjeuner avec les cardinaux et évêques de sa suite. Le pape était arrivé dans la matinée à Ephèse après avoir atterri à Izmir, à une cinquantaine de kilomètres. Il avait été reçu par les officiels locaux avant de partir pour Ephèse. En milieu d’après-midi, il devrait à nouveau se rendre à l’aéroport d’Izmir pour s’envoler à 17h30 (heure locale) vers Istanbul, dernière ville étape de son séjour en Turquie. Il y sera accueilli par le patriarche de Constantinople, Bartholomé Ier. Les deux hommes se rendront au siège du patriarcat, le Phanar, pour un temps de prière et une rencontre en privé.
La presse salue
D’une manière générale, la presse turque a salué ce premier jour de visite. Saluant mercredi le «surprenant» soutien de Benoît XVI à l’adhésion d’Ankara à l’Union européenne et affirmant que sa visite «historique» en Turquie a «bien commencé».
«Soutien surprise pour l’UE», titrait le quotidien populaire Vatan, qui estime que le souverain pontife a «surpris» le monde entier en se prononçant en faveur d’une entrée de la Turquie musulmane dans le bloc européen alors qu’il s’y était dit opposé avant son pontificat. «Le soutien le plus divin: la place de la Turquie est dans l’UE», titre de son côté le quotidien libéral Radikal qui ironise que le soutien donné par le pape aux ambitions européennes d’Ankara, mises à mal actuellement par la question chypriote. Cette nouvelle position du pape est un revirement complet par rapport à celle qu’il défendait lorsqu’il n’était encore que le cardinal Joseph Ratzinger, est-il enfin noté. APIC
Encadré
La «maison de Marie»
La «maison de Marie», où Benoît XVI célèbre mercredi sa première messe en Turquie, est l’un des plus importants lieux de pèlerinage catholique du pays, même si son authenticité reste sujette à caution. La découverte de la maison dans laquelle aurait vécu et serait morte la mère du Christ avant, selon la tradition chrétienne, de monter au ciel, est pour le moins troublante.
Le pape se rendra à ce sanctuaire. Il sera le troisième pape à s’y rendre, après Paul VI en 1967 et Jean-Paul II en 1979. Cette ville, théâtre d’un important concile dans les premiers temps de l’Eglise, abrite aussi le sanctuaire Meryem ana evi où s’est rendu Benoît XVI. Chaque année, un grand nombre de chrétiens et de musulmans viennent y vénérer la Vierge Marie, dont on dit qu’elle est venue y mourir.
L’histoire de la maison de la Vierge a Ephèse a commencé avec les visions d’une jeune femme, Anne-Catherine Emmerick (1774-1824). Cette grande stigmatisée de Dülmen (Allemagne) avait des visions si précises sur la vie de la Vierge Marie, qu’un prêtre français, l’abbé Gouyet, eu l’idée, en 1880, de se rendre à Ephèse pour constater sur place la véracité de ses propos et pour découvrir – peut-être – l’emplacement de la maison. Après quelques recherches, il découvrit une ruine et quand il demanda le nom de l’endroit, on lui répondit : Panaya Kapoulou, la ’porte de la Vierge’. De mémoire d’homme, les habitants de la région venaient y célébrer, le 15 août, l’Assomption de la Vierge, parce que, disaient-ils, c’était dans cette maison qu’elle était morte.
Les premières fouilles entreprises confirmèrent l’antiquité des fondations de la maison et la découverte fut authentifiée par Mgr Timoni, archevêque de Smyrne, en 1892. C’est ainsi que la «Maison de la Vierge», où la Mère de Jésus vécut exilée auprès de saint Jean, est un sanctuaire marial depuis plus d’un siècle. Du fait de la vénération de l’Islam pour la Mère de Jésus, elle est devenue un lieu de rencontre exceptionnelle entre les chrétiens et les musulmans avec plus de 3 millions de pèlerins par an, en majorité des musulmans. Dans un livre de l’auteur suisse Frithjof Schuon (1907-1998), on peut lire que «les catholiques célèbrent la messe, tandis que les musulmans prient dans la chambre adjacente. Les divers ex-votos montrent que la Vierge accorde des miracles aux uns comme aux autres».
Située a proximité de la ville actuelle d’Izmir (ancienne Smyrne), Ephèse (selçuk en turc) est une ville portuaire. Elle est connue pour ses sanctuaires, notamment le temple de la déesse Artémis qui compte parmi les sept merveilles du monde antique. Ephèse fut probablement fondée au 11e avant Jésus-Christ par des Grecs ioniens. Saint Paul la choisira pour y installer une congrégation chrétienne au Ier siècle et elle deviendra l’un des premiers centres du christianisme. (apic/imedia/ami/pr)